Depuis presque six ans, je travaille à une quadralogie de fantasy italienne, avec des complots politiques… et Les Faucons de Raverra m’a plagiée !
Amalia Caruso est la fille d’une des dirigeant·es de l’empire de Raverra. La force de cet empire repose sur les faucons du doge, des mages contrôlé·es par des fauconniers au moyen d’un bracelet, le jet. Alors qu’elle allait acheter un livre – oups, est-ce que ça veut dire qu’il est très probable que je me retrouve dans la même situation ? – Amalia est forcée de devenir la fauconnière d’une sorcière de feu, Zaïra, pour l’empêcher de brûler la ville.
Comme l’empire est au bord de la guerre avec la province d’Ardence, Amalia est envoyée comme ambassadrice, et si elle ne parvient pas à maintenir la paix, elle devra ordonner à Zaïra de brûler les rebelles.
Il y a donc, on s’en doute, pas mal de complots politiques, de trahisons, et j’adore ça ! Dans La Sorcière Captive, c’est toutefois loin d’être parfait : Amalia est étrangement naïve pour quelqu’un qui a survécu à de nombreux assassinats, il y a de nombreuses coïncidences, et des traîtres sortent de nulle part quand ça arrange le scénario. Souvent, quand Amalia découvrait la stratégie de ses adversaires, j’étais convaincue que ça ne pouvait pas être si simple, qu’elle n’avait découvert que le leurre. J’étais stressée, attendant le moment où elle serait piégée… et toute cette tension retombait à plat lorsque je découvrais qu’elle ne s’était pas trompée.
Heureusement, cet aspect s’améliore au fil des tomes. Les retournements de situation sont de mieux en mieux amenés, et l’affrontement final du dernier tome est très satisfaisant. Action, stratégie, discours et manipulations se mêlent, et je ne peux pas imaginer comment ça aurait pu être mieux.
Amalia est comme cette série : elle progresse au fil des tomes, et c’est très bien fait. Dans le tome 1, elle est parfois naïve et maladroite, mais elle sait se montrer fine lorsqu’elle est acculée. Dans le tome 2, elle tire son épingle du jeu malgré quelques erreurs, et dans le tome 3, c’est bon, j’étais impressionnée par ses discours et son talent pour la manipulation :
« — Raverra est devenue grande en se hissant sur le dos ployé des mages marqués. Songez quelles hauteurs vertigineuses elle pourrait atteindre si nous les laissons se mettre debout.
Le doge leva un sourcil sceptique.
— Et si, en se mettant debout, ils nous jetaient à terre ?
— Vous dirigez l’Empire Sérénissime, dis-je doucement. Si vous laissez la peur vous gouverner, elle devient notre maîtresse à tous. »
Il reste toutefois illogique qu’elle soit présentée comme une mauvaise menteuse, même à la toute fin…
Au fil de la progression d’Amalia, son adversaire progresse aussi : dans le tome 1, il est au second plan, je le redoutais sans en faire ma priorité. Durant le tome 2, il gagne en pouvoir, et arrivé au dernier tome, il semble invincible. Ça permet un bon équilibre des forces entre les deux camps.
Malgré mon affection pour Amalia, durant les deux premiers tomes, je me suis demandée à de nombreuses reprises pourquoi ce n’était pas la sorcière Zaïra qui racontait l’histoire. Certes, elle n’a aucune subtilité politique et le scénario aurait peut-être perdu en complexité, mais c’est elle qui se retrouve dans la situation la plus désagréable : alors que toute sa vie, elle a caché ses pouvoirs pour ne pas être prisonnière, elle se retrouve liée à Amalia et contrainte de tuer pour l’empire. Son point de vue parait beaucoup plus intéressant que celui d’une privilégiée…
Ça a pris sens lorsqu’Amalia commence à se battre pour les droits des faucons : elle veut faire voter par le conseil une loi s’opposant à l’enfermement et au recrutement militaire forcé de ceux-ci. Et bien sûr, les faucons n’ont pas leur mot à dire. On sent leur frustration, et suivre Amalia est une bonne manière de souligner le rôle des allié·es : elle demande toujours leur avis aux faucons sur les modifications qu’elle propose.
L’Héritière Rebelle voit l’apparition de nouveaux personnages : profitant des troubles à Ardence, les dix-sept Hauts Ensorceleurs du Vaskandar, état voisin de Raverra, planifient une invasion. La décision sera prise lors du conclave, et Amalia, pour s’y rendre, entreprend de courtiser le Seigneur des Corbeaux, Kathe. Je n’aimerais pas être son amie, mais c’est mon personnage préféré : il est drôle, il est mystérieux, il est inquiétant. Je m’amusais de ses répliques tout en redoutant ses trahisons, et en soupirant de soulagement lorsqu’il aide Amalia. Quoiqu’imprévisible, c’est un personnage complexe et intelligent, j’ai fini par le comprendre et le prendre en affection en voyant son attachement envers ses sujets, et l’un de ses gardes du cœur.
Ce personnage sert à la construction d’un triangle amoureux entre lui, Amalia, et Marcello, le soldat dont elle est tombée profondément amoureuse dans le tome 1. Quoi, un triangle amoureux ? Ne devrais-je pas m’insurger contre ce cliché ?
