Bloom into You de Nio Nakatani

personne en chemise rose lisant Bloom into You de Nio Nakatani devant un arbre en fleurs

La série de mangas Bloom into You de Nio Nakatani était l’une des lectures du club aro ace, et m’y étant prise un peu tard, je l’ai lue en catastrophe, en quatre heures. Autant dire que je les ai dévorés sans prendre le temps de m’attarder sur toutes les émotions qu’ils éveillaient en moi.

Mais après, j’ai pu en discuter et y réfléchir en détail. Surtout qu’un an plus tard, durant des vacances en camping, j’ai eu l’occasion de les relire en compagnie d’autres personnes, qui m’ont offert un éclairage différent sur l’intrigue.

 

Yuu est une adolescente qui entre au lycée et qui n’est jamais tombée amoureuse. Même si elle ne comprend pas ce qu’est ce sentiment, elle rêve d’éprouver ce que les chansons d’amour décrivent. Elle rencontre alors Nanami, une membre très estimée du Conseil des Elèves, qui reçoit beaucoup de déclarations d’amour. Mais elle non plus n’est jamais tombée amoureuse et pense que ça n’arrivera jamais. Yuu lui dit qu’elle est comme elle et… Nanami tombe alors amoureuse d’elle ! Mais attention : elle ne souhaite surtout pas que Yuu l’aime en retour. Elle veut seulement profiter et explorer ces émotions nouvelles pour elle, sans s’enfermer dans une romance réciproque. Pour Nanami, aimer quelqu’un, ça signifie forcer cette personne à ne pas changer, enfermée par cet amour.

 

Yuu ressemble beaucoup à la personne que j’étais à seize ans. Chacune de ses phrases semble tirée de mes pensées ! Moi aussi, je rêvais de romance… Ses réflexions sont passionnantes, ses doutes et son sentiment de solitude poignants. Il y a un troisième personnage aromantique avec lequel elle discute beaucoup : lui adore observer les romances des autres, comme une pièce de théâtre auquel il est extérieur, et ne souhaite surtout pas monter sur scène. Je peux aussi me reconnaître là-dedans : je trouve les histoires romantiques de mes ami·es passionnantes !

 

Nanami m’était en revanche antipathique. Même si je comprends son désir d’amour non-réciproque, elle est aussi très égoïste. Ce n’est que dans le tome 3 que le personnage commence à être développé, et c’est à partir de là que j’ai vraiment accroché à l’histoire. Elle ne tourne plus seulement autour de la romance : le Conseil des Elèves produit une pièce de théâtre qui force Nanami à se confronter à sa vision d’elle-même. Non seulement cette pièce est excellente – et j’aurais adoré la voir au théâtre ! – mais elle fait également un parallèle très habile à Nanami.

Le scénario est le suivant : après un accident, une jeune fille a perdu la mémoire et ne sait pas qui elle est. Elle parle à trois personnes qui étaient proches d’elles en espérant qu’elles l’éclaireront sur sa personnalité. Mais ces personnes ont une image d’elle diamétralement opposée : son ami la voit comme généreuse, sociable, calme et parfaite, son frère comme distante et indifférente, sa petite amie comme possessive et peu sûre d’elle. Qui est-elle en réalité ? Comment choisir ?

 

Cet arc donne une profondeur supplémentaire aux personnages, permet de comprendre Nanami – à défaut de l’apprécier.

Ce qui ne l’aide pas, et constitue mon principal regret, c’est le consentement dans cette série : sous prétexte d’amour, Nanami ne respecte absolument pas les « non » de Yuu. Ce n’est pas pire que dans les romances mainstream, mais c’est très crispant ! Je trouve aussi dommage que la romance soit présentée comme la forme ultime du bonheur.

Toutefois, les amitiés sont mises en valeur, notamment celle de Nanami et Saeki, un personnage que j’adore. D’ailleurs, alors que la situation était parfaite pour avoir un classique triangle amoureux, ici, il n’y a aucune jalousie entre les deux « rivales », qui au contraire, s’entraident et se lient d’amitié. Elles ont un intérêt commun, après tout !

 
personne en chemise bleue lisant Bloom into You de Nio Nakatani tome 5 dans une forêt qui ressemble à un tunnel

Bloom into You une romance yuri, et donc, sans surprise, Yuu et Nanami se mettent en couple, et je m’attendais à ce que ça me fasse mal. Même si un personnage secondaire reste aromantique tout au long de la série, ce n’est pas la même chose de s’identifier à un personnage et de se voir ensuite nier cette identification.

