Témoignage Aromantisme et Asexualité

panneau avec drapeau asexuel sur le quel est écrit Je ne veux pas la bonne personne, mais la bonne société

Je
suis une écrivaine jusqu’au bout des ongles : c’est en me renseignant pour un
roman que j’ai découvert mon asexualité. Je connaissais déjà la définition,
mais je l’associais aux clichés, au dégoût envers les rapports sexuels.

Alors
que j’avais presque 22 ans, j’ai eu envie d’écrire un personnage ace – la fille
de la déesse de l’amour, pour prouver métaphoriquement qu’amour et sexe
n’avaient rien à voir – je me suis donc renseignée en lisant des témoignages sur l’asexualité.

Et
j’ai eu l’impression de lire mes pensées. Je ne m’étais jamais interrogée sur
mon asexualité : tout le monde était dégoûté par le sexe à voix haute – les
blagues sont qualifiées de “sales”, et, pour les femmes, coucher est honteux –
et à voix basse tout le monde en voulait. Ça n’avait aucun sens, alors j’ai
pensé que tout le monde, comme moi, était indifférent et faisait semblant. De
plus, je suis aegosexuelle : tant que les rapports sexuels restent fictifs,
je peux apprécier – par exemple dans les romans. Tout comme j’apprécie un
combat épique, sans avoir envie d’y prendre part pour de vrai.

Je
n’ai pas été surprise par mon asexualité : la découvrir, c’était surtout
découvrir que les autres étaient zedsexuel·les.

 

Ce
qui m’a le plus troublée : quelle était donc mon orientation romantique ?
Lorsque mon amitié avec une fille sortait de la définition classique de
l’amitié, pour « tester » si j’étais lesbienne ou bi, je me demandais
si j’avais envie de coucher avec elle. La réponse était non – et bien sûr, j’évitais
de me poser la question au sujet des garçons…

Mon
test volait en éclat avec cette découverte, et je me suis rendue compte que je
n’avais aucune idée de qui m’attirait. Tout le monde ? Personne ? Ma relation à
la romance avait toujours été complexe. J’ai écrit des romans où, lorsque l’héroïne
doit choisir entre l’amour de sa vie et sa meilleure amie, elle choisit cette
dernière, car je voulais prouver, par ce ressort scénaristique, que l’amitié
était bien plus importante que la romance. Beaucoup de livres m’agaçaient,
justement, lorsque les personnages faisaient l’autre choix. Je ne comprenais
pas comment on pouvait faire passer un amoureux avant ses ami·es.

Et
puis, la romance, je l’avais désirée : à 17 ans, je n’avais aucune
confiance en moi, je pensais que seul un copain pouvait me donner de la valeur.
J’ai éprouvé des sentiments qui s’approchaient des romances que je lisais.
J’étais obsédée par un garçon de ma classe, je recherchais sa présence, je
modifiais ma personnalité quand il était là afin de lui plaire. Lorsqu’il m’a
dit que mes sentiments n’étaient pas réciproques, j’étais triste : une
occasion manquée d’atteindre ce bonheur promis par les médias. Mais j’étais
aussi très soulagée. J’allais pouvoir être moi-même à nouveau !

Peu
à peu, j’ai changé, j’ai reconnu mon propre mérite, mais je désirais quand même
cette romance, seule source de bonheur d’après tous les romans que je lisais. Car
je voulais être heureuse !

A
20 ans, je m’étais rendue compte que j’étais déjà heureuse, et j’ai défini la
romance comme « un bonus sympa mais pas nécessaire ». Parfois, quand
toustes mes ami·es rêvaient romance, je me surprenais à les imiter, mais je
voyais bien que mes sentiments venaient uniquement de la pression sociale et
disparaissaient si personne n’était au courant. Un désir mimétique, qui nous
pousse à vouloir ce que les autres veulent, sur lequel s’appuient les pubs et
les effets de mode. Et il y a de la pub pour la romance à chaque seconde de
notre vie !

Dans
tout ce fatras, à la lumière de mon asexualité et de l’existence de
l’aromantisme, j’étais totalement perdue… Mais je discutais de plus en plus
avec des personnes aromantiques, et leurs paroles remportaient toujours mon
adhésion totale… sans que je ne me sente autorisée à me dire aro puisque j’avais
été amoureuse.

J’ai
réfléchi à la fluidité, au greyromantisme, au quoiromantisme, parce que
franchement, comment savoir ce qu’est la romance ? Je ne suis pas dans la tête
des zedromantiques, je ne peux pas comparer !

Puis
on m’a prêté Les Sentiments du Prince
Charles
, une BD qui  ne parle pas
d’aromantisme, mais présente la romance hétéro comme une construction sociale.
Ce que j’appelais le désir mimétique était décortiqué. Je me reconnaissais dans
les descriptions. Oui, j’ai éprouvé des sentiments romantiques, mais ce n’était
pas agréable, c’était pour m’intégrer, pour atteindre le bonheur promis. Ils
n’avaient pas à me définir.

Je
me suis sentie autorisée à me dire aro, ou arospec (sur le spectre aro). Quand
je doute, je lis les témoignages aromantiques de mauvais genre-s et je m’y reconnais.

 

Et
je suis tellement heureuse d’être aro ! Je me sens libérée d’un poids que je ne
remarquais plus, à force, celui de devoir me mettre en couple romantique si je
voulais être heureuse. Alors que je le suis déjà. Ce n’est pas parce que je
rejette la romance que je n’aime pas.

Outre
l’amitié, j’éprouve aussi ce que j’appelle de l’attirance affectueuse – je ne
suis pas très confortable avec les termes officiels
« quasi-platonique » ou « queer-platonique ». Certaines
personnes me donnent envie d’avoir une relation spéciale avec elles, mais qui
n’implique aucun droit de propriété : elles peuvent avoir autant de personnes
spéciales qu’elles veulent, elles n’ont pas l’obligation de me voir
régulièrement… rien de ce que la romance implique. Si c’est confortable, on
peut se faire des câlins, s’embrasser, se tenir la main, mais ce n’est pas
nécessaire. Il n’y a pas d’échelle de progression, si nous emménageons ensemble
mais, finalement, préférons vivre séparé·es, ce n’est pas un échec. C’est une
évolution.

 

J’adore
cette manière de relationner. Ni le sexe ni la romance ne me manquent, au
contraire, si je devais choisir, je serais aroace. J’ai des ami·es, j’ai ma
famille, j’ai des personnes qui me sont précieuses, et c’est juste parfait. J’espère que mon témoignage asexuel et aromantique vous aidera à trouver le même confort avec vous-mêmes.

 

4 réflexions sur « Témoignage Aromantisme et Asexualité »

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