Au contraire, c’est un de mes éléments préférés de l’histoire. Le personnage d’Amalia gagne en complexité grâce à ses choix politiques – j’ai adoré le fait qu’elle fait très souvent des choix qu’on qualifierait d’insensibles, alors qu’elle est pleine de compassion – et il en va de même pour ses choix amoureux. Elle est honnête sur ses sentiments envers Marcello et Kathe, aucun d’entre eux n’est manipulé. Et leurs relations permettent de réfléchir à la nature même de l’amour : est-ce si différent de l’amitié ? Est-ce une passion effrénée ? Un gouffre dans lequel on tombe, sans le moindre contrôle ? Ou est-ce comme une plante qu’on arrose à deux pour la faire croître ?
Le but de ce triangle n’est pas de nous torturer, de nous déchirer entre deux options : à aucun moment l’amour d’Amalia envers Marcello n’est montré comme incompatible avec son amour pour Kathe. Ce triangle amoureux permet d’explorer les facettes des personnages, et la nature même de la romance. J’étais de plus en plus attachée à ces relations, et la conclusion m’a ravie.
L’Empire Libéré n’était pas encore traduit lorsque je me le suis procuré, et j’étais pleine d’appréhension en le commençant en anglais. J’avais récemment lu plusieurs romans de fantasy anglaise que j’avais trouvés très plats, et je me demandais si c’était lié à la langue…
Pas du tout. Je suis rentrée directement dans l’ambiance. Malgré le sérieux du scénario, c’est une série très drôle, et ça faisait longtemps que je n’avais pas autant ri que durant cette lecture. Mon père qui travaillait sur le canapé à côté de moi me jetait des regards amusés lorsque je partais d’un grand éclat de rire, et tentais de lui décrire la scène où les personnages découvrent des cadavres dans la forêt, et en quoi c’était drôle…
Zaïra est un personnage très direct, au langage imagé, et chacune de ses répliques me faisait au moins sourire : « Oh, oui, allons prendre joyeusement le thé. Il serait idiot de s’entre-tuer le ventre vide. » Kathe n’est pas en reste : souvent, on ne sait pas s’il plaisante ou s’il est sérieux, et il y a beaucoup de second degré dans ses propos. Et les réactions d’Amalia sont juste tellement pincées et décalées ! « Tant qu’à épouser un homme, mieux valait que ce soit celui avec qui on s’imaginait vieillir, et non celui que l’on pouvait s’imaginer en train de lécher sur ses doigts le sang de nos ennemis. »
De façon générale, malgré la guerre, les complots et les trahisons, l’ambiance est très agréable. Amalia est entourée de personnages attachants sur qui elle peut compter – et je n’ai pas parlé de Terika, la copine de Zaïra, de la sœur de Marcello, de la mère d’Amalia et de sa garde du corps, qui sont toutes géniales.
Car oui, hormis les méchants, Marcello et Kathe sont un peu les seuls personnages masculins du roman – personnages secondaires et figurant·es inclus·es ! J’ai constaté au milieu du tome 3 qu’en fait, même dans des groupes de cinq ou plus, c’était en non-mixité. C’est incroyable à quel point, quand je lisais « a soldier », je partais du principe que c’était un homme, et étais choquée par le « her » derrière.
Je lis énormément de romans qui mettent une seule femme au milieu d’un groupe d’hommes. Et ça a un intérêt féministe de montrer cette situation si réelle – et qui est mon quotidien – et de voir les difficultés auxquelles elle est confrontée. Mais Les Faucons de Raverra est une vraie bouffée d’air, et j’aimerais respirer plus souvent. J’aurais juste aimé qu’elles soient plus variées, surtout physiquement.
Même si c’est important d’avoir de la représentation dans les personnages principaux, ça fait une vrai différence quand c’est aussi le cas dans les personnages secondaires et dans les figurant·es. Ça m’a fait très plaisir qu’une garde évoque son épouse, qu’un·e autre utilise le pronom « they » − j’ai peur de ce que donnera la traduction, mais je croise les doigts.
D’habitude, je trouve les tomes des séries de moins en moins bien. Mais là, c’était le contraire : chaque tome apporte de nouveaux éléments sur l’univers, les personnages gagnent en complexité, les stratégies et les complots sont de mieux en mieux gérés. Et j’étais tellement engagée dans la romance ! Cette série, c’est tout ce que j’aime, et son originalité m’empêchait de voir venir la suite. Les choix d’Amalia sont difficiles, intéressants et jamais anodins.
Le tome 1 était bien, sans être un coup de cœur absolu. Mais en finissant le dernier, j’ai constaté que cette série avait rejoint le groupe de mes préférées. Je n’avais pas envie d’enchainer avec un autre livre. Je voulais continuer, ou relire, tout en sachant qu’une deuxième lecture, ça ne serait jamais la même chose.
J’attends avec impatience – et angoisse – de me procurer la traduction du tome 3, qui me donnera un prétexte pour replonger dans cette série, en format papier cette fois-ci.
Avertissements : mutilation
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