Ce mois-ci, pour le Feminibooks organisé par Opalyne, des chroniqueur·ses se relaient pour chroniquer des œuvres féministes. J’ai été précédée par Lilly McNocann et sa chronique de Moana de Silène Edgar ainsi que par De La Plume au Clic qui chronique King Kong Théorie de Virginie Despentes, et demain, vous pourrez découvrir Illuminae d’Amie Kaufman et Jay Kristoff avec Les bouquins d’un bébé dragon.
Pour cette occasion, je m’attaque à un monument personnel. Une bande-dessinée qui ne paye pas de mine, avec ses dessins peu attrayants, qu’un proche m’avait prêté avec un air innocent… en se doutant toutefois de l’impact que cette œuvre aurait sur moi. Qu’elle m’éblouirait, que je comprendrais enfin d’où venaient mes questions et quelles étaient les réponses, et que moi aussi, je me sentirais confortable à me dire aro…
Je vais me calmer et expliquer de quoi ça parle – ce qui est assez compliqué, pour être honnête : les arguments de l’autrice s’enchainent progressivement pour arriver à une conclusion qui semble alors évidente, mais qui, en empruntant des raccourcis, ne le serait pas du tout…
A travers des petites histoires et anecdotes racontées avec humour – du sarcasme, j’adore ! – l’autrice réfléchit sur ce qu’est la romance. Elle commence par expliquer comment l’éducation genrée et patriarcale forme les individus assignés hommes et les individus assignés femmes à envisager la romance de façon différente. Ensuite, on a un retour en arrière pour voir comment la romance a été envisagée à travers les âges, pour en arriver à la situation actuelle. En gros, la romance y est présentée comme une construction sociale sexiste permettant aux hommes d’exploiter les femmes, tout en les ayant élevées à penser que c’est la seule forme de bonheur possible.
Je connaissais déjà le concept du « quel meilleur esclavage que celui où l’esclave adore travailler sans être payer ? » et c’est sur un autre plan que Les Sentiments du Prince Charles m’a touchée.
Je me suis reconnue.
Je me suis reconnue dans le portrait dressé des femmes en général, qui ont besoin d’une validation masculine pour avoir de l’estime de soi. Qui se préoccupent en permanence du bien-être des autres. Qui ne sont amoureuses que parce que depuis leur naissance, le seul modèle de femme heureuse qu’on leur a offert, c’était une femme en couple romantique avec un homme.
J’avais déjà beaucoup réfléchi au sujet de la romance. Pouvais-je être aro en ayant déjà été amoureuse ? Qu’est-ce que c’était, la romance ? Et pourquoi pouvais-je être amoureuse, alors que de façon générale, je trouvais la romance secondaire ? Pourquoi rêvais-je de romance alors que j’étais déjà heureuse ? Pourquoi me paraissait-elle désirable et indésirable en même temps ?
Lorsque j’ai refermé Les Sentiments du Princes Charles, j’avais la réponse à toutes ces questions. J’avais les clefs pour déchiffrer mes émotions, pour savoir que si je trouvais la romance désirable, c’était uniquement à cause de la pression sociale, et qu’en réalité je n’en voulais pas. Les sentiments amoureux sont expliqués par Liv Stromquist, j’ai reconnu ce que j’avais ressenti à chaque fois : un désir de validation. C’était tout. Ça, et la recherche de ce bonheur tant promis par les romans.
Alors je me suis enfin sentie légitime de dire « Je suis aro ». J’avais enfin les idées claires. J’étais enfin en paix.
La personne qui me l’a conseillée était aro aussi, et cette BD avait eu un effet similaire sur elle. Je lui suis vraiment reconnaissante de me l’avoir conseillée… et j’avais l’envie irrépressible de faire de même, de recommander cette BD à tout mon entourage. Elle est géniale. Certes, je ne suis pas fan des dessins, et l’humour peut être agressif par moments, mais elle se lit vite, et se relit sans compter. Si vous êtes follement amoureux·se, n’ayez crainte : elle ne détruira pas votre vision de la romance. Au contraire, elle vous permettra d’envisager vos sentiments dans un cadre dénué, autant que possible, de contraintes sociales.
Alors cessez de lire cet article pour découvrir cette merveille !
2 réflexions sur « Les Sentiments du Prince Charles de Liv Stromquist »