Le Bleu ne Va pas à Tous les Garçons, Dans ta bulle, nos existences Handies, King Kong Théorie, Nos Amours Radicales : le personnel au service d’un essai

Je lis peu d’essais : généralement, c’est mon entourage qui m’en conseille ou mon club de lecture qui me motive. A chaque fois, pourtant, je trouve ça intéressant ! Au fil du temps, j’ai remarqué que j’ai une nette préférence pour les « essais biographiques » : les récits qui mêlent le parcours de l’auteurice à une analyse plus générale de ce vécu. J’ai aimé un essai comme Sortir de l’Hétérosexualité ou Racisme, mode d’Emploi, mais j’ai beaucoup plus de facilité à lire des œuvres comme Bad Feminist ou Hunger : la narratrice me prend par les sentiments en me racontant son vécu, puis elle étend sa réflexion à la société.

personne en chemise carrelée lisant Le Bleu ne va Pas à tous les Garçons de George M. Johnson devant un massif de fleurs jaunes
Le Bleu ne va Pas à tous les Garçons de George M. Johnson

Le Bleu ne va Pas à tous les Garçons est le témoignage d’un·e jeune adulte queer et noir·e ayant grandi aux Etats-Unis, et se découpe en différentes parties traitant d’un thème en particulier, par exemple la famille, ou les amitiés. Au sein de ces parties, chaque chapitre parle d’un moment précis de la vie de l’auteurice. Ça peut être un peu difficile de re-situer la chronologie, mais ce découpage permet également de développer de multiples facettes d’un même sujet. J’ai en particulier adoré tout ce qui touchait à sa famille.

Les courts passages sur les fraternités ont été difficiles à lire, car ça m’a fait penser à mon expérience personnelle en étude sup. C’est cool que l’auteurice se soit épanoui·e dans sa fraternité, mais iel en questionne trop peu les aspects toxiques. Moi aussi, je me suis épanouie en études sup, moi aussi, j’y ai trouvé une communauté, de la confiance en moi, un sens. Mais c’est un milieu qui encourage de multiples violences et abus sous couvert d’élitisme, et j’étais dérangée d’en lire une vision idéalisée. Les autres thèmes étaient abordés avec beaucoup plus de finesse et de nuances !

Le Bleu ne va Pas à tous les Garçons est un excellent livre, qui permet de découvrir un vécu particulier et de réfléchir à ce que ça implique sur le fonctionnement de la société. J’ai beaucoup aimé l’écriture, toute l’émotion derrière, et les différents thèmes abordés. J’ai été touchée et j’ai beaucoup réfléchi, ce qui est tout ce que je demande d’une telle œuvre !

personne en chemise bleue lisant Dans ta Bulle de Julie Dachez devant des jonquilles
Dans ta Bulle de Julie Dachez

Dans ta Bulle est une tranche de la vie de Julie Dachez, qui raconte la fin de la rédaction de son mémoire et sa présentation à l’université. Chaque chapitre est une anecdote différente qui donne lieu à une réflexion. On la voit interviewer des personnes pour sa thèse et s’interroger, ou encore se détendre lors d’un date et constater les barrières dans sa vie amoureuse, puis s’énerver de la discrimination qu’elle vit à l’université.

C’est une œuvre courte que j’ai trouvé fluide à lire, les phrases sont claires, le récit facile à suivre. Les sujets abordés sont vastes, ça va de l’éducation, au travail, à la vie sentimentale…

Julie Dachez a effectué une séparation que j’estime pertinente entre les personnes autistes ayant un vécu similaire au sien et celles avec une autre expérience. Les enjeux sont différents et c’est bien qu’elle ne s’exprime pas à la place des autres, cependant, la manière dont elle sépare m’a parue maladroite, comme si elle hiérarchisait le mérite de chacun·e et son droit à une vie épanouie.

Dans ta Bulle fut une lecture facile, et je la conseille à toute personne souhaitant se renseigner sur les enjeux de l’autisme – et passer un bon moment avec l’agréable plume de Julie Dachez.

personne en salopette lisant King Kong Théorie de Virginie Despentes devant un chantier
King Kong Théorie de Virginie Despentes

King Kong Théorie fait un peu peur : cité par toutes les féministes, j’ai cru qu’il s’agirait d’un essai sérieux et difficile à lire. Pas du tout : je l’ai dévoré. Virginie Despentes nous raconte sa vie de manière percutante : son viol et ce qui a suivi, les romans qu’elle a écrits, le tournage du film Baise-moi… En revenant sur ces moments, elle réfléchit à ce qu’on lui a dit, à ce qu’elle a fait, ce qu’elle voit comme cause.

