Glamorous – Série Netflix

affiche de Glamorous avec Marco et Madolyn

C’est bon, Netflix a repéré que j’étais queer : après m’avoir suggéré The Ultimatum en début de mois, la semaine dernière, c’était Glamorous qui s’étalait sur la page d’accueil. La bande-annonce montrait Marco rencontrant son idole : Madolyn, directrice d’une marque de maquillage, qui décide de l’embaucher. Marco est un cliché de fabulosité queer : stéréotype dégradant ou célébration d’une personne embrassant sa queerness sans honte ? Je me suis un peu renseignée et j’ai découvert que l’actrice était Miss Benny, femme trans 1 racisée que je connaissais pour ses chansons ! Ça m’a encouragée à me lancer dans la série, et je ne l’ai pas regretté.

Boîte queer et vacances dans un lieu iconique pour les riches gay : Glamorous nous montre divers « stéréotypes » bien trop vrais

Il y a plein de personnages queer, et c’est pour ça qu’au lieu d’être un stéréotype gay, Glamorous est davantage une célébration de notre communauté. Il y avait plein de passages qui me faisaient sourire parce que je reconnaissais mon entourage dans le « cliché ».

Britt: We broke up a while ago.
Ben: You hang out four times a week.
Britt: That’s normal lesbian behavior.

Marco est notre point d’entrée dans l’entreprise de maquillage Glamorous, mais le temps d’écran est équitablement réparti entre quatre personnages principaux. D’une part Marco, bien sûr, dont on voit le parcours de jeune adulte essayant de devenir indépendante. Elle a un crush sur le « finance bro » qu’elle a croisé par hasard, et il est plutôt doué pour la ramener sur terre et la forcer à être honnête… mais il a beaucoup de mal avec le fait qu’elle soit efféminée. Le triangle amoureux avec Ben, employé de Glamorous, ne m’a pas vraiment captivée : Ben est adorable mais barbant, le bro est un mec riche qui fait de la finance – dois-je dire autre chose ?

Passons donc au problème majeur de cette série : Madolyn. C’est une personne infecte d’un bout à l’autre, en particulier en tant que directrice. Glamorous est au bord de la faillite, il est donc temps de prendre des décisions pour… sauver le boulot de ses employé·es ? Que nenni, Madolyn n’en a rien à faire : tout ce qui compte, c’est son héritage. Est-ce donc une méchante ? D’après cette série, non : au même titre que tout humain, elle est montrée comme « complexe ». Oui, elle ne fait rien pour sauver sa boîte. Oui, quand ses employé·es trouvent une idée et que tout ce qu’elle a à faire, c’est venir, elle les laisse tomber. Oui, elle rejette leurs plans et les pousse au burn-out. Oui, quand son assistante lui demande de signer un contrat pour sauver la boîte, elle l’accuse de ne penser qu’à son avenir, alors que ce qui est en jeu, c’est l’héritage de Madolyn, autrement plus important. Mais bon, ce sont des défauts humains, regardez, elle se sent seule, elle est amoureuse, faut la comprendre. Ça reste une personne appréciable au même titre que les aut… minute. Non ? Juste… non ? Pourquoi cette série essaie de me présenter cette femme odieuse comme un personnage nuancé à pardonner ? Pourquoi… pourquoi cette série lui donne raison à plusieurs reprises ?

C’est encore plus remarquable dans son opposition à Venetia, son assistante, un personnage que j’ai adoré. Elle a travaillé pendant trois ans pour Madolyn, c’est une meuf noire, bi, et pas riche, elle n’a aucun moyen de retomber sur ses pieds si Glamorous fait faillite. Et la série va constamment diaboliser son envie de se créer un filet de secours. Lorsqu’elle prévoit d’assister à un entretien d’embauche pour une autre boite, sa copine l’accuse de manque de loyauté. Lorsqu’elle demande à Madolyn de mettre sa déception amoureuse de côté et de sauver la boîte, la série montrera que Venetia avait tort. Venetia n’est pas montrée comme méchante, elle est montrée comme un personnage attachant et complexe qui fait des erreurs pour se protéger. Ce qui m’embête dans le fait que la série la présente comme ça, c’est que… c’est pas des « erreurs », ce qu’elle fait ? Aller à un entretien d’embauche, ce n’est pas un acte de trahison ?