Mais lorsqu’elle explique ses sentiments, Yuu déclare qu’elle a choisi d’être amoureuse. Elle considère toujours que sa façon d’aimer est différente. Et le voir comme un choix, ça me parle. J’en ai un peu discuté dans ma chronique des Faucons de Raverra : un couple peut venir d’une passion initiale, ou d’un travail mutuel pour faire grandir l’affection. Cette affection peut être romantique… ou non.

Je comprends que d’autres personnes aro soient déçues. Je n’aime pas que le raisonnement soit que l’amour c’est merveilleux et qu’on finit bien par arriver à aimer, mais voir une relation comme un choix et une construction, c’est quelque chose qui me parle tellement et que je ne lis presque jamais ! C’est une représentation du spectre aromantique, et c’est important aussi.

 

extrait de Bloom Into You : Les Je t'aime sont réservés à la personne spéciale à nos yeux. J'ai toujours cru que c'était un sentiment qui arrivait subitement un jour, tombé de nulle part, comme une comète... Un sentiment énorme... qui viendrait de je ne sais où, sans que je puisse y faire quoi que ce soit. Mais mes Je t'aime sont probablement différents... Cet amour, je l'ai choisi moi-même. Et j'ai tendu la main pour qu'il ne m'échappe pas ! A vrai dire, depuis le début... j'ai fait de nombreux choix ! Celui de rester à tes côtés... de vouloir te changer... Et si j'ai choisi cette voie, c'est parce que tu m'as répété un nombre incalculable de fois que tu m'aimais. J'ai décidé... que tu étais ma personne spéciale ! Nanami... Je t'aime !

« Les Je t’aime sont réservés à la personne spéciale à nos yeux. J’ai toujours cru que c’était un sentiment qui arrivait subitement un jour, tombé de nulle part, comme une comète… Un sentiment énorme… qui viendrait de je ne sais où, sans que je puisse y faire quoi que ce soit. Mais mes Je t’aime sont probablement différents… Cet amour, je l’ai choisi moi-même. Et j’ai tendu la main pour qu’il ne m’échappe pas ! A vrai dire, depuis le début… j’ai fait de nombreux choix ! Celui de rester à tes côtés… de vouloir te changer… Et si j’ai choisi cette voie, c’est parce que tu m’as répété un nombre incalculable de fois que tu m’aimais. J’ai décidé… que tu étais ma personne spéciale ! Nanami… Je t’aime ! »

 

De façon générale, Bloom into You est une œuvre très nuancée, que ce soit par la finesse avec laquelle la variété de l’aromantisme est représentée, ou les différentes expériences saphiques que vivent les personnages. Déjà, parce qu’on a une grande variété de situations, avec trois personnages aromantiques et cinq personnages saphiques, dont un couple de femmes plus âgées. Leurs interactions avec Saeki me réchauffaient le cœur ! Je pouvais vraiment me reconnaître dans les émotions de Saeki, pour qui regarder ce couple est à la fois un réconfort, une assurance qu’il existe un futur heureux pour elle, et aussi un petit pincement d’envie.

Ça permet aussi de contrecarrer l’image du « saphisme enfantin », l’idée que c’est normal pour des jeunes filles d’expérimenter entre elles, mais qu’après elles deviendront de toute façon hétéro. Saeki a été confrontée à ce préjugé, alors voir un couple de femmes adultes est bien sûr rassurant. L’histoire de Saeki fait un joli pied-de-nez aux clichés de conversion – « ne fréquentez pas de personnes gay ou vous le deviendrez ». Elle est influencée par une fille plus âgée, qui considère l’avoir « rendue lesbienne »… et Saeki en est très satisfaite !

L’homophobie est également assez subtile : pas d’agressions physiques ou d’insultes, mais des questions et commentaires intrusifs, des blagues malaisantes, le regard fétichiste des hommes.

 

Bloom into You est une série qui m’a beaucoup touchée malgré ses imperfections. Je me retrouvais dans de nombreux personnages, et leurs interrogations me portaient à travers leur évolution au cours de cette année scolaire. Des scènes banales prenaient une tout autre dimension !

 

Avertissement : absence de consentement, lesbophobie

 

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