Semaine à Lire – bilan décembre 2019

J’ai déjà participé à plusieurs Week-ends à 1000 – voici mes chroniques d’octobre et de novembre – et c’est un challenge que j’aime beaucoup. Durant la semaine de Noël avait lieu la semaine à lire, variante plus libre de ce challenge, où il s’agit simplement de lire.

J’étais très confiante au début, le vendredi, refusant de considérer qu’avec les fêtes de Noël et la présence de ma grand-mère, j’aurais sans doute peu de temps pour lire. J’ai mis sept romans sur ma pile à lire, des romans que j’avais achetés puis laissés chez mes parents. Il y avait pas mal de biographies dans cette pile : j’avais commencé à lire des (auto)biographies en février 2019, avec En nous Beaucoup d’Hommes Respirent de Marie-Aude Murail. Comme je m’y attendais, c’était « intéressant » : j’avais appris beaucoup, j’avais passé un moment agréable, mais je n’étais pas passionnée et j’avais mis du temps à la finir. Toutefois, je me suis dit que je pouvais étendre mes lectures à ce genre, et sur une brocante, j’ai acheté six ou sept (auto)biographies.

femme en costume beige lisant Manderley Forever de Tatiana de Rosnay devant une rivière et une forêt sauvages
Manderley Forever de Tatiana de Rosnay

J’ai commencé avec Une Soupe aux Herbes Sauvages, dont j’ai finalement décroché à cause du style qui ne m’attrayait pas du tout. Sans me décourager, j’ai enchaîné avec Manderley Forever de Tatiana de Rosney. La biographie d’une autrice, comme pour Marie-Aude Murail !

J’avais aimé le film Rebecca d’Alfred Hitchcock : le début était certes lent, il fallait s’accrocher, mais la tension montait, montait, et la fin était bien trouvée. C’est Daphné du Maurier qui a écrit le roman à l’origine de ce film – ainsi que celui qui a inspiré le culte Les Oiseaux – et j’étais curieuse de découvrir la vie de l’autrice.

Le style d’écriture n’a rien pour me plaire. C’est descriptif, on ne ressent jamais le point de vue de Daphné, ses émotions sont énoncées comme des faits. Je dis souvent que pour me plaire, une biographie ne doit pas perdre de son attrait quand on lui retire l’aspect « c’est réel ». Ici, ce n’est pas le cas : Si Daphné du Maurier n’avait pas existé, j’aurais trouvé cet ouvrage sans intérêt. Je n’étais pas prise par le récit, et pourtant… je m’asseyais régulièrement pour avancer, jour après jour, après le repas de fête, après la promenade en famille… Daphné est une personne fascinante, envoûtante, même.

Bien sûr, son processus d’écriture me parle : son inspiration, sa frénésie, son absence dans les conversations lorsqu’elle songe à un nouveau roman, ses recherches… son besoin d’écrire, aussi, mal compris par son entourage. Virginia Woolf explique que pour créer, une femme a besoin d’une chambre à soi et de 500 livres de rente, et que c’est la raison pour laquelle il y a si peu d’autrices : les femmes sont censées s’occuper de leur mari et de leurs enfants, elles n’ont ni le temps ni l’indépendance financière. Daphné a de l’argent, mais le temps ? Personne ne sourcille lorsque son mari part travailler à l’étranger pendant six ans, mais lorsqu’elle veut se prendre deux mois pour écrire – elle a déjà écrit plusieurs romans à succès, Rebecca s’est vendu à un million d’exemplaires – on la traite d’égoïste, on l’accuse d’abandonner ses enfants.

Daphné parait solitaire, elle néglige ses enfants, redoute le retour de son mari, qu’elle aime pourtant, se déclare amoureuse de sa maison, « Mena », qu’elle préfère aux personnes. D’un autre côté, elle entretien de longues amitiés, téléphone tous les jours à sa sœur… On entre peu dans ses pensées, elle reste distante, mystérieuse, garçonne peu sociable, joyeuse en surface mais qui rédige des nouvelles morbides, terrifiantes. Elle parait presque froide, mais lorsqu’elle s’éprend de Fernande ou d’Ellen, elle déborde de passion, elle en est malade lorsqu’elles sont séparées.

