Quadralogie Yasmina de Wauter Mannaert

personne en blouse blanche avec louche lisant Yasmina et les Mangeurs de Patates de Wauter Mannaert devant une statue de taureau

J’ai vu cette bande-dessinée au titre amusant dans les rayonnages de ma bibliothèque, mais je n’avais plus de place sur ma carte d’emprunt : je ne l’ai donc pas prise, mais je me suis renseignée sur Yasmina et les Mangeurs de Patates en rentrant pour voir s’il me motivait. Une aventure écologique et alimentaire avec une héroïne dont la mère est musulmane ? Ça avait l’air très intéressant, et je l’ai empruntée à mon prochain passage.

Yasmina et les Mangeurs de Patates est excellente à tous les points de vue. Dès le début, j’ai adoré son style : sur une double page sans paroles, on voit le père de Yasmina rentrer de son travail de vendeur de frites et monter l’escalier jusqu’à son minuscule appartement sous le toit. L’odeur de son uniforme se répand, donnant à chaque habitant·e une envie de frites. C’est drôle et bien pensé !

Yasmina adore la cuisine, et prépare avec amour des plats pour son père avec des légumes qu’elle reçoit de ses amis jardiniers, ou qu’elle chipe dans le jardin d’une étrange scientifique. Mais leurs finances sont très fragiles, et elle a de moins en moins de quoi remplir son assiette. Le père hésite : le fast-food, c’est si bon marché…

Un entrepreneur commence alors à planter d’immenses champs de patates à la place des potagers, et ces étranges patates semblent rendre tout le monde accro… tout en altérant leur comportement ! Yasmina et ses amis pourront-ils arrêter cette entreprise ?

À travers une aventure hilarante, on découvre de réels enjeux, comme la précarité alimentaire, la pollution de l’industrie ; et l’histoire, tout en encourageant à manger frais et local, souligne à quel point c’est compliqué.

J’ai adoré les deux jardiniers et leurs disputes : l’un ne jure que par les pesticides, l’autre par le respect de la nature. Ils sont caricaturaux et si drôles !

J’ai découvert après ma lecture qu’il existait une suite en trois tomes ! Je regrette que leur format soit très différent – que fait la maison d’édition, sérieux – mais c’était l’occasion d’approfondir un peu les sujets abordés dans Yasmina et les Mangeurs de Patates.

tranches des BDs Yasmina de tailles très différentes

Dans le tome introductif, on voyait que Yasmina souhaitait organiser des cours de jardinage et de cuisine dans son école. Le tome 1 qui suit est principalement consacré à sa pétition en ce sens : comment rassembler des signatures alors que personne n’est intéressé ? En parallèle, le père perd son emploi et tente de vendre de la nourriture diététique… sauf que tout le monde préfère le poulet industriel !

Ce tome mettait en valeur l’importance du marketing : c’est bien d’avoir des idées, mais il faut savoir attirer l’attention des gens ! La suite approfondira cet aspect : il faut employer des arguments qui parlent au public cible, plutôt que des arguments qui nous parlent à nous. Parler de sauver les insectes ne déplace pas les foules, mais si on met en avant un animal plus apprécié… on peut obtenir le soutien nécessaire pour sauver les deux !
Yasmina gagne en profondeur, elle est assez râleuse, en fait, et puriste dans ses idées : elle déteste qu’on la suive pour des raisons différentes des siennes.

personne en blouse blanche lisant Yasmina tome 2 de Wauter Mannaert devant un jardin partagé

Le tome 2 se consacre à la mise en place des cours… je pense que certain·es profs dans mon entourage y reconnaitront leur galère quotidienne, à essayer d’éveiller l’intérêt d’élèves apathiques. J’ai trouvé Yasmina un peu agaçante dans son intransigeance. Évidemment, cuisiner pour une cantine, ce n’est pas du tout la même chose que cuisiner pour son père ! Évidemment que la cuisinière a un budget, et qu’elle achète des ingrédients surgelés en masse. J’aurais aimé un peu plus de nuances dans la résolution du conflit, mais ça restait très fun et intéressant.

Le troisième tome apportait cette nuance, puisqu’on y voit Yasmina se montrer un peu méprisante envers son amie dont la mère étudie la biodiversité en ville : pour Yasmina, il n’y a que la nature qui vaille ! Mais elle va découvrir à nos côtés qu’il y a beaucoup de vie en ville, et que c’est important de la préserver.

Ce tome présente aussi la tentation d’une solution facile et scientifique. C’est un réel courant de pensée écologiste, de penser que la science va tout résoudre pour nous ! Yasmina Tome 3 montre que chaque solution a des aspects négatifs, et il ne faut pas viser trop, trop vite… mais il présente aussi des options de lutte réelle. J’ai beaucoup aimé retrouver dans ce livre l’utilisation des bombes de graines !

J’ai fait lire cette série à mon frère, et c’était un vrai plaisir de l’entendre rire si souvent. Yasmina n’est pas du tout une bande-dessinée sérieuse, elle est loufoque, caricaturale, hilarante. Et ça ne l’empêche pas d’aborder avec justesse et nuance des sujets très importants. Un équilibre réussi pour une bande-dessinée que je trouve absolument géniale. Et il y a des recettes à la fin !

Avertissements : vomissement

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *