J’avais repéré Rosewood Chronicles : Princesse Incognito de Connie Glynn car c’était un des rares livres classés « représentation ace » sur Planète Diversité que je n’avais pas lus. Hélas, ça avait l’air d’être de la fantasy, et je me méfie des livres de fantasy ace, car la représentation a tendance à se limiter à une phrase un peu creuse, comme si tout un vécu pouvait se résumer à ça.
Mais début janvier, je cherchais des lectures faciles et réconfortantes, et Princesse Incognito étant un roman jeunesse, je me suis lancée. On y suit Lottie Pumpkin, une jeune fille de 14 ans qui vient d’être acceptée dans l’école d’élite de Rosewood grâce à une bourse. Elle a toujours adoré les princesses et se réjouit d’étudier dans ce lieu de conte de fées.
J’étais un peu mal à l’aise, parce que les école d’élite, c’est nul, et les gens de l’élite, c’est nul, alors suivre un personnage qui les idéalise… très peu pour moi. Ceci dit, Lottie est vraiment adorable, pleine de bienveillance et de bonnes intentions, mais aussi très déterminée et courageuse.
A son arrivée, elle rencontre une fille par laquelle elle est irrésistiblement attirée, et comme c’est sa colocataire, elles se rapprochent. Il s’agit en réalité de la Princesse Eleanor de Maradova, venue étudier sous une fausse identité. Suite à un malentendu, Lottie accepte de se faire passer pour elle : Ellie déteste ses obligations de princesse et veut y échapper le plus longtemps possible. Toutes deux nouent une « amitié très intense » et le garde du corps d’Ellie, Jamie, se joint à leur groupe. Les trois enfants essaient de comprendre qui envoie des lettres de menaces à Lottie…
Princesse Incognito se lit très facilement, et je l’ai dévoré. Passé mon malaise initial, j’ai beaucoup aimé le côté enchanteur de Rosewood. L’histoire se passe dans notre monde moderne, mais on a vraiment l’impression d’être dans un conte de fées, avec des passages secrets, des énigmes, des comptines au sens caché, des chats qui guident Lottie vers un ami blessé…
Dans les tomes suivants, l’intrigue s’intensifie autour des Léviathans, organisation mystérieuse souhaitant s’en prendre à Ellie et Jamie. Malheureusement, alors que le tome 1 était consacré au rapprochement des personnages, du drama relationnel s’installe au cours des tomes suivants.
En soi, les tensions sont compréhensibles et réalistes. Entre les tomes 1 et 3, deux ans s’écoulent, et les personnages sont confrontés à une situation très changeante. Ellie culpabilise que ses ami·es risquent sa vie pour elle, ce qui la pousse à prendre ses distances. Ce que, bien sûr, Lottie comme Jamie vivent mal. Jamie a été poussé dès sa naissance à devenir garde du corps, et les critiques d’Ellie sur son exploitation le blessent, car c’est le sens de sa vie. Et lorsqu’il comprend que les deux filles sont amoureuses, il se sent mis à l’écart.
N’empêche que le drama sentimental était stressant à lire ! Je pense qu’en temps normal, ce suspense m’aurait donné envie de lire la suite, mais comme je le disais en introduction, j’étais dans une phase où tout suspense me donnait plutôt envie d’arrêter. A la fin du tome 3, assez consternée par les mauvais choix des personnages, j’ai lu la fin des tomes 4 & 5 pour me rassurer… et certes, j’ai vu que ça se terminait bien, mais aussi qu’il y aurait plein de péripéties et revirements d’ici cette fin heureuse, et arg !!! Je suis beaucoup trop anxieuse pour lire ça, moi !
Plus on avance, plus on se dirige vers une critique de la monarchie, ce qui m’a fait du bien après l’idéalisation initiale des princesses. Notre littérature continue de porter aux nues la royauté alors qu’on s’en est débarrassé depuis longtemps, alors les livres prenant une autre direction sont importants.
En tant que série, Rosewood Chronicles nous offre une représentation saphique rare : la relation romantique entre Ellie et Lottie se forme très très lentement, sur l’intégralité des cinq tomes qui s’étendent sur cinq ou six ans. J’adore voir un long développement de relation, mais quand il s’agit de romance queer, je crois que les histoires se sont trop souvent fichues de nous. On a lu plein de tomes de mecs qui se rapprochent, se rapprochent… et finissent par sortir avec une fille qui arrive au dernier moment. La déception fait mal, alors le plus sûr dans ces cas-là, c’est de ne pas s’investir, de ne pas espérer. Et du coup, la plupart des auteurs queer établissent dès le début qu’il y aura romance, et celle-ci avance rapidement.
Princesse Incognito donne initialement l’impression de tomber dans la catégorie « amitié ambigüe qui se fiche de nous ». A peu près tous les chapitres, Ellie et Lottie rougissent en se regardant, se caressent les cheveux, ont le cœur qui bat fort, mais… la narration ne nous dit pas qu’elles sont amoureuses, et nous invite au contraire à penser que Lottie est attirée par un garçon. Cependant, ça devient de plus en plus clair au fil des tomes, et en parallèle, tous les autres personnages – oui, tous − sont également queer !
Au passage, il faut que je râle contre la 4e de couverture du tome 3, qui révèle le plot twist final. Comme j’ai tendance à lire les fins, ça ne m’a pas trop dérangée, mais la plupart des gens détestent les spoilers, alors c’est vraiment nul qu’un résumé fasse ça ! Dans le sujet des mauvais choix éditoriaux, je trouve le titre du tome 3 assez lamentable – Princesses à Tokyo, ça ressemble à une mauvaise histoire bonus, alors que le titre anglais est Princess in Secret – mais le pire, c’est la couverture du tome 5. Jusqu’ici les couvertures anglaises étaient reprises, et l’unicité graphique est vraiment stylée – je trouve que les couvertures représentent tout à fait le côté « conte » de cette série. Mais pour le tome 5 français, l’édition a retiré le remplissage des silhouettes, rendant le tout assez terne. Je suis à peu près sûre que c’était parce que comme ça, on peut prendre Ellie pour un garçon et croire que la romance est hétéro, ce qui m’irrite au plus haut point.
J’ai beaucoup aimé Rosewood Chronicles, même si j’aurais préféré le lire à un moment où j’étais plus à l’aise avec le suspense. Les cinq tomes permettent de présenter une intrigue et des personnages complexes gagnant en maturité, ce qui fait évoluer les thèmes. Il y a beaucoup de suspense, d’action et de rebondissements, ainsi qu’une ambiance magique que j’ai adorée.
Radar à diversité : héroïne bi, héroïne saphique, couple f/f, perso principal pakistanais et bi en couple m/m, ps sourd en couple m/m, ps saphiques en couple f/f, ps racisée aro ace, ps gros aro ace, ps japonaise en couple f/f
Avertissements : décès d’un parent (passé), drogues, violence (armes à feu, sang, couteaux, blessure), chantage, kidnapping, amitié toxique, gaslighting