Etonnamment, je n’ai jamais vu Candombe Tango : Les Revenants de Brezo de Théodore Koshka dans les recommandations des comptes promouvant la diversité. C’est en parcourant le catalogue de Mix Editions que la couverture a attiré mon regard. Elle est magnifique… Le résumé – une fois n’est pas coutume – a achevé de me convaincre.
Le point de vue change à chaque chapitre, et au début j’avais un peu de mal à déterminer qui étaient les personnages principaux, et donc à m’attacher à eux. En fait, il y en a trois. On rencontre d’abord Sebastián, un démon envoyé en Amérique Latine, à Brezo, avec son ex Rafael, pour comprendre pourquoi tant d’âmes circulent illégalement. Rafael est un ange que j’ai tout d’abord trouvé horripilant, car il ne réfléchit jamais aux conséquences de ses actes.
Le troisième personnage est Navidad, un policier qui enquête sur les meurtres en série d’enfants. Je l’ai vite trouvé sympathique ! Et la police est critiquée au travers de quelques remarques, même si le scénario ne la remet pas en question.
Je pense que mes difficultés à accrocher aux personnages sont aussi liées à la narration : les dialogues sont plutôt ampoulés. Ce n’est pas illogique car Sebastián et Rafael sont nés il y a des siècles, mais ça manquait de naturel pour moi.
L’histoire est intéressante et gagne en tension au fur et à mesure. L’ambiance est plutôt à l’aventure et non à l’enquête policière : je n’ai pas repéré d’indices et je ne pense pas qu’il soit possible de deviner la solution de l’intrigue. Mais les personnages vont de danger en danger, et j’étais tenue en haleine.
Après avoir vu Good Omens, c’était cool de lire une relation ange-démon très différente. Ici, le démon est rigoureux, respectueux des règles et de la logique, tandis que l’ange s’amuse à travailler pour des gangs, couche à droite à gauche, et ne suit que son instinct.
Le tome 2 de Candombe Tango se déroule dix ans plus tard, dans les années 80 je dirais, lorsque Rafael et Sebastián sont de nouveaux envoyés en mission sur Terre. En effet, le vampire Lucio a décidé de jouer le premier rôle d’un film, et son clan de vampire est déterminé à l’éliminer avant. Lucio étant un ancien amant de Rafael – et aussi de Sebastián, par voie de conséquence – ils sont envoyés avec Navidad pour servir de gardes du corps.
L’écriture de Les Vampires de Los Angeles est plus fluide, ce qui en a fait une lecture agréable malgré un scénario moins consistant. Et qui, surtout, est bien ralenti par les scènes de sexe ! J’en avais déjà sauté deux dans le tome 1, et là il y en avait quatre. Certes, elles servent à développer les personnages, mais je m’ennuyais…
Et justement, le développement des personnages est le point fort de ce roman. Dans le tome 1, leurs relations étaient hautement dysfonctionnelles : Rafael et Sebastián s’aiment toujours mais communiquent peu, et ne peuvent ainsi pas dépasser la cause de leur rupture initiale. Navidad couche avec Rafael puis Sebastián… Je comprenais bien les sentiments des personnages, mais je me demandais si quelqu’un qui n’y connait rien au polyamour verrait les choses de la même façon que moi… Rafael est polyA, et aime intensément beaucoup de personnes : Sebastián, Navidad, Lucio dans le tome 2… mais chacun est convaincu que Rafael n’aime pas pour de vrai – puisqu’il n’est pas possessif − et il se retrouve mis sur la touche. Bien qu’étant attiré à la fois par Rafael et Navidad, Sebastián ne peut pas envisager qu’on puisse aimer plus d’une personne et a beaucoup souffert de ce qu’il voit comme de la négligence de la part de Rafael.
Bref, c’est assez douloureux. Une personne qui ne souhaite pas être en relation polyA n’a pas à se forcer, mais demander à une personne polyA d’être exclusive alors qu’on ne contrôle pas ses attirances, c’est limite aussi. Et comme les personnages n’en discutent pas, le ressentiment s’accumule.
C’est abordé dans le tome 2 : Navidad reconnait que Sebastián et lui expriment leur affection par des actes et non des mots, ce qui est parfois un obstacle à la compréhension. Rafael cesse de se voiler la face et Sebastián comprend un peu mieux sa position d’éternel rejeté, toujours à donner sans jamais recevoir. C’était vraiment chouette de voir étalée là toute la complexité du polyamour. Il y a aussi un trouple dans les personnages secondaires.
Dommage que le mot ne soit pas donné, ça aurait permis aux lecteurices de se renseigner ! D’ailleurs, le terme « demisexuel » n’est pas employé par Sebastián mais je suis à peu près sûre qu’il l’est. Le fait que l’auteur ait des personnages officiellement demi dans d’autres œuvres m’encourage dans cette interprétation !
J’ai finalement préféré le tome 2, qui approfondit les personnages qu’on aime déjà. Ce n’est pas le scénario qui me donnait envie de m’investir, mais toutes ces relations parfois déchirantes, parfois réconfortantes.
J’ai découvert qu’il y avait un tome 3 juste après avoir lu le 2, mais j’ai mis du temps avant de me lancer – un an ou presque ! – alors bien sûr, j’avais oublié la plupart des finesses scénaristiques. Je me souvenais néanmoins des personnages et de leur situation, et j’espérais que les sentiments de Rafael seraient enfin reconnus à leur juste valeur.
Surtout qu’entretemps, j’avais acquis une meilleure compréhension de mes propres sentiments polyamoureux, ainsi que de bonnes pratiques de communication pour que tout le monde se sente bien. Savoir que Sebastiàn et Navidad mettaient Rafael de côté car « il ne les aime pas assez s’il aime plusieurs personnes en même temps » alors qu’eux-mêmes ont plusieurs crush était d’autant plus douloureux.
En ouvrant le tome, j’ai toutefois constaté qu’il était très court, trop court pour tout régler. Surtout que ce grand final amène de nombreux autres personnages – entre autre un personnage de Chaman qui utilise le pronom iel, avec des guillemets autour dans le prologue pour une raison mystérieuse et vexante.
Le scénario est plutôt confus – peut-être à cause de ma mémoire trouble – la frontière entre vivants et morts est bloquée et les personnages enquêtent. Le cœur du problème est lié à la colonisation, ce que j’ai trouvé bien, et bien mis en scène. De plus, ce tome parle davantage de militantisme, et de la position de Dad en tant que policier – il démissionne – ce que j’ai trouvé cool.
En revanche, niveau polyamour, on n’a pas le temps de voir les personnages changer. Toutes les difficultés qu’ils avaient sont balayées en une conversation. Et oui, ça peut être aussi simple que ça, mais j’aurais aimé voir l’évolution qui les mène à ce dialogue. Comment Sébastiàn passe-t-il de « je ne supporte pas l’idée de partager Navidad » à « proposons à Rafael de rejoindre notre relation » en l’espace de quelques heures/pages ? Mystère… un peu frustrant.
Les Rivages du Styx a répondu à toutes mes attentes, mais trop vite, d’une manière trop précipitée. Dans l’ensemble, c’est une série pleine de potentiel, avec un univers original, une aventure sympathique, des personnages attachants et complexe… mais l’écriture comme les développements scénaristiques sont un peu maladroits. Dommage, même si Candombe Tango reste une bonne série.
Avertissements : violence générale, mort et deuil, scènes de sexe
Une réflexion sur « Trilogie Candombe Tango de Théodore Koshka »