Souhaitez-vous vraiment avoir raison ?

maléfique sous forme de dragon, crachant du feu vert

Vous dites que je n’ai pas de cœur. Vous dites que je suis mauvaise.

Vous regardez des personnes heureuses de vivre seules, et vous nous dites dangereuses. Les femmes sans époux sont sèches et cruelles. Des sorcières. Les épouses sans amour et tyranniques sont des dragons.

Vous savez quoi ? Vous avez raison.

Qu’il en soit ainsi : je serai dangereuse. Je serai mauvaise, je serai cruelle, et je vous regarderai brûler.

J’ai cru en la patience. Plus jeune, je n’étais que patience. Je me réfugiais dans les livres, supportant les accusations de sorcellerie, supportant qu’on s’étonne que je repousse les avances de l’homme le plus populaire du village.

J’ai cru trouver quelqu’un qui me ressemblait – quelqu’un qui était rejeté, quelqu’un qui aimait les livres, quelqu’un qui, en-dehors, était un monstre. Je nous ai crus complices. J’étais si seule que j’ai accepté d’être enfermée, si c’était avec lui. Mais même avec tout un mobilier enchanté : quand un miroir magique est votre seule vue de l’extérieur, vous vous retrouvez vite confrontée à vous-même et à vos sentiments. Vous vous rendez compte que lui croit vivre une romance éternelle, alors que vous, vous savez que vos sentiments ne collent pas avec ceux dans vos livres. Vous avez toujours cru qu’ils étaient fictifs, mais confrontée de près à l’amour de votre époux, vous comprenez.

J’ai cru que je perdais qui j’étais. Le miroir qu’il m’avait offert était là pour me renvoyer qui j’étais. Me rappeler mon prénom. Belle j’étais, belle je devais rester.

Personne n’a jamais compris mes explications. Mon mari a cru que j’avais lu trop de romances : évidemment que la réalité était différente. J’étais bien une fille, si fleur bleue que j’avais idéalisé le couple. J’ai insisté, il a pensé que je parlais de la passion qui, naturellement, se transforme en romance plus stable avec le temps. J’ai reformulé, et il s’est convaincu que l’âge m’aigrissait, que je ne croyais plus en rien. Ma fille a cru au début que j’étais esseulée des absences de mon époux, puis que je lui en voulais d’avoir altéré mon apparence. Que si je n’étais pas amoureuse, c’est que je ne m’en sentais pas digne, et non parce que je ne l’étais pas, tout simplement. Les servantes auxquelles je me suis confiée ont répandu les rumeurs de sorcellerie. Une femme qui lit, une femme qui étudie la science, une femme qui n’aime pas les hommes ! Elle doit être maléfique.

Le miroir a cru que je me languissais de ma beauté passée. Que lorsque je disais « je ne tombe pas amoureuse », je voulais secrètement dire « personne ne tombe amoureux de moi, et ça me manque tant ». Et il a comploté, éliminant mes prétendues rivales pour s’assurer que je sois la seule femme dans la vie de mon époux.

J’en ai assez d’expliquer. Assez de me justifier. Assez de ne pas être écoutée.

Vous l’avez voulu. Même ceux d’entre vous qui ont un grand cœur, qui essaient de comprendre ! « Tu as dû avoir le cœur brisé » « Tu as dû t’éprendre d’un homme malsain » « Ne t’inquiète pas, tu peux encore trouver l’amour » « Je comprends ta colère contre les hommes, et je t’admire de sacrifier ton envie de romance pour t’éloigner d’eux ». Non, non, non, non ! Pourquoi la romance est-elle la seule chose qui me rend grâce à vos yeux ?

Pour les plus tolérants, vous tentez de me dire que j’aime quand même. « D’accord, tu n’es pas amoureuse, mais tu appréciais ton époux, tu aimais ton père et ta fille, tu peux aimer des amies ».

Vraiment ? Vous, en tout cas, je vous déteste. J’ai votre pitié et vos plaidoyers en horreur. Comme si ce que j’étais vous était si insoutenable que vous deviez me trouver quelque chose pour me racheter. Vous qui abandonnez vos ami·e·s de longue date pour une personne que vous venez de rencontrer. Vous qui considérez la passion comme un motif de meurtre. Vous qui pensez que ne pas aimer est ce qu’il y a de plus horrible au monde, et qui détournez le regard face aux réelles injustices.

Non, je n’implorerai plus votre tolérance. Vous me rejetez ? Je n’ai pas besoin de vous. Je vous arracherai la place que vous refusez de m’accorder. Vous me dites mégère, bique ou vieille fille, mais vous me dites surtout sorcière et dragon. Je veux bien être sorcière, je veux bien être dragon. Et je noierai dans les flammes ce monde qui ne veut pas de moi.

drapeau aromantique

L’Aromantic Spectrum Fanworks Week, durant la semaine de visibilité du spectre aromantique, célèbre les personnages du spectre aro dans toutes sortes de travaux originaux ou transformatifs. Pour chaque jour, l’AFW propose des thèmes. Les textes que vous pourrez lire au cours de cette semaine sur mon blog sont des extraits de mes romans en cours, des réflexions inspirées de discussions que j’ai eues, des scènes imaginées dans les fandoms que j’apprécie − même si j’ai édité après pour que ça soit compréhensible peu importe qu’on connaisse le fandom ou non.

Jour 4 : Educating others and/or oneself

Mes autres contributions :

7 réflexions sur « Souhaitez-vous vraiment avoir raison ? »

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *