L’Encyclopédie Féérique d’Emily Wilde de Heather Fawcett


personne en manteau violet et en pantalon vert en velours côtelé lisant L’Encyclopédie Féérique d’Emily Wilde de Heather Fawcett devant des arbres avec des fleurs roses

Wow. J’ai adoré ce livre, et je n’en reviens pas. Certes, en général, quand je commence une lecture, j’espère l’aimer, mais en me lançant dans L’Encyclopédie Féérique d’Emily Wilde de Heather Fawcett, j’espérais lire une romance un peu stupide qui me fasse glousser et me vide la tête. A la place, j’ai trouvé un univers de fantasy complexe et intéressant, une belle écriture par une narratrice originale à laquelle je me suis beaucoup identifiée, et de beaux moments émotionnels avec un poil d’humour.

Emily Wilde est une universitaire brillante passionnée par les Créatures Féériques, qu’elle étudie depuis des années. Pour compléter son encyclopédie de toutes les créatures, elle se rend dans un minuscule village au nord ; et, promptement, se met l’intégralité des habitant·es à dos en raison de sa maladresse sociale.

On est dans son point de vue – son journal de bord d’universitaire – et on est tout aussi perplexe qu’elle lorsqu’elle découvre que tout le monde la déteste. Ça m’a beaucoup rappelé les incidents de ma propre vie : pas de narration qui explique ce qui se passe, je me rends juste compte, à retardement, qu’une personne ne me parle plus, et je repasse toutes nos interactions pour essayer de comprendre ce qui s’est passé… sans trouver.

Emily est très analytique et ressent peu. Je ne l’avais pas vraiment remarqué, jusqu’à ce qu’à un moment, elle ressente quelque chose qu’elle ne comprend pas vraiment et décide de supprimer ce début d’émotion. Je me suis alors rendue compte que c’était quasiment la première fois qu’elle ressentait autre chose que de l’agacement ou de la détermination. La seule chose qui l’intéresse, c’est les Créatures. Elle a un peu d’empathie, et va aider les villageois, mais elle sait que si le village était tourmenté par des humains, elle ne lèverait pas le petit doigt pour les aider. Mais comme c’est par des fées, c’est l’occasion pour elle d’en apprendre plus, du coup elle n’hésite pas à risquer sa vie !

C’était touchant de voir le village commencer à la comprendre de mieux en mieux. Emily ne dit jamais qu’elle se sent seule, et il est clair que généralement, elle apprécie la solitude. Mais au fur et à mesure, on la voit aussi vraiment apprécier le soutien qu’elle trouve – lorsqu’elle est en danger, soudain, elle a d’autres personnes sur qui compter, ce qui n’a jamais été le cas avant. Elle tient de plus en plus à protéger le village en retour, ce qu’elle fait bien : elle est impressionnante lorsqu’elle interagit avec des Créatures, se les mettant dans la poche avec aisance, je suis si fan d’elle !

couverture de L’Encyclopédie Féérique d’Emily Wilde de Heather Fawcett

Emily n’est pas totalement seule. Elle a son chien qu’elle adore – et qui est une Créature – ainsi que Poe, une Créature du nord avec qui elle se lie immédiatement d’amitié, au point que Poe la désigne comme sa famille choisie. Oui, alors qu’elle s’attire l’antipathie d’un village entier en parallèle. La mère féérique d’un changelin se prend aussi très vite d’affection pour elle − ceci dit, le traitement du mythe des changelins est catastrophique, comme l’explique très bien cet avis.

Et il y a Wendell Bambleby, un rival universitaire qu’Emily affirme détester tout en lui accordant le titre d’ami. Elle le soupçonne d’être une fée en exil, et c’est en partie pour ça qu’elle s’intéresse à lui. De son côté, il l’adore, et vient la rejoindre pour l’aider dans ses recherches. Au passage, une des raisons pour lesquelles il l’adore est qu’il n’a jamais rencontré quelqu’un qui le comprenne aussi bien qu’elle – et c’est vrai, elle est super douée pour deviner ce qu’il pense. Et ce, alors qu’il est bel et bien une fée, et que les fées sont des créatures amorales, versatiles, suivant une logique qui dépasse à la fois l’entendement humain et celui des autres fées.

