J’ai commencé Sorcery of Thorns de Margaret Rogerson environ une semaine après avoir aimé Enchantment of Ravens. J’ai essayé de lire d’autres romans entre-temps, parce que j’avais peur qu’en enchainant ça me paraisse répétitif, vu que c’est la même autrice. Mais rien n’a vraiment capté mon attention, et l’idée d’un univers où les livres sont vivants me tentait beaucoup.
Dans la bibliothèque où elle a grandi, Elisabeth apprend à préserver les grimoires vivants tout en se méfiant des sorciers, qui utilisent la magie néfaste présente dans leurs pages. Une nuit, un grimoire dangereux se transforme en monstre, tuant la directrice. Elisabeth se retrouve accusée de l’avoir libéré, et est envoyée à la capitale pour être interrogée par les sorciers furieux de la destruction de cet exemplaire unique. En plus de sa terreur à l’idée d’être prisonnière de personnes ayant fait un pacte avec un démon, elle sait que le véritable coupable est un sorcier, car elle a senti l’odeur de la magie près de la directrice.
Elle voyage donc en compagnie du sorcier Nathaniel Thorne et du démon de celui-ci, Silas. Bien sûr, les trois découvriront au fur et à mesure un complot qui menace le monde. L’histoire suit un schéma que j’ai déjà lu, alors j’ai tout vu venir à des kilomètres, et le roman se traine un peu en longueur. Cependant, il brille par son univers, et surtout par ses trois personnages centraux que j’ai tout simplement adorés.
Elisabeth est très musclée et combative, ce qui est à la fois épique et hilarant. Nathaniel est le comic relief du groupe : ses piques sont si drôles ! Son passé tragique est un peu cliché, mais Sorcery of Thorns explore vraiment les conséquences des évènements traumatiques, au lieu de juste nous raconter une histoire larmoyante pour donner de la profondeur au personnage. D’habitude, les héros enchainent les combats épiques. Mais après sa première épreuve, Elisabeth ne dort pas pendant des jours, fait des cauchemars, ainsi qu’une attaque de panique lorsqu’elle revoit le méchant. Nathaniel sait l’aider, parce qu’il en fait l’expérience aussi.
Silas… Silas est un personnage génial. Je ne savais pas trop quoi penser de lui au début, mais c’est vraiment le personnage phare de Sorcery of Thorns. Sa nature démoniaque n’est pas romancée ou édulcorée : il ne se sent pas coupable de tuer des gens, il ne va pas tomber amoureux d’une humaine, soudainement découvrir les sentiments humains et devenir gentil. Mais son amitié avec Nathaniel est très touchante, les questions de moralité et de servitude sont discutées. Silas comme les grimoires permettent d’explorer le thème de la monstruosité : un livre de sortilèges maléfiques est-il un être mauvais ? Est-ce qu’un grimoire qui cherche à se libérer de sa cage en tuant ses geôliers est maléfique ? Est-ce qu’un livre gentil qui se transforme en monstre doit être détruit ? Est-ce qu’un démon est mauvais par nature, ou est-ce que ça dépend des démons ? Si on peut accepter que certains humains soient mauvais et d’autres non, pourquoi ne fait-on pas la même chose avec les démons et les livres ? Pourquoi sont-ils tous enfermés ou asservis, peu importe leurs actions ? Il y a aussi un passage sur les asiles qui tente de condamner le fait d’enfermer des gens, mais j’ai trouvé ça plus maladroit. N’empêche, les thèmes abordés m’ont vraiment touchée, on voyait le déchirement d’Elisabeth face à la manière dont Silas était traité, et je le partageais.
