Avez-vous déjà entendu parler de Avalonia, l’Étrange Voyage – Strange World en anglais ? Non ? Mais comment ça ? Il faut pourtant des grands classiques d’animation de Disney, au même titre qu’Encanto, sorti l’année d’avant. Comment se fait-il que contrairement à ce dernier, personne ne semble connaitre Avalonia, l’Étrange Voyage ? (je vous jure, personne me croit quand je dis que c’est un Grand Classique de 2022 alors qu’iels en ont pas entendu parler. Moi-même, j’ai du mal à le croire, je me dis que j’ai peut-être mal compris, que c’est un Disney Channel sorti directement en streaming. Mais non, Wikipédia est formel.)
J’ai découvert son existence grâce à l’excellente vidéo de Pop Culture Détective, qui spoilait tout le film et m’a donné très envie de le voir. Et qui montrait aussi l’absence totale de promotion et de couverture médiatique de ce film. Pas d’affiche dans le métro parisien, bah non. Le héros est noir et gay, et l’histoire parle de la nécessité de consommer moins pour sauver la planète. C’est pas exactement un message qui correspond à Disney, qui au contraire, produit plein de figurines, peluches et jouet à acheter en complément de leurs films. Maintenant, si on les accuse de ne jamais avoir de personnages gays, ils peuvent nous dire « mais si, regardez, on a tout fait comme il faut dans Avalonia, l’Étrange Voyage, et ça a été une catastrophe au box-office ! »
Avalonia, c’est un pays au creux d’une vallée. Le tout début est hilarant, très inspiré d’Indiana Jones. Dans des graphismes de comics, on nous présente les Clayne : Jaeger Clayne, explosion de virilisme qui se rase avec un piranha – hilarant – et son fils Searcher Clayne, freluquet amoureux des plantes qui n’a pas la moindre envie de suivre ses traces. Ils sont en expédition pour franchir les montagnes entourant Avalonia – que personne n’a jamais franchies – lorsque que Searcher découvre une plante produisant de l’électricité. Il décide de retourner à Avalonia avec les plantes, estimant que ça aidera davantage le pays que de franchir les montagnes. Son père part, seul, et disparait.
25 ans plus tard.
Vous vous y attendiez ? Moi pas. J’étais convaincue qu’on suivrait l’histoire du jeune Searcher, ce qu’il ferait de ses plantes, mais en fait, c’est son fils Ethan le centre de l’histoire. Il a grandi dans la ferme de Pando de son père – le Pando étant la plante électrique. Il se sent étouffé et rêve d’aventure, et voilà que la présidente arrive avec d’horrible nouvelles : une épidémie frappe Pando. Or, c’est Pando qui alimente tout le pays, qui leur permet d’avoir des avions plutôt que des carrioles à cheval. Le Pando a un réseau racinaire commun, qu’il faut donc remonter pour voir ce qui l’attaque. Toute la famille Clayne – l’épouse de Searcher est pilote – part en expédition dans un gouffre, suivant les racines, et découvrent un monde tout simplement merveilleux… et déterminé à les tuer.
C’est un film un peu plus difficile à apprécier quand on connait déjà l’histoire – je l’ai vu plusieurs fois, et mon ressenti n’était pas le même à chaque visionnage. Il y a un beau travail d’ambiance et de construction d’univers qui est réalisé : c’est un voyage, on passe de zone géographique en zone géographique, avec des dangers à chaque étape. La première fois, j’avais des étoiles dans les yeux, parce que c’est beau, c’est inventif, et à la fin, on connait bien l’univers, et ça nous permet aussi de comprendre comment préserver l’écosystème. Mais quand on connait déjà, ben… on arrive dans un nouveau lieu. Une nouvelle créature essaye de les tuer. Iels s’en sortent. Puis on arrive dans un nouveau lieu. Une nouvelle créature essaye de les tuer. Iels trouvent un autre moyen de s’en sortir. Vous voyez l’idée.
La morale écologique de l’histoire peut paraître un peu clichée – ce n’est certainement pas la première fois que je vois ce genre de film – mais c’est accompagné par une légère dénonciation des décisions du gouvernement, par une métaphore peu subtile autour des jeux coopératifs, et surtout, par un vrai impact à la fin. Trop de films cherchent des compromis. Vous pouvez sauver la planète en gardant vos smartphones ! Dans Avalonia, ben, faut consommer moins, et consommer moins, c’est consommer moins, y a pas de compromis, de pirouette scénaristique, de contournement pratique.
Pop Culture Detective insistait sur le fait que ce film donne de l’espoir. Aujourd’hui, beaucoup de films futuristes présentent comme inévitables les catastrophes climatiques résultant du capitalisme. Quand nous voyons le monde de Blade Runner 2049, sommes-nous choqués et motivés à nous bouger les fesses pour éviter ça… ou juste résignés, parce qu’à force de le voir, ça parait être la seule issue possible ? Avalonia, l’Étrange Voyage serait un des rares films à montrer qu’on peut encore agir, on peut éviter la catastrophe – mais que ça aura un coût.
Comme je le disais précédemment, personnellement, je n’ai pas eu l’impression qu’Avalonia, l’Étrange Voyage était super original sur ce plan-là. Le fait que la victoire est un coût, oui ; le reste, pas tant que ça. Mais au fond, est-ce qu’un film a désespérément besoin d’être original sur tous les plans ? Les mondes apocalyptiques, c’est hyper-banal, mais pourtant, on ne va pas les traiter de niais et simplistes – les prévisions pessimistes paraissent toujours plus intelligentes que celles qui donnent de l’espoir.
Bref, Avalonia, l’Étrange Voyage est un très bon film, qui ajoute à son récit d’aventure un message écologique, une réconciliation familiale entre générations, de la représentation gay, et un cast majoritairement racisé. C’est très cool, et je reste frustrée qu’il n’ait pas eu la promotion qu’il mérite.
Radar à diversité : pp métisse, psi noire, psi chien auquel il manque une jambe, ps racisés