Je n’ai pas d’affection particulière pour Peter Pan : je n’ai pas lu le roman, les films – les deux animations et celui avec acteurices – ne m’ont pas plu plus que ça, et je n’ai jamais réussi à finir la BD de Loisel. Mais j’aime les réécritures, et comme le roman de base a l’air d’avoir une certaine profondeur, leurs histoires attirent mon attention. La nouvelle Moi, Peter Pan de Michael Roch était d’ailleurs, davantage qu’une histoire, une réflexion philosophique sur l’identité, avec une jolie écriture. J’ai donc persévéré dans mes découvertes, et j’ai trouvé deux œuvres inspirées de Peter Pan qui m’ont plu : Peter Darling d’Austin Chant et Dernière nuit à Everland de Sophie Cameron.
J’ai emprunté ce livre en le découvrant sur un piédestal. J’étais sûre d’en avoir entendu parler quelque part, et pour une fois, le résumé m’a intriguée. En fait, j’ai été induite en erreur : les références à Peter Pan se réduisent surtout à la passion du narrateur, Brody, envers cette histoire. Je ne regrette cependant pas d’avoir été attirée par ce roman.
Dès le début, son style m’a charmée, le mystère et l’émotion imprègnent ses pages et j’avais envie de savoir où elles me mèneraient. Brody est un ado harcelé à son école, et il fait la rencontre de Nico lorsque celui-ci, vêtu d’ailes qu’il a fabriquées lui-même, le protège de ses harceleuses. Nico l’invite alors à une « soirée », pour laquelle il doit se rendre à 23h21.
J’attendais que le surnaturel survienne, et je n’ai pas été déçue lorsque Brody pénètre avec Nico et ses amies dans un univers merveilleux dont personne ne semble comprendre les règles. Pour toustes celleux qui s’y rendent, c’est un refuge. Brody y trouve un lieu où il peut être lui-même sans craindre les moqueries. Son épanouissement est magnifique.
J’ai adoré découvrir les histoires des personnes qui se rendent à Everland aux côtés de Brody. Les raisons pour lesquelles elles fuient leur quotidien, mais également ce qui les fait rester. D’habitude, j’ai besoin d’aventure, mais là, l’émotion de chaque scène suffisait. Il y a de la tension, car la réalité de Brody empire et il se réfugie de plus en plus à Everland, mais le centre de l’intrigue sont les relations entre tous les personnages, qui m’ont paru réelles.
J’ai lu Dernière nuit à Everland d’une traite et je le recommande sans hésiter. À travers la découverte d’Everland, différents thèmes sont traités : l’une des voyageuses doit s’occuper de sa mère malade, une autre ne supporte pas la pression à l’excellence, un autre se sent rejeté par tout son entourage, la meilleure amie de Brody traverse des soucis et se sent abandonnée lorsqu’il s’échappe de plus en plus à Everland. La famille de Brody peine à joindre les deux bouts depuis que son père est agoraphobe, surtout lorsqu’il perd son allocation. Brody ressent également beaucoup d’injustice au sein de sa famille, puisqu’il doit alors abandonner son chat, et sa sœur ses clubs, tandis que ses parents continuent de soutenir financièrement son frère car il est surdoué et peut « réussir ». J’aurais aimé que cette thématique soit davantage approfondie, il y aurait eu davantage à dire sur l’élitisme ! Mais le roman ouvre déjà de nombreuses pistes de réflexion.
S’il m’a passionnée, c’est cependant un de ces romans dont je ne savais pas trop, en le finissant, ce qu’il resterait dans quelques mois. Est-ce que je l’aurais oublié, ou est-ce que je continuerai d’y réfléchir ? J’avais passé un bon moment, mais je ne ressentais pas le besoin d’en discuter avec mon entourage, et c’est généralement ça qui permet à un livre de rester présent dans mon esprit. Et, maintenant, je suis au regret d’annoncer que, en publiant cet article près d’un an plus tard, je constate que je l’ai oublié…
Quand j’ai lu la dédicace de Peter Darling, j’ai su que c’était une œuvre pour moi :
“This book is for every villain who ever inspired a queer awakening, and for every queer child who ever saw a piece of themself in the enemy.”