Les relations entre Silas et Nathaniel et entre Silas et Elisabeth m’ont beaucoup plu, en revanche, je suis peu convaincue par la romance entre Elisabeth et Nathaniel. Leur relation est passionnelle et va vraiment très vite – c’est du YA, et je crois que les personnages ont 16 et 18 ans, peut-être 17 pour Elisabeth. Passer à l’étape mariage en quelques mois me fait bizarre… certes, le contexte moyenâgeux fait qu’ils sont considérés comme adultes, un mariage à 17 ans est donc possible, mais quand même ! Comme c’est une romance secondaire, c’est peu gênant, mais ça veut aussi dire qu’on voit peu de raison pour eux de s’éprendre de l’autre.
Il y a aussi une très belle amitié entre Elisabeth et son amie d’enfance Katrien – qui, comme Silas, est aro ace, ce qui veut dire que l’aromantisme n’est pas réduit à « un truc de démons sans cœur » !
Je suis très frustrée par la fin. Vous avez peut-être déjà remarqué que si l’un des deux amoureux meurt, c’est une tragédie. Titanic, Nos Etoiles Contraires, Roméo et Juliette fendent le cœur. Mais si c’est un·e meilleur·e ami·e qui meurt, et le couple qui survit ? Alors, c’est une fin heureuse, et émotionnelle. Le couple est sublimé par ce deuil commun, ils s’appuient l’un sur l’autre – peut-être qu’ils donneront à leur enfant le nom de leur ami·e décédé·e. Ça me blesse profondément : ces œuvres me disent qu’en tant que personne aro, ma survie n’est pas nécessaire au bonheur des autres, contrairement à celle des personnes romantiques.
Pendant un temps, j’ai cru que Sorcery of Thorns me ferait ça. J’ai tellement souffert sur ces chapitres ! Et puis retournement de situation… ou pas : la fin est ouverte. On peut imaginer que le personnage survit. Mais peut-être pas. Et même si je me convaincs de sa survie : je n’ai pas vu les retrouvailles. Je n’ai pas vu les personnages se faire des câlins et fêter leur victoire ensemble. Cette pirouette finale n’a pas du tout apaisé les blessures des chapitres précédents, au contraire : si j’avais été sûre que le personnage était mort, j’aurais pu enrager, condamner ce livre qui m’a blessée. Mais là, j’avais tout ce désespoir de ne pas être considérée comme quelqu’un méritant de vivre, et rien pour l’apaiser. Ni colère, ni réconfort : juste du doute.
Heureusement, heureusement, le tome bonus était déjà sorti en Français. On suit nos personnages enfermés une semaine dans le manoir par d’anciennes protections qu’il faut désactiver. J’adore les explorations de maisons magiques ! Les portes cachées, les jardins secrets, les tableaux enchantés, les vêtements vivants qui essaient d’étrangler les personnages. Ceux-ci ne sont jamais réellement en danger, et on le sait, c’est donc une histoire très tranquille centrée sur la reconstruction des personnages après la fin de Sorcery of Thorns. Comment gérer le deuil. Comment gérer une amitié qui a été mise en pause. Comment gérer une douleur constante au genou. Les cauchemars. La présence d’une nouvelle personne dans son logement. Les questions identitaires.
Même si cette novella est centrée de manière un peu gênante sur la romance, les amitiés ont tout autant d’importance et ça m’a tout simplement fait du bien. Autant j’ai éclaté de rire quand des culottes « perturbantes » poursuivaient les personnages, autant j’ai eu envie de pleurer durant les discussions de relations amicales.
Honnêtement, j’ai du mal à considérer Mysteries of Thorn Manor comme un tome « bonus » : pour moi, il était nécessaire. Maintenant que je l’ai lu, je suis remplie d’affection et de joie tranquille en repensant à Sorcery of Thorns. Alors qu’avant… j’avais mal.
Il ne fait aucun doute que je vais lire Vespertine, de la même autrice. L’héroïne serait aro ace, et j’ai beaucoup aimé la manière dont l’aromantisme et l’asexualité étaient traitées ici. En plus, les univers de Margaret Rogerson sont absolument incroyables, et j’ai hâte d’être emportée de nouveau.
Radar à diversité : li bi avec une canne, psi aro ace, ps aro ace
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