Trilogie Magie ex Libris de Jim C. Hines

personne en débardeur Klimt lisant Magie ex Libris tome 1 : Le Bibliomancien de Jim C. Hines devant une cheminée
Magie ex Libris tome 1 : Le Bibliomancien

Je me suis procuré la série Magie Ex Libris de Jim C. Hines car j’avais lu qu’elle contenait de la représentation polyA, mais je ne savais pas du tout de quoi il serait question. En commençant à lire Le Bibliomancien, j’ai été ravie de découvrir une magie reposant sur la passion de la lecture ! En effet, dans ce monde semblable au nôtre, certaines personnes peuvent faire sortir des objets des livres qu’elles adorent.

Le narrateur, Isaac, est un membre des Gardien·nes – groupe chargé de veiller à une bonne utilisation de la bibliomancie – qui a été relégué à un travail d’archive. Il est obligé de se remettre à l’action lorsqu’il est attaqué par des vampires.

En rédigeant cet article, je me retrouve un peu perplexe face à ma description du scénario : ah oui, c’est vrai que c’était ça, le cœur de l’intrigue… ça fait quelques semaines à peine, et pourtant j’en ai oublié la majeure partie, et même pendant ma lecture, c’était difficile de m’accrocher aux tenants et aboutissants de chaque péripétie. Et ce n’est pas grave ! Il y a de l’action, il y a du suspense, des méchant·es et un monde à sauver… je ne demande rien de plus.

Je regrette toutefois que l’explication d’une action soit quasiment toujours « la folie ». En plus, comme une psychologue fait partie des personnages, ça donne du poids à ce ressort scénaristique faiblard. Pourquoi cette personne veut-elle détruire l’organisation ? Réponse : la folie. Pourquoi un monstre ne peut pas sortir d’un livre ? Réponse : la folie. Et ainsi de suite.

Le roman introduit vite une zone éthique grise : qu’en est-il des êtres vivants qui sortent des livres ? Et les humain·es transformé·es en vampires, devraient-iels être traité·es comme des humain·es ou comme des monstres ?

Cet univers a des règles bien à lui ; il faut une certaine concentration pour les comprendre, et, ensuite, formuler un avis. Par exemple, la continuité émotionnelle lors d’une morsure est très étrange à mes yeux : la personne conserve tous ses souvenirs, mais change de camp et est prête à tuer ses ancien·nes ami·es.

Isaac possède une araignée magique tirée d’un roman qui, de par son écriture, fait tout pour protéger la personne à laquelle elle s’est attachée. Isaac exploite-t-il le dévouement de cette créature ? L’araignée ne peut pas s’exprimer, et, écrite pour souhaiter cette relation, elle ne pourrait pas vraiment décider qu’elle désire autre chose.

Lena, la nymphe dont Isaac est amoureux, est façonnée par le désir de ses partenaires. Son seul choix est celui de la personne qui la contrôlera inconsciemment – et d’ailleurs, lorsqu’elle sent que sa copine risque de prendre une décision qui ne lui conviendra pas, elle cherche à éveiller le désir d’Isaac pour qu’il l’influence à sa place.

Ce qui est dur, c’est qu’il n’y a pas de bonne solution : si la personne « contrôlante » refuse le rôle que Lena lui donne, celle-ci sera obligée de trouver quelqu’un d’autre à qui se plier. Le roman se termine sur une pirouette inventive – en étant dans une relation polyA, Lena est influencée par deux personnes et peut donc choisir lorsque ses partenaires sont en désaccord – qui ouvre d’autres possibilités pour la suite.

Dans l’ensemble, j’ai beaucoup aimé l’univers, la magie qui est développée et ce qu’on découvre du fonctionnement des Gardien·nes. Cependant, un élément qui m’a pesé tout du long est que je ne me suis pas particulièrement attachée à Isaac. C’est un personnage « utilitaire », qui fait les actions pratiques pour le scénario, qui a peur quand il faut et qui rassemble son courage quand c’est nécessaire. A part les phrases où il nous rappelait son attirance pour Lena, je ne ressentais jamais son affection dans leurs interactions. Le personnage est là, mais je n’ai pas connecté avec ses émotions. Dommage…

personne en noir lisant Magie ex Libris tome 2 : Lecteurs Nés de Jim C. Hines sur un rebord de fenêtre en bois, dans une pièce sombre
Magie ex Libris tome 2 : Lecteurs nés

Ce qui m’a décidé à continuer Magie Ex Libris, c’était que la relation polyA de cette série commençait tout juste à la fin de Le Bibliomancien : je voulais voir comment ça serait traité par la suite.

De ce point de vue-là, j’ai été agréablement surprise par Lecteurs Nés. Isaac parle des livres utilisés pour se renseigner, du regard de jugement des bibliothécaires lorsqu’il les emprunte, ou de sa jalousie envers l’autre partenaire de Lena. Leur relation n’est pas montrée comme évidente, sans que ça tombe non plus dans le drama.

