Entrée au Journal
Les machines sont géniales ! Fascinantes… Je suis en train de permettre à Darla d’incliner son sol pour me changer les idées, et… ah, c’est réjouissant ! Je comprends tout ! Tout est dans le code, et même quand leurs actions me surprennent, il y a une explication à trouver.
Elles me ressemblent, et ça aussi, c’est extraordinaire. Je suis entourée d’êtres comme moi !
Mais quand on me dit que je ne suis pas vraiment humaine, je sais que ce n’est pas un compliment. Les gens s’énervent contre moi… Ils sont agacés par ma joie, par ma manière d’aider, par ma manière de les apprécier, parce que je ne m’enthousiasme pas pour les romances qu’on me prête. J’aime avoir des amies. On part dans de supers aventures, et je découvre plein de nouvelles choses ! Mais ce n’est pas aussi facile que quand je suis avec Emily ou d’autres machines. J’essaie de les comprendre, mais elles ne me comprennent pas.
Une nouvelle expérimentation sociale a commencé : il n’y a plus d’urgences ou de dangers de mort, et s’il reste toujours des affaires d’importance dont il faut s’occuper, notre vie est plus tranquille qu’avant. Je les vois qui s’éloignent à deux. Fascinant… mais je me retrouve seule.
Ça aussi, c’est quelque chose dont je n’ai pas à me soucier avec les robots. Ils reviennent toujours vers moi – ils sont créés pour. Et ils sont toujours si intéressants !
Je me sens plus semblable aux robots qu’aux humaines. Mais quand on me dit que je suis comme eux, que j’ai plus ma place auprès des machines qu’auprès de mes amies, je sais décoder : c’est pour me dire que je devrais être différente, ou que je ne devrais pas exister.
C’est peut-être parce que les autres ne voient pas les robots comme moi je les vois. L’amitié entre Emily et Darla est incroyable : je ne l’avais pas prévue. C’était une surprise géniale ! Emily a tapoté les parois de Darla, et je me suis souvenue d’un bout de code – peut-être prévu pour des passagers enfants – qui a fait répondre Darla avec une petite mélodie. Et il se trouve que j’ai paramétré Emily pour qu’elle aime la musique. Maintenant, elles jouent souvent ensemble…
Perfuma les a trouvées adorables. Elle m’a adressé un petit sourire – catégorie : connivence ? – et m’a demandé si je trouvais qu’elles allaient bien ensemble. Je lui ai expliqué comment leurs codes se répondaient, et elle a levé les yeux au ciel. Elle voulait dire émotionnellement. Un futur couple, peut-être ?
Mais pourquoi un robot tomberait-il amoureux ? Comment coderait-on une telle chose ? Et si c’est codé, est-ce que c’est de la romance ? Je peux coder du plaisir, et de l’amusement – un simple système de récompense. Je me suis débrouillée pour qu’Emily reçoive un petit surplus d’énergie lorsqu’elle joue avec quelqu’un, et du coup, elle aime jouer. Mais paramétrer une romance ?
Perfuma était énervée : comment pouvais-je être si sinistre ? C’était si triste, qu’Emily ne puisse pas tomber amoureuse !
Mais c’est ce que j’aime chez les robots. Ils me ressemblent ! Et la plupart des gens semblent penser que les machines ne peuvent pas aimer. C’est une libération : la preuve que la romance n’est pas universelle ! Je trouve un répit à me considérer plus humaine que robot – et voilà qu’on me l’arrache, qu’on veut inventer des romances à des machines. Pour les humaniser. Emily est pourtant proche des humain·es par d’autres aspects : elle joue, elle réfléchit. Pourquoi la romance serait-elle le seul critère d’humanité ?
Les machines étaient mon refuge, et par réflexe encore, je suis retournée ajouter une fonctionnalité à Darla. Mais maintenant, je sais que si ce refuge existe, c’est parce qu’on ne veut pas de moi ailleurs. Les robots ne seraient pas ma communauté si les humain·es m’acceptaient.
Dois-je pour autant détester ce refuge ? Détester qu’on me renvoie aux machines ? Je ne veux pas rejeter la seule chose que j’ai. On me l’a donnée pour m’insulter, pour me priver de mon humanité, mais maintenant, c’est à moi. Pas touche.
Les robots sont aromantiques. Jamais je ne leur programmerai une romance, et à chaque fois que d’autres en inventeront une, je leur dirai je c’est impossible. Qu’il faut un peu de cohérence ! Si on me dit que parce que je ne suis pas amoureuse, je suis comme un robot, alors les robots ne sont pas amoureux. Voilà.
Les robots sont comme moi, et je tiens à ce que ça continue à me remplir de joie. Que chaque fois que je me sens différente, je puisse aller dans mon laboratoire et me sentir comprise. Me sentir pareille. Je veux me réjouir de ressembler à des robots. Les robots, c’est chouette.
L’Aromantic Spectrum Fanworks Week, durant la semaine de visibilité du spectre aromantique, célèbre les personnages du spectre aro dans toutes sortes de travaux originaux ou transformatifs. Pour chaque jour, l’AFW propose des thèmes. Les textes que vous pourrez lire au cours de cette semaine sur mon blog sont des extraits de mes romans en cours, des réflexions inspirées de discussions que j’ai eues, des scènes imaginées dans les fandoms que j’apprécie − même si j’ai édité après pour que ça soit compréhensible peu importe qu’on connaisse le fandom ou non.
Jour 5 : Aro sterotypes
Mes autres contributions :
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Jour 1 : Perdu’e (Struggling With One’s Identity)
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Jour 2 : Droit d’être (Pride In One’s Identity)
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Jour 3 : Je ne peux pas répondre à des regards (Facing arophobia)
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Jour 4 : Souhaitez-vous vraiment avoir raison ? (Educating others and/or oneself)
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Jour 6 : La fiction n’a plus suffi (Meeting other aros)
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Jour 7 : Tendresse aromantique
7 réflexions sur « Cette insulte que vous m’avez donnée, elle est à moi maintenant »