Ne m’oublie Pas d’Alix Garin et Soixante Printemps en Hiver d’Ingrid Chabbert & de Jongh : Bandes-Dessinées avec des Femmes âgées

C’est déjà difficile de trouver des livres avec des personnages principaux âgés. C’est à croire que les gens pensent que passé un cap, plus rien d’intéressant peut se passer dans nos vies ! Et si en plus, on cherche des livres qui évoquent l’homosexualité… bonjour la galère ! Je pense d’ailleurs qu’il n’y a pas que la double marginalisation qui joue, mais aussi le cliché comme quoi l’homosexualité serait récente et ne serait qu’une phase – et dans ce cas, il n’y aurait pas de personnes âgées gay – et la pensée générale qui veut que les personnes âgées n’éprouvent plus aucun désir sexuel. C’est donc un plaisir de découvrir quelques œuvres qui abordent ce thème-là, et je vais vous parler ici de deux bandes-dessinées : Soixante Printemps en Hiver d’Ingrid Chabbert & de Jongh ainsi que Ne m’oublie Pas d’Alix Garin.

personne en combi en jean lisant Soixante Printemps en Hiver d’Ingrid Chabbert & de Jongh devant un moulin à eau
Soixante Printemps en Hiver d’Ingrid Chabbert & de Jongh

La bande-dessinée Soixante Printemps en Hiver a été proposée à mon club de lecture, et après avoir découvert quelques pages d’extraits en ligne, je l’ai achetée pour la lire. J’avais déjà lu deux bandes-dessinées d’Ingrid Chabbert – Ecumes et Elma – qui étaient assez tristes et dramatiques, donc je n’étais pas étonnée que l’ambiance de Soixante Printemps en Hiver soit peu à la fête.

On y suit Josy, qui, le jour de son soixantième anniversaire, quitte sa famille pour vivre seule dans un van. Elle se lie d’amitié avec la jeune femme et son enfant qui logent dans le camion près du sien, et découvre le groupe des « Vilaines Libérées » : un rassemblement de vieilles dames qui ont quitté leur famille et se réjouissent ensemble. Ce soutien mutuel est très bénéfique à Josy face aux reproches culpabilisants de ses enfants, qui attendent qu’elle rentre dans le rang, ne comprenant pas du tout qu’elle veuille vivre sa vie.

Un/ de mes chéri·e·s platoniques avait lu Soixante Printemps en Hiver en pensant que l’auteur était un mec cis het blanc souhaitant explorer un « sujet de société », et le plot twist de cette BD l’a alors vraiment contrarié/. Bien sûr, ça change de savoir de quel point de vue est écrite la bande-dessinée – si l’autrice est concernée, on comprend mieux qu’elle aborde certaines choses – mais une histoire devrait aussi être un minimum appréciable quelle que soit la personne qui l’écrit. L’œuvre est peut-être inspirée de faits réels, mais je pense qu’il y a moyen de mieux présenter : un plot twist peut être choquant sans être ressenti comme une attaque cruelle.

couverture de Soixante Printemps en Hiver d’Ingrid Chabbert et de Jongh

Les membres du club de lecture se sont enthousasmé·es de voir des corps âgés mis au premier plan, et nous avons beaucoup apprécié que Soixante Printemps en Hiver rappelle que la vie n’est pas finie à soixante ans, qu’on a le droit de changer, de s’amuser, de tester de nouvelles choses… Josy tombe amoureuse d’une des Vilaines Libérées, et c’est très agréable à lire !

