Durant toute la semaine de la visibilité asexuelle, j’ai publié de petits articles sur les thèmes proposés par les organisateurices de la Asexual Awareness Week. Les voici !
Identités LGBTI+
Chaque personne est différente, chaque personne ace que je rencontre a un vécu qui lui est particulier. Parfois, cette différence vient juste de la personnalité, et parfois, c’est lié à l’intersection de plusieurs identités.
Les mots que j’utilise pour définir mon identité sont aro-ace-lesbienne. Trois mots distincts, alors que pour moi, ils forment un tout. Mon aromantisme n’est pas dissociable de mon identité lesbienne. Et pourtant, j’ai l’impression de devoir choisir…
Alors que j’étais encore dans le placard, j’ai entendu un récit de coming out lesbien, témoignant de cette réaction : « Mais t’as couché avec une fille ? »
Je me suis rendue compte que je n’aurais jamais cette légitimité. Qu’en annonçant que j’étais lesbienne,
je ne pourrais pas répondre oui à cette question.
Je n’avais jamais
envisagé rencontrer ce problème. Le sexe me passe tellement au-dessus de la
tête que je ne pensais pas que ça puisse empêcher les gens de me considérer
comme lesbienne. Mais quand j’ai compris, j’ai été écartelée entre les deux
identités. Devais-je en privilégier une ? Faire un coming out lesbien mais
pas ace, pour que cette identité-là soit légitime ? Ou alors, un coming out ace
mais pas lesbien ?
Au-delà de la
légitimité, je m’interrogeais aussi sur les conséquences d’un double coming out. D’une part, les lesbiennes sont très sexualisées. Mais d’autre part, il y
a ce mythe comme quoi les rapports sexuels lesbiens n’existent pas, ou qu’ils
sont inférieurs aux rapports hétéros, et j’ai l’impression que mon existence
même confirme ce préjugé. Et je n’ai pas envie d’être utilisée contre la
communauté lesbienne, surtout pas !
Mon identité centrale
est mon identité ace, tout simplement parce que c’est en découvrant mon
asexualité que j’ai compris que j’étais lesbienne et aro. Sans ça, je serais
toujours une hétéro perdue. Mais ça ne diminue en rien l’importance des autres
identités à mes yeux. Elles vont ensemble, et, dans les faits, mon aromantisme
a beaucoup plus d’impact sur mon quotidien.
Je ne devrais pas avoir
l’impression de devoir choisir : je ne peux pas parler d’asexualité sans
prendre mes autres identités en compte. Mais j’ai l’impression de me
reconnaître nulle part : ni dans les groupes ace qui se concentrent sur
« comment trouver un·e partenaire romantique quand on ne veut pas de
rapports sexuels », ni dans les romans lesbiens débordants de passion
brûlante et d’activités torrides.
Il y a cependant de plus
en plus d’efforts d’intersectionnalité au sein des communautés, des groupes
militants et de la représentation dans les médias.
Coming Out
La grande étape associée
aux identités LGBTI+, c’est le Coming Out. Ma vision du Coming Out ne
correspond pas du tout à ce que je vois comme représentation dans les médias,
je ne sais pas si c’est lié à l’asexualité en général, ou juste à moi.
C’est « facile »
de rester dans le placard. Vu que le sexe est tabou – même si, d’un autre côté,
on nous en parle tout le temps – on n’attend pas de moi que je parle de mon
activité sexuelle. Certes, notre société est hypersexualisée et tout le monde
va partir du principe que je suis zedsexuelle. Mais une de mes premières
pensées en envisageant un coming out auprès de ma famille était : en quoi ça
les concerne? Si j’étais zedsexuelle, je ne leur décrirais pas mes fantasmes
sexuels… pourquoi devrais-je annoncer leur absence ?
Et en même temps, j’en
avais terriblement envie. Me rendre compte que j’étais ace a été un
bouleversement dans ma vie. Je me suis enfin comprise moi-même. Les morceaux du
puzzle se sont emboîtés, je me suis sentie tellement bien !
Et, en remarquant
l’acephobie et l’hypersexualisation de la société, j’ai eu envie d’agir, j’ai
rejoint des groupes, j’en ai discuté avec des ami·es aces…
Or, je suis très proche
de ma famille. Leur cacher cette révélation, cette part si importante de ma
vie… j’avais l’impression de vivre un mensonge permanent. Je voulais partager
cette part de moi, tout en ayant le sentiment que ça ne les regardait pas…
Je pense qu’il faut agir
de sorte à se sentir bien. Peu importe si c’est « nécessaire » ou
pas. Alors une fois que j’ai été au clair avec moi-même, j’ai fait des coming
out en série. Et ça m’a fait du bien. De pouvoir de nouveau être moi-même.
Relations
Je n’ai pas l’impression
qu’être ace affecte mes relations, mais c’est aussi parce que j’entends le mot « relations »
dans le sens large du terme : relations familiales, amicales, romantiques,
autres… et là, c’est plutôt mon aromantisme qui joue un rôle.
Mais par rapport aux
relations sexuelles et/ou romantiques… Pour moi, le mot « ace » est
comme un bouclier. Je comprends celleux qui ne veulent pas un label de plus…
mais j’en ai besoin, de ce mot.
Parce qu’avant de me
rendre compte que j’étais ace, j’étais convaincue que je devais avoir des
relations sexuelles, que j’en aie envie ou pas.
Je savais, bien sûr, que
le consentement c’était important, qu’en théorie, je n’étais obligée à rien.
Mais je n’en avais jamais envie. Et je pensais que tout le monde était comme
moi. Que personne n’avait envie de relations sexuelles, mais en avait par
habitude. Un peu comme quand on demande « ça va ? » alors qu’on s’en
fiche. Alors je me disais que j’allais faire pareil que toustes les autres…
Je suis vraiment soulagée
d’avoir découvert le mot ace, qui m’a permis de me sentir légitime dans mon
désintérêt. De comprendre que les autres n’avaient pas des relations sexuelles
en se forçant, mais parce qu’iels en avaient envie. Et que je n’étais donc pas
obligée.
Communauté Ace
Une des premières choses
que j’ai faites en découvrant que j’étais ace a été de m’inscrire sur le forum
acitizen. J’avais besoin de parler avec d’autres personnes asexuelles,
d’échanger nos ressentis et nos expériences. Malheureusement, je n’ai pas
accroché à ce forum, ça m’a surtout déprimée de voir à quel point nous étions
peu nombreuxses. Le forum d’AVEN.fr ne m’a pas plus séduite.
Puis j’ai découvert des
personnes ace dans ma vie, parmi mes ami·es, et le besoin d’une communauté a
diminué.
Cependant, quand j’ai
rejoint le discord d’AVA en février dernier, je m’y suis tout de suite sentie
bien. Je me suis rendue compte à quel point c’était utile d’avoir un espace où
on peut parler librement… C’est une communauté qui a des valeurs, qui s’oppose
fermement à toute forme d’oppression, et les modérateurices font un boulot
incroyable. Les conversations vont du militantisme au partage de memes, on peut
y aller pour s’amuser, pour être réconforté·e, pour s’énerver et être
soutenu·e.
Je m’y sens entourée,
j’y suis chez moi. Et dans cette société où j’ai toujours l’impression d’être
autre, ça fait du bien. Nous sommes toustes très différent·es, avec des vécus
variés, mais uni·es par ce point commun qui nous oppose à la société.