En effet, je suis quelqu’un qui aime douloureusement les vilain·es, et en particulier celleux de Disney. Je me reconnais en eux. C’est à la fois génial, exhilarant, de se reconnaitre dans quelqu’un qui rejette la société, qui se dresse face à elle, qui clame sa soif de plus, de mieux. Et c’est aussi douloureux de se rendre compte que les films diabolisent celleux auxquel·les je m’identifie. Cette vidéo de Rowan Ellis montre très clairement la démarche. Ça fait mal, alors les auteurices qui comprennent et se réapproprient ça dans leurs histoires, pour que je puisse avoir la joie sans la douleur, c’est juste… tout ce que je souhaite, en fait.
J’ai été assez perdue au début de l’histoire, qui s’ouvre sur le retour de Peter Pan au pays imaginaire. Après une absence de dix ans, il attaque le Capitaine Hook – qui sombrait dans l’ennui et est ravi – pour reprendre le contrôle de l’île. Je ne comprenais pas bien où Peter était parti, et pourquoi – c’est le but. De plus, alors qu’Hook était très attachant – la première scène le montre en train de martyriser ses subalternes, mais c’est quelqu’un de très entier et honnête avec lui-même, qu’on ne peut qu’apprécier – Peter Pan était horripilant d’hypocrisie. Faire du mal aux autres est une chose, mais le faire pour s’amuser en est une autre, et Peter Pan tombe dans cette deuxième catégorie. Il n’hésite pas à risquer la vie des garçons perdus pour se divertir en tuant des pirates, qu’il ne considère pas comme des personnes. Horripilant. C’est une de mes bêtes noires personnelles, et j’avais juste envie de secouer Peter pour qu’il ouvre les yeux.
Heureusement, on nous apporte bien vite d’autres éléments qui éclaircissent son absence tout comme son comportement. L’histoire est très émotionnelle et je m’y suis vite retrouvée embarquée, surtout que l’écriture est jolie. Alors que le livre est court, je me suis attachée à Hook et Peter, notamment grâce à leurs dialogues très émouvants.
Les allers-retours entre le présent et les souvenirs de Peter, couplés avec la nature de Neverland qui n’est pas très claire au début – rêve, autre monde ? – font que j’ai eu un peu de mal à comprendre, et ce alors que je connaissais déjà une partie du passé de Peter. Je pensais qu’il fallait garder le mystère et ne pas en parler ici, mais en fait, le résumé le révèle – et le titre aussi, je ne l’ai remarqué qu’en écrivant l’article. Wendy Darling est l’identité que Peter a laissée derrière lui et qu’il tente désespérément d’oublier. Même si je ne suis pas fan du fait qu’un deadname soit aussi fréquemment utilisé, j’aime beaucoup la manière dont ça joue avec l’œuvre originale.
Sans avoir lu le Peter Pan original, j’ai vraiment l’impression que le roman devait être profond émotionnellement et orienté sur l’exploration des personnages : c’est quelque chose que j’ai retrouvé dans toutes les réécritures – ainsi que la narration poétique. Comme j’adore les histoires qui mettent en valeur les personnages, ça me donne envie de découvrir d’autres œuvres, même si l’univers de Neverland ne me plait pas plus que ça. Surtout que j’ai besoin de trouver un véritable coup de cœur, celui qui me restera vraiment en mémoire ! J’ai passé un très bon moment en lisant Dernière Nuit à Everland comme Peter Darling, mais après quelques mois, il ne me reste plus grand-chose du premier, et je sais qu’il en ira de même pour le deuxième, tout simplement parce qu’il était très court.
Avertissements Dernière Nuit à Everland : harcèlement, remarques homophobes, mention de suicide, de troubles alimentaires, d’agoraphobie et d’agression
Avertissements Peter Darling : Abus émotionnel transphobie parentale, mort, meurtre, blessures
Une réflexion sur « Réécritures de Peter Pan : Peter Darling et Dernière Nuit à Everland »