« Un temps, j’ai cru que vous aviez du sang féerique dans les veines, reprit-il. Vous nous comprenez si bien.

— Vous avez tort de dire que je comprends les Créatures. Personne ne peut les comprendre. Elles vivent au gré de caprices et de lubies, et ne sont guère plus qu’une somme de contradictions. Elles possèdent des traditions, jalousement gardées, mais elles ne les suivent pas à la lettre, loin s’en faut. Nous pouvons les cataloguer et documenter leurs faits et gestes, mais l’immense majorité des savants s’accordent à dire qu’il est impossible de les comprendre réellement.

— Les mortels ne sont pas impossibles. Les mortels sont faciles. » Bambleby appuya sa tête sur le bras du fauteuil et m’observa en biais. « Pourtant, vous préférez notre compagnie à la leur.

— Si une tâche est impossible, on ne peut pas être mauvais. »

La relation entre Wendell et Emily est géniale. Iels n’arrêtent pas de s’asticoter verbalement, mais iels sont là l’un pour l’autre. Quand il sent qu’elle est mal à l’aise socialement, il prend toute la place pour détourner l’attention d’elle. Il lui parle sans attendre de réponse. Elle râle contre ses goûts extravagants, mais lui offre des miroirs, du café, et tout ce dont il a besoin pour être à l’aise. Iels sont très en phase en termes moraux. Certes, Wendell est brutal et cruel, et n’a clairement rien à faire des vies humaines, ce qui peut épouvanter Emily par moments… mais seulement par moments. Quand il massacre des fées qui avaient attaqué Emily, elle est horrifiée parce que c’était hyper gore… et puis trente minute plus tard, ça va mieux : pour elle, c’était visuellement insoutenable, mais éthiquement tolérable.

C’était touchant de lire des points de vue ayant une morale différente, des émotions différentes. Certain·es de mes ami·es et moi sommes souvent en déphasage émotionnel par rapport aux autres : je ne ressens rien face à quelque chose qui les horrifie, et fais des cauchemars d’évènements qui les indiffèrent. Je pouvais donc vraiment me reconnaitre dans Emily… Et contrairement aux clichés sur le manque d’empathie, ça ne l’empêche pas d’aider − tout comme les personnes peu émotionnelles de mon entourage, qui profitent de cette caractéristique pour offrir de l’aide psychologique sans se laisser affecter.

Je me suis également beaucoup reconnue dans ses sentiments romantiques. Je veux dire, quand Wendell la demande en mariage – ce qui est la première fois où il lui parle de ses sentiments – sa réaction est de se dire que ce serait pratique, universitairement, de voyager ensemble pour faire des recherches. Alors que la romance se développe, elle n’est jamais passionnée, elle n’a pas de papillons dans le ventre, elle n’est pas éprise et ne parle pas d’être amoureuse. C’est plutôt… on voit qu’elle est bien, avec lui. Elle est à l’aise. Elle ne stresse pas à l’idée de mal réagir ou de faire un faux pas social. Elle prend soin de lui, il prend soin d’elle. Et finalement, plus que les sentiments romantiques, c’est ce qui compte non ?

photos de l'édition reliée de L’Encyclopédie Féérique d’Emily Wilde de Heather Fawcett, avec la couverture extérieure, intérieure, et les illustrations de chapitre
J’ai acheté la version reliée de L’Encyclopédie Féérique d’Emily Wilde, et c’est absolument magnifique

L’Encyclopédie Féérique d’Emily Wilde se suffit à lui-même, mais il y a un tome 2 ! Je compte bien le lire dès sa traduction en français. Et depuis que je l’ai lu, je cherche désespérément une autre œuvre avec des fées qui explore leur culture différente, l’utilisant comme métaphore de la neurodivergence.

Radar à diversité : pp neuroA, ace et sur le spectre aro, ps neuroA, ps couple f/f

Avertissements : araignées, enlèvement, mort d’un proche, sang, violence, violence animale, vomissement, meurtres cruels, vol d’âmes, torture d’enfant fée, mariage forcé, emprisonnement

 

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