J’avais entendu parler de Résolution de Li-Cam sur le site de Planète Diversité : un des rares romans français avec un personnage principal aromantique. Cependant, la couverture et le ton du résumé ne me tentaient pas trop car ça avait l’air très sombre… je l’ai finalement lu alors que j’en avais assez des romans anglais.
Le fait qu’il soit français est un des grands points positifs de ce livre : ce n’est pas une traduction, et le style d’écriture est vraiment beau, poétique et distinct. On sent le personnage à travers ses mots ! C’est d’autant plus important que Wen, la narratrice, est souvent dans l’analyse plutôt que dans l’émotion, et se lie peu à son entourage. Alors que je me reconnais beaucoup là-dedans, j’avais eu du mal à m’identifier à la narratrice similaire de Conversations Entre Amis. Dans Résolution, le style touchant m’a permis de connecter à Wen.
Dès le début, j’ai été saisie par ce personnage. J’avais lu Eight Kinky Nights juste avant, un roman où l’autisme des narratrices transparait dans la narration, et c’est la même chose ici, mais d’une manière très différente. Comme souvent, je me suis reconnue dans certains passages, notamment l’un très marquant où elle parle de ses boucles, en expliquant qu’elle a choisi ce mot plutôt qu’obsessions. J’ai eu exactement le même parcours il y a deux ans, et j’ai choisi « boucles » pour les mêmes raisons qu’elles. Pendant quelques pages, les pensées de Wen étaient le reflet des miennes, j’aurais pu écrire ce qu’elle raconte en parlant de moi. C’est fort comme expérience, à la fois en positif – la joie de ne pas être seule, la satisfaction qu’un livre reconnaisse l’existence de mes sentiments – mais c’est aussi bouleversant, car on parle de quelque chose qui n’est pas bien vu, qui me fait du bien comme du mal, qui me réjouit mais me fait aussi un peu honte, parfois.
C’est aussi pour ça que j’ai des réserves sur le fait de recommander Résolution à mes proches : j’ai fusionné avec Wen sur quelques pages, en revanche, j’ai reconnu mes ami·es – et l’un·e d’elleux en particulier – sur beaucoup, beaucoup d’autres. Et je ne sais pas ce que ça donne, émotionnellement, d’avoir un ressenti aussi intense non pas sur un passage, mais sur un roman tout entier…
Alors que je retrouve beaucoup de Wen dans les personnes qui m’entourent, je regrette cependant qu’elle soit élevée à un statut quasi-divin, et qu’on explique sa différence par un traitement médical erroné.
Si je vous parle autant de Wen avant même d’évoquer le scénario, c’est que son regard et son vécu est central à l’intrigue, et même plus important qu’elle. Le monde s’effondre, et Wen a été choisi pour participer à une expérience de société alternative, écologique et éthique, qui s’affranchirait du capitalisme et des normes sociales. Ses souvenirs de l’avant, de son arrivée en Adelphie et son vécu actuel s’entremêlent, c’est assez troublant. L’histoire en tant que telle ne suit que quelques jours de son quotidien banal en Adelphie, mais le récit décalé crée une certaine tension autour de la découverte de l’univers.
J’ai beaucoup pensé à mon frère durant ma lecture, lui qui s’intéresse beaucoup aux sociétés alternatives. Ce roman n’est pas assez explicatif pour lui, mais à la fin, en annexe, on trouve les règles qui régissent l’Adelphie, et j’ai trouvé l’équilibre entre respect de l’individu et respect du groupe très intéressant. J’ai bien l’intention d’en discuter avec lui !
Résolution est un roman à l’écriture forte et belle, qui nous plonge dans les pensées d’un personnage sortant de toutes les normes : ni homme ni femme, pas intéressé par les relations humaines, exprimant ses émotions différemment, comprenant le monde à une autre échelle. Il nous présente une société qui s’effondre, mais aussi un espoir d’alternative…
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