Evidemment, j’ai mis du temps à commencer ce roman : il est écrit par quelqu’un que j’apprécie, et j’ai toujours peur de ne pas aimer, et de ne plus pouvoir parler à l’autrice sans être gênée. Mais d’un autre côté, comme j’aime lire ses articles, j’avais vraiment envie de découvrir son roman, Nocturne.
Le début est assez abrupt : on suit alternativement le point de vue de Léara, une démone inférieure travaillant dans un bar, et Michael, un ange de la milice qui a pour rôle d’arrêter les démons trafiquant de la drogue. Il attaque Léara par erreur et, en se défendant, elle lui arrache une aile. Ça conduit à l’escalade de la violence entre anges et démons, tandis que Michael, qui n’a jamais ressenti d’attirance sexuelle, se rend compte que Léara lui plait. Après avoir récupéré son aile, il entame une relation avec elle.
Tout ça est assez improbable et s’enchaine très vite, heureusement, l’écriture ralentit au fil de l’histoire et on ressent mieux les émotions des personnages. Malgré tout, je ne me suis pas particulièrement attachée à Michael et Léara : ce que j’ai adoré, c’est l’histoire.
Sous une surface de romance mêlée d’une enquête policière et d’une rébellion – une surface ma foi fort sympathique, et qui aurait suffi à en faire un bon roman – on a de nombreux appels à la réflexion. Parfois, juste un paragraphe me faisait cogiter pour le reste de mon après-midi.
Le parallèle milice/police et démons/personnes racisées est assez évident, d’autant que Michael le fait lui-même lorsqu’il collabore avec la police humaine suite à un meurtre. Michael culpabilise d’avoir attaqué une civile, mais quand il s’étonne de ne subir aucune conséquence pour son erreur de jugement, on lui dit qu’il a bien fait : après tout, si elle l’a blessé à l’aile en se défendant, c’est bien qu’elle était dangereuse ! Plus tard, Michael entend parler d’anges attaquant des démons parce qu’ils confondent un portable avec une arme, et Léara dénonce le fait qu’au lieu de s’occuper des démons d’élites riches et puissants, les anges ne se préoccupent que des dealers qui n’ont pas eu d’autre choix que d’avoir ce métier. Au fil de sa relation avec Léara, Michael questionne de plus en plus les actions de la milice, la haine qu’on instille en eux, les bavures encouragées car jamais punies. Et plus il se pose de questions, plus il est mis à l’écart : changer les choses de l’intérieur, ce n’est pas possible, soit on s’adapte, soit on est broyé.
Mais au-delà de cette métaphore plutôt évidente, il y a divers autres messages disséminés à travers l’intrigue. L’ex de Léara, « gentil », mais qui pour chaque service, attend implicitement quelque chose en retour. Le groupe de rebelle dont les méthodes sont questionnables, le sexisme qui continue même quand on parle de lutte des classes. Les intentions anarchistes de Léara qui ne trouvent pas écho partout. Le mariage en tant que stratégie de survie pour les femmes. Il y a plein de petites remarques qui me faisaient réagir, ravie de voir que ce roman prenait une direction que j’approuvais, soulignait, sous couvert d’une aventure de fantasy, des comportements à dénoncer. C’était très satisfaisant !
Même si cette saison 1 de Nocturne se suffit à elle-même , j’ai donc très envie d’une suite qui creuserait encore plus ce que j’ai aimé dans cette intrigue. Malheureusement, je ne sais pas où en est le tome suivant…
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Avertissements : violences policières, sexisme, discrimination