Les deux sœurs de Daphné sont également attirées par les femmes, cependant, contrairement à elle, elles l’assument : Jeanne vit avec la poétesse Noël Welsch, Angela met en scène des couples de femmes dans ses romans – je suis d’ailleurs curieuse de les lire.

Les écrits de Daphné sont personnels, mais elle s’identifie aux hommes dans ses récits. Elle a toujours voulu être un garçon, et elle a une part masculine qu’elle nomme Eric Avon. Elle ne s’identifie jamais comme lesbienne ou bi, a cette idée en horreur : pour elle, son attirance pour les femmes s’explique par sa masculinité. Au début, elle est déçue par ses filles, qui ne sont « que des filles », et adule son fils. Cet entrecroisement entre identité de genre et identité sexuelle, nourri par les biais homophobes et sexistes de la société, est rendu avec justesse.

Tout au long du récit écrit dans un style succinct, Daphné reste insaisissable et pourtant saisissante, fascinante et entourée de mystère. Sa personnalité fascine, les brefs résumés de ses œuvres font envie. Et même si elle a toujours voulu se détacher de Rebecca qui lui a accolé l’étiquette romantique et populaire dont elle ne voulait pas – elle qui écrivait des histoires si terrifiantes – c’est sans doute ce roman-là que je lirai en premier.

femme en costume rouge tenant un parapluie à papillons multicolores, un totebag arc-en-ciel, lisant Contes et Histoires Arc-en-ciel devant une haie
Contes et Histoires Arc-en-Ciel

J’avais découvert ce recueil lorsque je m’étais renseignée sur toutes les maisons d’édition de Rennes et que j’avais trouvé Goater, résolument féministe. Il a été réalisé en partenariat avec le CLGBT de Rennes – et je me suis d’ailleurs rendue compte que j’avais déjà rencontré une des personnes qui y écrit. Bref, je l’ai acheté en soutien.

Contes et Histoires Arc-en-Ciel rassemble des nouvelles, et, de façon générale, je n’aime pas les nouvelles. J’ai commencé vendredi soir et j’en ai lu une ou deux par jour, avançant lentement… comme d’habitude, ça m’a manqué de ne pas avoir le temps de m’attacher aux personnages. Certaines idées sont sympa, d’autres m’ont laissée perplexe, voir m’ont rebutée. Le recueil se lit bien, mais quand les personnages ne sont pas là pour m’enthousiasmer, j’attends une idée philosophique marquante, une chute originale, et dans la plupart des nouvelles, ça n’a pas été le cas.

L’univers de Soleil et Lune m’a plu, j’aurais aimé une histoire plus longue… Pareil pour Rétrolution, qui parle de voyages dans le temps. Embobinée propose une chute que j’ai eu du mal à apprécier car j’ai été perdue par la narration. Aydan, la plus courte, a la longueur parfaite et c’est celle qui porte le message le plus clair.

L’ambiance est généralement douce, sauf dans Si Perrault était entré dans un Sex-Club, qui m’a choquée dans le mauvais sens du terme, et de même pour Conte de Fées sous Prozac 50mg, qui m’a laissée très perturbée…

Comme la fin de Diversité en Litté arrive, je prête aussi plus attention à la répartition des représentations, aussi parmi les auteurices. J’ai trouvé les nouvelles bien partagées entre lesbiennes et gays, en revanche, peu de place pour les autres identités. J’étais heureuse de voir de la représentation poly dans la première nouvelle – et bi ! – mais sa mise en scène me laisse mitigée, puisque la relation commence sur un mensonge.

Comme souvent avec les recueils, c’était une lecture mitigée. Elle m’a accompagnée tout au long de cette semaine.

Finalement, en une semaine, j’aurais lu moins que dans un week-end à 1000. Mais les biographies me prennent toujours plus de temps, et Daphné du Maurier était fascinante. Et j’ai passé d’excellentes fêtes de Noël !

Avertissements Manderley Forever : lesbophobie intériorisée, suicide

Avertissements Contes et Histoires Arc-en-Ciel : viol, psychophobie, homophobie

 

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