A côté de cette romance, j’ai beaucoup aimé les relations présentes dans Soixante Printemps en Hiver : elles font très vrai. Même celles qui étaient désagréables, comme avec la famille de Josy, me touchaient beaucoup. Et c’était si touchant de voir Josy se construire une famille choisie avec sa voisine et son enfant…

Le consensus au club de lecture était qu’on manquait de récit avec des personnes LGBT+ âgées, et il y a eu tout un tour de parole consacré à des recommandations, comme par exemple la BD Au coin d’une ride ou le film Deux. C’est ainsi que j’ai continué mes explorations avec la bande-dessinée Ne M’oublie Pas d’Alix Garin.

personne en chemise jaune lisant Ne m’oublie Pas d’Alix Garin devant un métro aérien
Ne m’oublie Pas d’Alix Garin

J’avais un biais : un* de mes chéri·es platoniques l’avait lue la veille et, sans me spoiler, m’avait dit l’avoir trouvée banale, que c’était un sujet classique dont la seule « originalité » était qu’il y avait un personnage saphique – ce qu’ul considérait comme important. Après tout, on a droit, nous aussi, aux mêmes histoires que les hétéros.

Du coup, à ma lecture, je me questionnais sur l’originalité de l’œuvre, alors que c’est une question que je me pose peu spontanément – voir pas du tout. Oui, il m’est arrivé d’avoir l’impression de lire pour une énième fois la même chose, mais si c’est un thème que j’aime bien, la répétition ne me dérange pas !

Dans Ne M’oublie pas, on suit Clémence, dont la grand-mère perd la mémoire et dépérit en maison de retraite. Elle a fait plusieurs fugues pour rejoindre la maison de son enfance, et est si malheureuse que Clémence décide finalement de l’y emmener en road trip.

J’ai trouvé le sujet touchant et bien traité. Il met en valeur l’importance du consentement – enfermer quelqu’un contre son gré n’est pas extraordinaire, et la grand-mère est bien plus heureuse sur la route – sans pour autant présenter le respect comme une solution miracle. Ce n’est pas parce que Clémence choisit d’écouter sa grand-mère que tout se passe bien : sa grand-mère ne la reconnait pas et croit être kidnappée ; un soir, elle disparaît de leur chambre d’hôtel ; elles se retrouvent sans argent et dans une bagarre…

Finalement, le message, ce n’est pas « si vous respectez les envies de votre grand-mère, ça ira mieux », mais plutôt « si vous respectez les envies de votre grand-mère, ça sera épuisant pour vous mais elle sera plus heureuse ».

J’ai trouvé la fin pertinente, et en accord avec mon avis sur les questions de vie et de mort – beaucoup de personnes semblent penser que l’important c’est de survivre, peu importe les conditions… Cependant, l’aspect quasi-onirique de ces quelques pages était un peu perturbant. Les évènements sont improbables, au point que je me demandais s’ils n’étaient pas métaphoriques. Reste à comprendre la métaphore !

couverture de Ne m’oublie Pas d’Alix Garin

C’est assez important qu’il y ait des histoires intergénérationnelles avec des personnes queer, que ce soit du côté des grands-parents, ou, comme ici, des petits-enfants. Les gens semblent partir du principe que les personnes âgées sont forcément hétéros et réactionnaires, et ne pourraient pas apprécier leur petite-fille lesbienne. Pourtant, c’est loin d’être le cas ! Il y a certes beaucoup de queer en rupture familiale, mais pas toujours vis-à-vis des grands-parents… celleux-là se retrouveront confronté·es aux enjeux de Ne M’oublie Pas.

J’aime toujours beaucoup les histoires avec des personnages principaux âgés. Le rythme est différent, leurs préoccupations me parlent… J’ai adoré Malgré tout et Un Océan d’Amour, Les Temps Retrouvés ou BL Métamorphoses, et à vrai dire je ne me souviens d’aucune œuvre avec un·e héro·ïne âgé·e que je n’aurais pas aimée. Il faut vraiment que je cherche à en lire davantage !

Radar à diversité Soixante Printemps en Hiver : pp saphique et âgée, couple f/f, #ownvoice

Avertissements : sexisme, âgisme, relations familiales toxiques, accident de voiture, mort, deuil

Radar à diversité Ne m’oublie pas : pp lesbienne, psi âgée

Avertissements : alzheimer, bagarre, interrogatoire policier, accident de voiture, mort

 

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