Un ami m’a récemment demandé si, parmi les représentations dont je parlais sur mon blog, il y en avait des personnes ayant vécu des violences sexuelles. Je n’ai jamais envie de lire des histoires sur des sujets violents, ça me déprime, mais celui-ci revient dans les œuvres féministes. Voici deux bandes-dessinées que j’ai trouvées très bonnes, écrites par des personnes concernées : Sur la Route de West de Tillie Walden et Speak de Laurie Halse Anderson & Emily Carroll.
Après avoir adoré Dans un Rayon de Soleil et en avoir parlé autour de moi, on m’a conseillé Sur la Route de West de Tillie Walden. Cette bande-dessinée me tentait beaucoup, mais je n’étais pas la seule dans ce cas et elle était toujours empruntée à la bibliothèque.
J’ai finalement récupéré Sur la Route de West alors que j’étais en pleine panne de lecture. Je me suis dit que c’était l’occasion de me relancer, une BD étant plus facile à lire qu’un pavé, et j’ai commencé à lire dans le métro. Mauvaise idée… Le début est très troublant – ou alors j’étais fatiguée – car il n’y a pas de texte. En plus, j’ai confondu les deux personnages qui ont presque la même apparence, et je ne comprenais pas grand-chose…
J’ai repris du début en arrivant chez moi, en sachant cette fois-ci qu’il y avait deux protagonistes : Béa qui fugue, et Lou qui part rendre visite à sa tante et prend Béa en stop. Les deux femmes sont bouleversées et tentent de se soutenir mutuellement… elles trouvent un chat qu’elles veulent ramener à son propriétaire, et sont alors poursuivies par des ombres qui veulent s’en emparer.
L’ambiance est très angoissante. J’ai passé ma lecture à flipper, la boule au ventre. Les couleurs me font penser à celles de Dans un Rayon de Soleil, semblables à des couchers de soleil, mais ça en devient d’autant plus agressif lorsque les ombres se rapprochent. Les silhouettes se déforment, monstrueuses, les cases s’entremêlent. C’est beau, mais ça fait peur ! Surtout que les héroïnes ne comprennent pas vraiment ce qui se passe, et du coup je ne voyais pas comment elles pouvaient s’en sortir.
On m’avait prévenue que la BD abordait des thèmes durs, et j’étais préparée, j’ai essayé de me mettre à distance, mais j’ai quand même larmoyé pour la scène où Béa explique pourquoi elle fugue, que ce soit à ma première ou ma deuxième lecture. Mais pas seulement : il y a aussi des incidents « insignifiants » que j’ai trouvés douloureux et qui m’ont mis les larmes aux yeux. Comme lorsque Béa raconte que sa mère a oublié sa promesse d’anniversaire car son frère était malade. Ça parait peu important, mais on sait que si le personnage le raconte, c’est que ça l’est, à ses yeux.
Il n’y a pas beaucoup de dialogues mais je les ai beaucoup aimés. Parfois, ils ajoutent à l’angoisse d’une scène, parfois, au contraire, ils procurent de l’apaisement. Les deux héroïnes sont lesbiennes et c’était vraiment cool de voir deux générations se rencontrer, et Lou rassurer Béa.
Sur la Route de West est une bande-dessinée à l’atmosphère étrange, angoissante, remplie d’éléments surnaturels qui ne sont jamais expliqués. Au milieu de ce chaos, les personnages trouvent un refuge dans la compagnie de l’autre, dans le soutien qu’elles s’apportent. J’ai ressenti beaucoup d’émotions durant cette lecture que je ne peux que recommander.
J’ai emprunté Speak spontanément, en la voyant à la bibliothèque : je n’en avais jamais entendu parler. Bien joué de la part de la maison d’édition : il n’y a pas de résumé sur la 4e de couverture, juste une phrase qui donne une excellente idée du contenu : “j’avais dit non”. Je n’aime pas les résumés détaillés, et j’ai trouvé ça excellent de m’attirer dans la lecture si simplement.
En l’ouvrant, j’étais un peu déçue de constater que ce n’était pas une œuvre originale, mais l’adaptation d’un roman s’inspirant de la vie de l’autrice, et publié en 1999. Mais l’autrice semblait impliquée dans cette réécriture.
On y suit le quotidien de Mel, qui vient de rentrer en seconde et qui est rejetée par ses camarades de classe, ainsi que son ancienne meilleure amie.
J’ai beaucoup aimé les dessins, qui m’ont fait penser à ceux de Tout Va Bien, dans le sens où les émotions sont représentées graphiquement. On voit la bouche de Mel disparaitre lorsqu’elle s’efface, ou son corps jaillir de la maison familiale devenue minuscule. Alors qu’elle parle de moins en moins, les dessins sont de plus en plus expressifs et d’autant plus douloureux. Et pas seulement ceux de la bande-dessinée : Mel trouve un refuge dans son cours d’arts plastiques où le prof l’encourage à s’exprimer par l’art. Durant l’année, on voit ses différents essais, tous révélateurs de ses émotions. J’ai beaucoup aimé cette recherche de l’expression à travers l’art !
Cette bande-dessinée est bien construite et ce qui m’a manqué, finalement, c’est ce que j’ai tant aimé dans Sur la Route de West : les relations. Mel est maltraitée par son entourage, et je trouvais les « raisons » de son exclusion bien superficielles… C’est une bande-dessinée davantage centrée sur Mel en tant qu’individu, comment se réconcilier avec soi-même. C’est très bien, juste pas forcément ce que je recherche…
Malgré un sujet en commun, ces deux bandes-dessinées sont extrêmement différentes, et c’est, quelque part, pourquoi je trouve intéressant de les conseiller ensemble. Remplie de couleurs, Sur la Route de West se concentre sur l’aventure. En noir et blanc et centrée sur son personnage principal, Speak aborde son thème à bras le corps. Deux œuvres dures, mais que j’ai trouvé excellentes.
Avertissements Sur la Route de West : crise d’angoisse, viol incestueux (raconté), propos psychophobes, accident de voiture
Avertissements Speak : Agression sexuelle, viol (passé), PTSD, dépression
Une réflexion sur « Bandes-Dessinées qui parlent de Violences Sexuelles : Sur la Route de West et Speak »