J’avais lu The Alpha and His Ace, une nouvelle avec un personnage ace qui avait l’air de se moquer gentiment des idées reçues des zedsexuel·les, et qui mentionnait AVEN. Même s’il y avait de bonnes choses dedans, c’était aussi une nouvelle très amatonormative et encourageant la culture du viol. Bref, j’étais très frustrée en la terminant – n’hésitez pas à lire mon laïus énervé sur Goodreads, ça doit être marrant de l’extérieur − et dans ces cas-là, mon point de frustration se transforme souvent en nouvelle obsession : ça me donne de l’énergie pour le combattre, ou, comme ici, pour chercher des alternatives.
J’ai donc fouillé ma liseuse à la recherche d’autres romances ace : Tout Aimer de Toi et Le Clan Bennett 3 étaient prévues pour le club de lecture, donc plus tard, et je me suis tournée vers His Quiet Agent.
On suit Arthur, un trentenaire qui demande une promotion dans l’agence gouvernementale secrète où il travaille depuis plusieurs années, mais obtient seulement de changer d’étage car il n’est pas assez sociable et personne ne le connait. Dans un effort pour se faire des ami·es à son nouvel étage, il finit par tenter de communiquer avec Martin, un agent aux habitudes millimétrées, qui lit de la non-fiction et ne parle jamais.
J’avais un peu peur, au début, de la manière dont seraient traitées l’étrangeté et la différence de Martin. Finalement, c’est un des points que j’ai préférés. Arthur est étrange aussi, mais d’une autre manière, et aucun d’entre eux ne va changer : ils vont juste découvrir comment fonctionner ensemble. Et ce n’est pas non plus un roman qui présente leur bizarrerie comme drôle ou originale. C’est juste comme ça, et c’est respecté.
En revanche, je ne sais pas trop quoi penser de la place de la maladie et des blessures dans l’histoires. La relation patient-aidant est souvent romantisée, et personnellement, je ne trouve pas ça très « mignon » que quelqu’un aille mal.
Je ne sais pas trop si c’est le cas ici : on découvre que Martin va mal et qu’Arthur doit s’occuper de lui, et on pourrait penser que leur relation naît d’une dépendance, du fait que Martin est obligé d’accepter l’aide et la présence d’Arthur. Mais assez vite, c’est Arthur qui se retrouve aussi en position de vulnérabilité, et dans les deux cas, leurs limites respectives ne sont jamais franchies. Par exemple, les médecins demandent à Arthur de faire manger plus Martin, mais Arthur ne le force jamais : il lui présente des plats, lui décrit leur contenu, et veille à n’avoir aucune réaction s’il choisit ensuite de manger ou non.
J’ai beaucoup aimé la douceur et la délicatesse de l’histoire. C’était sympa et se lisait bien, mais c’est lorsque je l’ai finie que je l’ai vraiment appréciée. C’était tout le contraire de The Alpha and His Ace, où j’avais passé un bon moment gâché ensuite au fur et à mesure que j’y repensais. Là, quand je me suis couchée, je me rappelais tous les bons moments. « Oh, et il y avait ce passage aussi. » C’était très réconfortant !
Un autre point qui m’est revenu alors que je m’endormais, c’est que leur communication est principalement non-verbale. Ils se regardent parler à d’autres personnes, ils observent leurs habitudes et leurs expressions. Ils communiquent par petites attentions, par gestes. Apporter à manger, apporter un verre d’eau, laisser de l’espace… Il y a même une scène où Martin est incapable de parler sous l’émotion, et ce n’est pas gênant, c’est juste comme ça. C’était vraiment cool, surtout parce que je ne m’en suis rendue compte qu’après, alors que j’adore les dialogues. « Oh, ils n’ont jamais discuté… et ce n’est pas gênant, on ressent tout autant leur affection et le fait qu’ils se connaissent. »
Je me demandais si c’était pour ça que je n’avais pas perçu cette histoire comme une romance. Ou alors, c’était mon acephobie intériorisée qui m’empêchait de trouver romantiques deux personnes qui ne s’embrassent pas ? Ou encore, c’est mon irrépressible envie de voir des relations queerplatoniques ?
C’est aussi pour cette raison que, lorsque j’ai reçu la version papier, je l’ai relu direct. Je voulais regarder si des sentiments romantiques étaient décrits. De nombreux lieux communs de la romance sont présents : les deux seuls personnages importants du livre, la rencontre par hasard, l’un qui observe l’autre discrètement, les collègues qui les imaginent ensemble, les moments où l’un va mal et l’autre l’aide…
Lorsque mon frère et moi nous étions demandés comment faire que deux personnages aient l’air amoureux et non amis, nous n’avions pas conclu qu’il fallait décrire leurs sentiments romantiques : nous avions conclu qu’il fallait les mettre dans des situations clichées. Et His Quiet Agent confirme pour moi cette approche. A deux moments seulement, le narrateur dit qu’il ressent de « l’émotion ». Ça pourrait être amical, mais vu la situation, on en conclut que c’est romantique. L’ami qui l’a lu avec moi n’avait aucun doute sur le fait qu’il s’agissait d’une romance. Mais moi, comme j’essaie de comprendre ce qu’est la romance, j’analyse, et… maintenant, j’ai l’impression qu’il s’agit d’amitié entourée de clichés romantiques.
J’ai passé un bon moment, à la fois pendant la lecture et après avoir terminé. J’ai lu Merlin in the Library, la nouvelle bonus sur Martin en espérant en apprendre plus sur l’Agence qui les emploie, mais ça reste un grand mystère ! C’est plutôt rigolo d’avoir un cadre aussi peu développé.
Avertissements : trouble du comportement alimentaire, deuil (mort d’un parent), violence (évoquée), blessures
2 réflexions sur « His Quiet Agent d’Ada Maria Soto »