Fun Fact : je venais de lire l’autobiographie de la co-réalisatrice de Baise-moi, et c’était vraiment intéressant d’avoir les deux points de vue sur un même moment !

Le seul chapitre qui a été un peu difficile a été le premier, où elle explique pourquoi elle écrit. Sans le contexte qu’apporte la suite, c’était difficile pour moi d’accrocher. Mais à part ça, j’ai lu passionnément. Virginie Despentes n’est pas une universitaire souhaitant nous faire sentir, par sa plume, à quel point elle est érudite. Elle s’exprime dans un langage oral et cru, elle dit les choses comme elles sont. Je n’ai eu aucun mal à la comprendre.

Ce qui m’a marquée, c’est la bienveillance dont elle fait preuve. Elle est vénère, elle est radicale, et pourtant, elle plaide la cause des hommes – ses violeurs inclus – les présentant comme des victimes du sexisme eux aussi. J’étais vraiment d’accord avec son raisonnement, et le mélange entre sa colère face aux violences que le sexisme perpétue et sa compassion envers toutes les victimes était bouleversant. C’est un système qu’elle vise, et non les personnes qui le perpétuent car elles ne se rendent pas compte que ça leur fait du mal.

C’est une théorie qui a ses limites, forcément – comment attaquer un système sans les personnes qui le tiennent en place ? – mais son appel à la solidarité était encourageant.

personne en chemise rose lisant Nos Existences Handies de Zig Blanquer devant un champ
Nos Existences Handies de Zig Blanquer

L’un de mes chéri·es platoniques m’a prêté ce court livre qui rassemble plusieurs textes de Zig Blanquer sur le thème du handicap. Je ne le savais pas du tout, mais c’est lui qui a défini le terme « validisme » – comme un équivalent de l’anglais « ableism » – un mot que j’utilisais comme une évidence.

Les textes abordent divers sujets : ce que c’est que le validisme, le rapport à la sexualité, le militantisme… il y a des textes plus explicatifs, d’autres plus émotionnels. Je lisais un texte de temps à autre sans les enchainer : c’était vraiment très intéressant et je voulais que le contenu s’imprègne bien.

Deux d’entre eux m’ont vraiment fait penser à une personne que j’aime, qui affectionne aussi les jeux de mots remplis de sens. C’est quelque chose d’assez rare, et ça me touche toujours beaucoup : j’aime les jeux de mots en général, mais plutôt sous la forme de blagues. Là, il s’agissait davantage de double sens proposant une réflexion.

Les deux derniers textes étaient plus universitaires, et j’ai eu du mal : il y avait des phrases où je ne comprenais pas la moitié des termes. Mais, dans l’ensemble, c’est un livre qui m’a appris, qui a structuré ce que je savais déjà, et qui m’a donné envie d’agir.

personne en jupe rouge et haut noir lisant Nos Amours Radicales devant une rivière
Nos Amours Radicales (collectif)

Nos Amours Radicales parle surtout d’hétérosexualité – le titre est un peu trompeur. Comme on m’avait prévenue, je n’ai pas été déçue et j’ai trouvé ce recueil de huit témoignages-essais sur ce thème très intéressant.

Pour chaque texte, il y a une illustration, et un détail de ce dessin est ensuite repris sur chaque page. Le texte est aéré, les pages épaisses comme je les aime, bref, un livre magnifique !

C’était en particulier le premier texte qu’on m’avait conseillé ; et en effet, il m’a fait penser à de nombreuses conversations que j’ai eues. L’autrice s’interroge sur la nécessité de déconstruire l’idéal romantique hétéro et aborde au passage de multiples autres sujets.

Le troisième texte est un témoignage de multiples violences sexistes, et des déconstructions qui ont suivi. Même si rien n’était totalement nouveau, j’ai aimé le point de vue de l’autrice. Ça m’a donné envie de partager ce livre avec les hommes de mon entourage, mon petit frère en particulier. Contrairement aux femmes de cet ouvrage, le féminisme est un sujet que j’aborde peu en famille, tout simplement parce que la résistance que je rencontre est épuisante. Mais peut-être que ce texte aiderait !

Je ne souhaite pas résumer ici tous les textes, mais chacun comportait des éléments intéressants et importants. Un livre dont je conseille vraiment la lecture !

C’est difficile d’écrire une chronique sur ce genre d’ouvrages : déjà que c’est dur de retransmettre mes pensées sur un essai – trop de contenu – alors porter un avis sur la vie d’une personne… qui suis-je pour la juger ? Je ne peux donc m’en tenir qu’à un retour bref, expliquant ce que j’ai ressenti. J’espère que vous aurez glané une idée de mes lectures au cours de cet article, et que certaines attirent votre attention !

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