Lena gagne aussi en importance puisque quelques pages au début de chaque chapitre sont écrites de son point de vue, et permettent d’explorer son passé. C’était très intéressant de voir ses changements de personnalité, et l’impact qu’a le fait d’être en couple sur elle. J’ai trouvé le parallèle avec les relations toxiques très pertinent !

Un aspect parallèle au conflit que j’ai bien aimé est la découverte des Elèves de Bi Sheng, un groupe de bibliomancien·nes chinois·es que les Gardien·nes ont voulu éradiquer. Le tome 1 s’attachait déjà à montrer que les Gardien·nes avaient une éthique plus que douteuse, et le tome 2 poursuit dans cette direction. Alors que dans Le Bibliomancien, les « crimes » des Gardien·nes étaient cités sans avoir beaucoup de résonance émotionnelle, puisque les victimes étaient des méchant·es, ici, je me suis vite attachée à Bi Wei et étais d’autant plus horrifiée.

couvertures françaises puis anglaises des livres de Magie Ex Libris

Je trouvais les couvertures françaises moches mais les anglaises ne sont pas vraiment mieux

Lecteur Nés était un livre prenant, mais… comme dans le premier tome, quelque chose me restait en travers de la gorge concernant Isaac. J’ai relevé précédemment qu’il n’avait pas de personnalité très palpable, comme s’il était une page blanche que le lecteur est censé investir. Et peut-être que ça marche si on ressemble au personnage, mais ce n’est vraiment pas mon cas. C’est très excluant de ne pas se reconnaitre dans un personnage avec un caractère « par défaut ».

Et puis j’ai remarqué deux traits que je déteste dans cette « personnalité bateau » : Isaac est arrogant et égocentrique. La plupart du temps, les auteurices ont conscience de la personnalité de leur narrateur, et l’arrogance étant assez universellement reconnue comme un défaut, le récit montre que cette caractéristique n’est pas appréciable. Mais ici, c’est comme si l’auteur, en créant son personnage « normal », avait choisi ses réactions comme celles qui lui paraissent les plus naturelles… et oups, le personnage est égocentrique, c’est dommage quand même. Du coup, même en appréciant l’aventure, j’éprouvais à la fois de l’antipathie pour Isaac et pour l’auteur.

De plus, alors qu’il y a quelques tentatives de regard critique sur les mécaniques d’oppression, ça reste très en surface puisque tous les personnages secondaires racisé·es, gay, autistes, ne sont là que pour servir le héros blanc hétéro et valide. Les autres ont des capacités supérieures aux siennes, mais sans ses conseils avisés, iels sont perdu·es…

(Alors qu’Isaac galère à résoudre une énigme : )

« – C’est dommage que tu ne souhaites pas voir une compagne plus intelligente que toi.

– Quoi ?

Je l’ai dévisagée. Son expression était indéchiffrable.

– Je suis telle que mes compagnons me façonnent, tu t’en souviens ? Si tu me fantasmais en super-génie, je verrais peut-être ce qui te manque. »

personne en manteau rouge lisant Magie ex Libris tome 3 : Sur Epreuves de Jim C. Hines devant une cheminée
Magie ex Libris tome 3 : Sur Epreuves

J’ai immédiatement enchainé avec le tome 3. L’univers et les personnages secondaires continuent d’être mon aspect favori de l’intrigue ! Le tome 2 avait introduit le fait de pouvoir lire sur des liseuses plutôt que sur des ouvrages papiers, et le 3 s’intéresse à d’autres formes de magie que j’ai trouvées intéressantes à explorer.

Côté personnages secondaires, on voit malheureusement peu Bi Wei que j’avais adorée, mais à la place, on rencontre enfin Juan qui est devenu mon personnage préféré. Le fait que mon favori soit un conquistador responsable d’un génocide est assez parlant de mon appréciation des personnages de cette intrigue…

Alors que je détestais Johannes depuis le tome 1, sa relation avec Juan est vraiment attendrissante et m’a permis d’éprouver des émotions positives envers lui. Tous les passages qu’ils passent avec Isaac étaient très enthousiasmants !

Le tome 3 clôt l’aventure tout en offrant la possibilité d’une suite, et il y en a en effet une, non-traduite en français. J’ai regardé si Bi Wei et Juan y apparaissaient, et, voyant que non, j’ai perdu toute envie de la lire !

Magie ex Libris est une bonne histoire dans un univers original, avec quelques sujets menés de manière organique que j’ai beaucoup appréciés, comme le consentement de Lena ou les abus des Gardien·nes. Cependant, le héros que je n’ai pas aimé nuit à tous les autres messages qui paraissent superficiels, et, même si j’ai passé un bon moment de lecture, je n’ai pas vraiment réussi à connecter émotionnellement avec ce livre. Il vaut le détour, mais il aurait pu être tellement mieux !

Avertissements : psychophobie, morts et violence générale, relation abusive, brèves scènes de sexe

 

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