Je ne pensais vraiment pas lire ce livre. L’autrice est connue donc j’avais entendu parler de ses livres – il y avait des affiches pour Instructions for Dancing de Nicola Yoon dans le métro parisien, ce qui est un signe certain de notoriété. Mais ce que j’en avais vu me paraissait assez maladroit niveau représentation handie…
Sauf qu’arrivée à la fin de l’année, plutôt fatiguée et stressée, j’avais besoin de lecture faciles, prévisibles, sans drama graves, et les romances c’est quand même parfait pour ça.
Instructions for Dancing se passe dans un contexte contemporain, mais avec une touche de magie : dégoûtée des romances depuis qu’elle a surpris son père en train de tromper sa mère, Evie veut donner tous ses livres – des romances – et tombe sur une mystérieuse boîte à livre. Une femme apparait pour lui donner le seul livre présent : un manuel de danse. Lorsqu’elle repart, Evie a acquis un pouvoir magique – ou une malédiction – : à chaque fois qu’elle regarde des gens qui s’aiment s’embrasser, elle voit défiler toute leur histoire d’amour. Rencontre, premier baiser, dates, disputes, rupture. C’est systématique : toutes les romances se terminent mal.
En essayant de se débarrasser de ce pouvoir, Evie se rend au studio de danse auquel appartenait le livre et apprend à danser en compagnie de X, petit-fils des propriétaires. Ils doivent défendre la réputation du studio lors d’une compétition approchante.
La relation entre X et Evie était bien sans qu’elle ne m’emballe particulièrement, mais si Instructions for Dancing est bien un livre « de romance », ce qui est central, c’est Evie, son évolution, et la romance en est un reflet plus que l’enjeu principal. Evie ne croit pas que les romances vaillent le coup – à quoi bon un bonheur éphémère si c’est pour finir le cœur brisé – et tout au long du roman, par à-coups, elle va commencer à vouloir à nouveau prendre des risques et ouvrir son cœur.
Quelque chose qui m’a frustrée tout au long de l’intrigue est la question du secret. Evie a trois ami·es, mais ne parle de son pouvoir qu’à l’un d’entre eux. Et c’est tout. Elle n’en parlera jamais à son amoureux ou à sa famille. Lorsque ses visions déclenchent des réactions qui blessent les autres – lorsqu’elle voit que la romance entre ses deux amies va détruire leur groupe au moment de leur rupture, par exemple, et qu’elle est fâchée que leur couple passe avant leur amitié – elle s’excuse sans expliquer. Ça m’a donné un fort sentiment d’isolement, et ce n’est malheureusement pas le seul secret qui sera gardé jusqu’à la fin de l’histoire. La mère d’Evie lui a demandé de ne pas révéler l’adultère de son père à sa petite sœur, afin qu’elle continue de l’apprécier, et Evie fait le choix, lorsque sa sœur lui pose la question, d’activement mentir. Et c’est montré comme le bon choix. Je ne suis… tellement pas d’accord avec ça. Je détesterais qu’on me mente. De manière générale, je n’ai pas aimé comment l’adultère du père était traité – Evie est plus ou moins obligée de lui pardonner parce que c’est son père et qu’une rupture familiale, ça serait « trop triste ». Par contre, j’ai bien aimé la manière dont était représentée l’« amante », parce qu’il est sous-entendu que la situation est complexe sans nous donner tous les détails.
Instructions for Dancing est un rare exemple d’un livre que j’ai aimé pour son message… sans être d’accord avec le message en question.
Comme le dit clairement le roman, beaucoup de récits s’arrêtent après qu’un couple se soit mis ensemble – en ayant généralement traversé un conflit censé nous prouver qu’ils savent gérer les coups durs et que leur couple survivra à n’importe quoi. Instructions for Dancing pose la question de l’après : les disputes, les tromperies, les séparations. De toute l’histoire, une seule vision montre un couple qui finit ensemble – les grands-parents de X. Je pensais que lorsqu’Evie aurait sa vision de X et elle, on verrait une fin heureuse, ce qui lui signifierait que parfois, les romances peuvent marcher. Ou alors qu’avec le temps, elle comprendrait que ses visions ne sont qu’une possibilité, et qu’elle peut changer l’avenir – en donnant des conseils relationnels à ses amies pour qu’elles gèrent mieux leurs disputes, par exemple.
Mais non. Le message n’est pas « avec des efforts, iels vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants » ni « l’amour triomphe de tout ». Le message, c’est que la romance vaut le coup, cœur brisé inclus. Que certes, un couple a de fortes chances de mal finir, mais que ça n’est pas un drame : la vie continue, on s’en remet, on garde les bons souvenirs, on trouve quelqu’un d’autre. Et le bonheur que le couple apporte est plus fort que la tristesse lorsqu’il se termine.
L’autrice fait totalement l’impasse de l’existence des relations toxiques. Ou du fait que quand un couple se termine, c’est rarement juste le jour de la rupture qui fait mal, mais les mois voir années qui y mènent.
Ceci dit, elle parle de deuil – elle explique dans sa note de fin qu’elle a écrit ce roman alors qu’elle était en deuil, justement. Et je suis d’accord que de manière générale, avoir des ami·es et des proches apporte quelque chose qui vaut le coup, même si ça ne dure pas toute la vie. J’aime mes grands-mères même si je sais qu’elles mourront avant moi, et que je devrai gérer cette perte.
Je reste assez dubitative sur le fait que « la romance c’est LE truc génial qui vaut le coup de prendre tous les risques », mais n’empêche, Instructions for Dancing est un livre qui propose une histoire différente, une autre vision de la romance, et c’est un récit très émotionnel qui m’a beaucoup touchée.
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