Il n’y a pas de mots pour décrire comment je t’aime.
Les autres ont des phrases convenues pour s’adresser à leur famille, à leurs amis, à leurs amants, à leurs conjoints. Les papillons dans le ventre sont si universels qu’ils existent dans plusieurs langues.
Mais je n’ai pas de papillons dans le ventre, pas de cœur battant la chamade. Je ne me consume pas, je ne souhaite pas être ton ombre.
Ça parait si facile, ces expressions convenues ! Il n’y avait rien d’engageant à demander à mon copain de m’embrasser : évidemment que nous nous embrassions, nous étions en couple.
Avec toi, je me mets à nu quand je souhaite m’appuyer contre ton épaule. Est-ce « trop », pour les amis que nous sommes aux yeux du monde ? Est-ce « pas assez », pour ce que nous avons établi entre nous ?
Je me dévoile en demandant à toucher tes doigts, en désirant caresser ton front. C’est tellement plus intense que tout ce que la romance a pu me faire vivre ! Nous n’avons pas de guides. Nous n’avons pas de conventions. Chaque pas est un instant de sincérité.
J’aime te voir sourire en baissant la tête, secrètement. J’aime te voir rougir sous les taquineries de ton colocataire. J’aime ta satisfaction devant des objets réparés, j’aime ton plaisir à partager la nourriture que tu as préparée. J’aime tes pulls épais et tes t-shirts fins.
C’est douloureux, parfois, cette pression dans la poitrine que je n’arrive pas à exprimer. Mes sentiments sont là, ils débordent, et pourtant je ne peux les nommer. Comment savoir ce qu’ils sont, quand il n’y a pas de mot qui leur correspond ? Ma gorge se noue en recevant tes cartes pleines d’affection, je me liquéfie face aux cœurs dans tes messages, je rougis de tes compliments.
Nous faisons l’effort de créer un sol stable sous nos pieds. Dans un monde qui affirme que nous n’existons pas, nos sentiments sont invisibles. Tout pourrait s’effondrer d’un instant à l’autre, car nous n’avons pas pu articuler notre ressenti.
Mais nous luttons. Nous traçons un chemin au milieu du brouillard, expliquant nos limites, nos envies, nos désirs. Tu m’assures que tu m’aideras pour mes démarches administratives. Tu m’assures que tu choisiras un logement où je pourrai te visiter.
Nos engagements nous créent un cadre, des certitudes. Mais j’aimerais avoir aussi les mots pour me dire à moi-même ce que je ressens. Pour te le dire. Notre relation n’est pas juste une promesse, il y a en moi quelque chose qui frémit quand je pense à toi.
Ce n’est pas l’amour dont parlent toutes ces chansons que je ne comprends pas vraiment. Ce n’est pas l’amour que je porte à mes ami·e·s de longue date. C’est quelque chose que je ne peux nommer, mais qui est là, intense.
Dans le langage courant, nous sommes « juste » amis.
L’Aromantic Spectrum Fanworks Week, durant la semaine de visibilité du spectre aromantique, célèbre les personnages du spectre aro dans toutes sortes de travaux originaux ou transformatifs. Pour chaque jour, l’AFW propose des thèmes. Les textes que vous pourrez lire au cours de cette semaine sur mon blog sont des extraits de mes romans en cours, des réflexions inspirées de discussions que j’ai eues, des scènes imaginées dans les fandoms que j’apprécie − même si j’ai édité après pour que ça soit compréhensible peu importe qu’on connaisse le fandom ou non.
Jour 7 : Thème libre
Mes autres contributions :
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Jour 1 : Perdu’e (Struggling With One’s Identity)
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Jour 2 : Droit d’être (Pride In One’s Identity)
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Jour 3 : Je ne peux pas répondre à des regards (Facing arophobia)
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Jour 4 : Souhaitez-vous vraiment avoir raison ? (Educating others and/or oneself)
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Jour 5 : Cette insulte que vous m’avez donnée, elle est à moi maintenant (Aro sterotypes)
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Jour 6 : La fiction n’a plus suffi (Meeting other aros)
7 réflexions sur « Tendresse aromantique »