J’ai adoré Chad, le fils de Madolyn. J’ai un peu honte, j’avoue. C’est un mec blanc et riche qui est directeur des ventes parce que sa mère l’a placé là. Il est gay, mais pas « trop gay, pas comme Marco » − ses mots, pas les miens. Sa solution pour régler la faillite de la boîte ? Lancer Glamcoin, un bitcoin glamour. Mais c’est un personnage complexe, vous voyez, sa vie de mec riche est si difficile, parce que c’est dur d’être à la hauteur des standards de sa mère. Le pauvre, il passe son temps devant des papers boards à proposer le Glamcoin !

Là où Netflix a échoué avec Madolyn, ça a fonctionné pour Chad : il est génial. Ses privilèges comme son attitude corporate sont dénoncés. Même quand il se plaint des attentes de sa mère, il est ridicule – sérieusement, quand toute la boîte fait mille heures sup pour réussir, son utilité c’est : une course épique pour réparer le routeur en le débranchant puis le rebranchant… eh oui, c’est à ça que servent les mecs cis. Et pourtant, c’est un personnage attachant. J’ai pu l’apprécier, passer de très bons moments lorsqu’il était à l’écran, sans avoir l’impression que son existence faisait l’apologie d’idéaux qui me rebutaient. Cerise sur le gâteau : son amitié avec Venetia. Les deux commencent par se détester – après tout, moi aussi je l’ai détesté pendant les premiers épisodes – mais se rapprochent au fur et à mesure. Plusieurs fois, je me disais que si ça avait été une série hétéro, le scénario les aurait mis en couple, tellement c’était codé pour. Mais non ! C’est génial.

J’ai également beaucoup aimé la mère de Marco, Britt, la designer terre à terre, Bizmal, personne non-binaire fabuleuse que les personnages croisent souvent.

Chad de Glamorous torse nu et suant après avoir fait de la muscu

Marco, Chad (oui, il est au travail sur cette image), et une photo de Ben, Marco, Venetia et Britt

Montrer Madolyn comme un personnage attachant est d’autant plus dommage que par ailleurs, la série fait des efforts pour dénoncer le corporatisme queer. Une des idées pour se tirer de la faillite est de faire une campagne de marketing spécial Pride : n’oublions pas le slogan de toute boite qui se respecte « empêcher la discrimination, on dit non ; se faire de l’argent sur le dos des gays, on dit ouais ! » (au cas où une boîte passe par là, je veux toucher des droits d’auteur sur ce slogan !)

La série montre bien à quel point cette attitude est creuse, et j’ai beaucoup apprécié de voir les personnages se moquer de cet aspect-là, ou d’autres se retrouver bêtes face à la question « et du coup, c’est quoi votre message ? ». Dommage que ça se fasse en parallèle d’un moment épique où on nous montre que travailler à fond, faire des heures sup’ non payées et finir au bord de l’effondrement, c’est la bonne attitude à avoir en tant qu’employé, pendant que la directrice soupire sur son canapé – sérieux, ce passage est juste montré comme héroïque, zéro regard critique…

Glamorous est une série qui brille par ses personnages, mais dont le scénario tombe un peu à plat, en particulier en ce qui concerne la réflexion sur l’ « esprit d’entreprise ». Mine de rien, je l’ai quand même regardée jusqu’au bout alors que je suis surtout fan d’histoires avec de la magie ! Notamment parce que l’ambiance et l’humour intra-communautaires m’ont parlé.

Radar à Diversité : pp femme trans racisée, pp homme gay, pp noire et bi, love interest noire et lesbienne, love interest gay racisé, ps non-binaire racisé·e, love interest gay, groupe d’amis gays, groupe de drag queens

Avertissements : ambiance de travail toxique, relation toxique, capitalisme

 


1 Je vais utiliser les mêmes pronoms et accords pour Miss Benny et Marco, car comme elle l’a expliqué, elle a influencé l’histoire de Marco pour qu’elle reflète la sienne. Marco était censé être un homme gay, et, à la place, on la voit transitionner alors que Miss Benny transitionnait aussi. Comme le précise l’actrice, ce n’est ni un plot twist, ni un point de scénario, c’est juste là visuellement.

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