Loveless d’Alice Oseman

personne en pyjama enroulée dans un plaid lisant Loveless d'Alice Oseman entourée de peluches

J’entendais parler de Loveless d’Alice Oseman depuis très longtemps – depuis au moins un an avant sa sortie anglaise, et ne parlons même pas de la traduction en français. L’attente me frustrait ! Je voulais enfin lire un roman en français tournant autour de l’aromantisme.

Lorsque j’ai acheté Cet Hiver d’Alice Oseman, j’ai découvert que la moitié du livre était consacrée à de la pub : 100 pages d’extraits d’autres romans, dont Loveless. Ça m’a énervée et plutôt découragée de l’acheter… Mais je le souhaitais depuis des années, alors j’ai fini par céder.

Les premiers chapitres, que j’avais donc déjà lus, nous présentent la narratrice, Georgia, à sa soirée de fin de lycée. A dix-huit ans, elle qui est obsédée par la romance n’en a jamais vécu, n’a jamais embrassé quiconque, et se rend compte que c’est sa dernière chance de vivre ce rêve adolescent. Elle va essayer d’embrasser celui sur lequel elle crush depuis sept ans… pour se rendre compte qu’elle avait fabriqué ce crush de toutes pièces, parce qu’elle avait besoin d’être amoureuse pour rêver de bonheur.

J’avais l’impression de retrouver les pensées que j’avais à dix-huit ans, moi aussi. Indécrottable romantique comme Georgia, je passais mes journées à me faire des films, à m’imaginer l’avenir heureux que me montraient toutes mes lectures. La différence, c’est que je savais que Georgia n’allait pas cycler comme moi : elle aurait un arc narratif qui l’amènerait à être heureuse sans romance, au lieu de reproduire quatre fois les mêmes erreurs en six ans.

Finalement, c’était ça, le problème avec la romance. C’était si simple de l’idéaliser parce qu’elle était partout. Dans la musique, à la télé et dans les photos filtrées sur Instagram. Elle était dans l’air vif et plein de possibilités nouvelles. Elle était dans les feuilles qui tombaient, les portes en bois branlantes, les pavés usés et les champs de pissenlits. Elle était dans les mains qui se touchent, les lettres griffonnées, les draps froissés et l’heure dorée. Un doux bâillement, un rire matinal, des chaussures alignées près de la porte. Des regards qui se croisent sur la piste de danse.

Je pouvais tout voir, tout le temps, tout autour, mais, dès que je m’approchais, je découvrais qu’il n’y avait rien.

Ce n’était qu’un mirage.


Georgia part à l’université avec ses deux meilleur·es ami·es, l’occasion pour elle de repartir de zéro et de vivre une grande romance. Comme elle, mes parents se sont rencontré·es en études supérieures, et je pensais qu’il fallait absolument que je trouve l’amour au même moment. Et comme elle, j’ai dû partager ma chambre avec une inconnue beaucoup plus à l’aise avec les sujets sexuels.

Cette coloc, Rooney, offre un bon contrepied à Georgia, car elle a de multiples relations sexuelles. Beaucoup de gens partent du principe que les personnes aroace jugent les gens sexuels, et se considèrent comme plus « pures ». Je n’ai jamais rencontré de personne ace qui pense ça et j’ai trouvé bien qu’on voie que Georgia ne juge pas sa coloc, au contraire, elle aimerait être comme elle. J’ai adoré l’amitié qui se développe entre elles ! Cependant, même si les paroles sont sex-positives, l’arc narratif de Rooney semble condamner son attitude puisqu’il l’amène à y renoncer.

couvertures de Loveless d'Alice Oseman

La couverture française est basée sur l’édition anglaise, mais je pense que je préfère la couverture américaine. La Française reprend le drapeau ace et souligne l’isolement et la solitude de Georgia, tandis que dans l’américaine on voit son isolement car elle se détache de la masse, mais on voit aussi ses amies !

Dans mon article sur la variété de la représentation ace, je me plaignais que malgré de nombreux personnages, on retrouve toujours les mêmes clichés. C’est un peu pareil pour la représentation aro – mais il y a beaucoup moins de livres qui en ont – que je pouvais diviser en deux archétypes :

  • La personne dont l’aromantisme n’a aucune incidence sur sa vie, comme dans La Lune est à Nous, Enceinte 9 et la plupart des livres où le personnage est secondaire. On évoque leur aromantisme dans une phrase puis c’est oublié, et même confronté à des situations de norme romantique, le personnage ne ressent rien de particulier.
  • La personne qui a toujours su qu’elle n’était attirée par personne, et le cœur du récit sera sa résistance contre l’amatonormativité de la société : Lady Ruth Constance Chapelstone, Aromantic (love) Story, Les Aventures d’une Lady Rebelle

Loveless offre une nouvelle version, plus proche de mon vécu. Georgia a toujours cru en l’idéal romantique, et lorsqu’elle se rend compte de son aromantisme, c’est un choc, et un deuil. Ce livre permet de dénoncer la pression amatonormative – l’incitation à la romance − de notre société, qui a tellement associé romance et bonheur que sortir de cette norme sonne comme une condamnation. Au fil de ma lecture, j’ai relevé de nombreuses citations qui résonnaient particulièrement avec moi, et il y en a sur un des sujet très divers : l’injonction à la romance, les médias, la colère contre les autres quand on se rend compte de cette pression, le mépris du vécu des adolescent·es, les familles qui se sentent le droit de choisir la vie de leurs enfants, la définition de l’aromantisme en tant qu’absence qui donne l’impression de n’être rien…

Loveless est dans l’ensemble une très belle histoire, avec des relations touchantes. Celle entre Rooney et Georgia est celle qui m’a le plus emballée, mais j’ai aussi apprécié ses interactions avec le président du club LGBTI+ qui lui offre du réconfort et réciproquement, ainsi que son amitié chaotique avec Pip.

Et le fait que Loveless me plaise au-delà de l’identité de Georgia, c’est très important pour moi ! J’avais adoré Aromantic (love) Story, mais j’avais l’impression que si je ne m’étais pas reconnue dans le personnage, je me serais un peu ennuyée : ce n’était pas du tout mon type d’histoire. Loveless ne tombe pas dans mon genre favori, puisque c’est un roman contemporain décrivant un passage à l’âge adulte – je préfère les aventures de fantasy – mais il est rempli d’émotions et je l’ai lu d’une traite, en passant un excellent moment.

Avertissements : aphobie (interiorisée + verbale), discussions sexuelles, deux scènes évoquant le gatekeeping, références à des relations toxiques passées, références à du harcèlement passé

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *