Duologie Dread Nation de Justina Ireland

Dread Nation de Justina Ireland me faisait très envie : la guerre de sécession avec des zombies et une héroïne aromantique et noire ? Où est-ce que je signe ? Pleine d’enthousiasme, je l’ai donc proposé pour le club de lecture aro ace… et finalement, je suis celle du club qui ne l’a pas lu, car je suis tombée dans une panne de lecture de trois mois.

personne en parka rouge lisant Dread Nation de Justina Ireland de nuit, devant une structure de bois
Dread Nation

J’ai commencé dans les temps, découvrant la narratrice, Jane, dans une école qui apprend aux filles noires à se battre contre les zombies pour devenir des gardes du corps. J’aime beaucoup son sarcasme ! À chaque début de chapitre, on a des extraits de la correspondance entre Jane et sa mère, ce qui nous permet de découvrir comment elle en est arrivée là… et aussi qu’elle ment beaucoup ! Les titres de chapitres contribuent également à l’ambiance, ils commencent tous de la même façon, évoquant vraiment un journal de bord du 19e siècle.

« Chapter 4 : In Which I Dodge Unwanted Advances and Engage in a Bit of Blackmail

Blackmail ain’t really my thing; I prefer more direct kinds of sneakery, like lying and stealing. But I can’t have Miss Duncan or any of the other instructors finding out about what I do with Jackson on the side, so this is what I’m reduced to.

We live in a terribly ruthless world. »

Tout ça était intéressant, mais… je n’étais vraiment pas d’humeur à lire. Après l’avoir fait trainer pendant un mois, j’ai finalement décidé de m’y mettre tous les matins avant même d’allumer mon ordi et de risquer de succomber aux fanfics, et Dread Nation m’a aussitôt happée. La rivale de Jane, Katherine, entre en scène, pâle et jolie – une occasion de parler du colorisme − la préférée des profs. Lorsque Jane désobéit, c’est pour voler du pain ou sortir la nuit combattre des zombies. Lorsque Kate désobéit, c’est pour porter des corsets en douce… elles se détestent, et c’est un genre de rivalité très cliché : la jolie fille populaire contre le « garçon manqué ». C’est horripilant que ces deux formes de féminités soient souvent opposées, comme si l’une était meilleure que l’autre, et j’étais donc ravie de les voir se lier d’amitié et enquêter ensemble sur la disparition de plusieurs familles. Kate est vite devenue mon personnage préféré, et ce avant même que j’apprenne qu’elle était aro ace. Cerise sur le gâteau, son identité n’est pas résumée à une ligne comme c’est souvent le cas en littérature de l’imaginaire : on a deux paragraphes de discussion entre Jane et elle ! Oui, je me satisfais de peu… A noter qu’en revanche, la représentation des Américain·es Natif·ves a été très critiquée.

couvertures de Dread Nation de Justina Ireland

A la fin, j’ai été agréablement surprise par les révélations sur le passé de Jane. Souvent, je trouve ça factice qu’on découvre si tard quelque chose de renversant sur læ narrateurice : après tout, on a son point de vue, on aurait déjà dû savoir, et les raisons pour lesquelles le personnage n’a pas partagé cette information auparavant me paraissent souvent artificielles. Je me souviens d’un roman où la narratrice révèle à la fin qu’un de ses enfants est mort et qu’elle ne passe soi-disant pas une journée sans penser à lui… ah oui, alors comment ça se fait que depuis le début du roman elle n’y ait pas pensé ? Juste pour le plot twist…

Mais ici, c’est parfaitement logique qu’on n’ait la surprise que tardivement !

C’est un roman très dur, puisqu’après avoir découvert une conspiration, les héroïnes se retrouvent dans un camp de survivalistes nostalgiques de l’esclavage. Jane cherche à s’échapper mais elle est surveillée de près. Il y a quelques passages que j’ai sautés, horrifiée et assez mal à l’aise qu’on nous montre autant de souffrance due au racisme. Mais une fois que je suis entrée à l’intérieur, je n’ai pas pu le lâcher.

Dread Nation me laisse cependant un goût d’introduction, car les méchants sont plutôt simplistes, et beaucoup d’éléments sont avancés sans être creusés en profondeur. Ce goût de trop peu ainsi que le cliffhanger m’ont poussée à enchainer avec le second tome, Deathless Divide.

personne en parka vert kaki lisant Deathless Divide de Justina Ireland devant une structure en bois
Deathless Divide

« I can almost hear Katherine lecturing me that you catch more flies with honey. Why bother catching flies in the first place when you can just smash them with a minimum of hassle? »

En me lançant dans Deathless Divide, j’avais l’espoir que cette fois-ci, on ait le point de vue de Kate – c’est une duologie avec deux personnages principaux, ç’aurait été logique – et j’ai été déçue en découvrant le premier chapitre du point de vue de Jane, juste après leur fuite de la colonie survivaliste vers une colonie égalitarienne. Jane subit une perte tragique qui va la précipiter dans une trajectoire violente et vengeresse. Mais victoire, le chapitre 2 était du point de vue de Kate !

« “You’re a heartbreaker, Katherine Deveraux.”

“That has nothing to do with me and everything to do with them. […] I have already had to tell more than one of them that I am not interested in courtship, thinking about courtship, hearing about courtship, or talking about the possibility of courtship. What is it with men thinking every woman they meet must be half in love with them?” »

Je redoutais que Deathless Divide soit une répétition du tome 1, dans une nouvelle communauté. Jane se rend bien vite compte que malgré une apparence utopique, tout est loin d’être parfait dans cette ville, et les tensions entre les survivalistes blanc·hes et les dirigeant·es noir·es grimpent, exacerbées par l’approche d’une horde et la possibilité d’un vaccin. En réalité, il ne s’agit que de la première partie.

couvertures de Deathless Divide de Justina Ireland

Deathless Divide permet à cette duologie de gagner en complexité : puisqu’on connait les personnages, on peut les creuser davantage. C’est certes annexe, mais j’adore le fait que Jane a des crush sur une grande partie des personnes qu’elle rencontre. Elle passe deux jours en prison et a un crush sur quatre de ses visiteur·ses… c’est hilarant, et j’apprécie ça d’autant plus que ça ne l’empêche pas de se méfier d’elleux.

D’autre part, on découvre Katherine d’un point de vue interne, et je ne l’en aime que plus. Son anxiété constante, sa manière de se calmer en planifiant ses conversations, le fait que la pression des corsets la rassure – qui n’est pas sans me rappeler Lady Ruth Constance – et son habitude de réfléchir avant d’agir et de mettre de côté ses sentiments au profit d’une stratégie sont des traits qui me parlent davantage que ceux de Jane, et en font un contrepied très bienvenu.

J’étais chez des ami·es alors que je lisais ce roman, et je leur ai parlé en long et en large d’un troisième personnage que j’ai trouvé passionnant : le mec blanc qui n’est pas raciste. Il dit certes qu’il soutient l’égalité, mais n’empêche, c’est un mec blanc de classe sup, à qui on n’a visiblement jamais dit non. Même quand toutes les personnes des environs lui disent qu’il a tort, il continue, en cachette peut-être même… et la conséquence, c’est la mort de centaines de personnes. Oh, il est vraiment dé-so-lé, et il promet que quand il recommencera, cette fois, ce sera la bonne, il n’y aura pas « d’accident ». Je trouve ce personnage bien plus intéressant que les méchants de Dread Nation !

Puis est arrivée mon ennemie littéraire : une ellipse d’un an et demie, qui a totalement cassé le rythme. Pourquoi n’avoir pas fait deux tomes ? C’était juste perturbant… Heureusement, la suite remonte vite et j’ai beaucoup aimé la façon dont ça se terminait. D’un bout à l’autre, c’est une histoire personnelle : même si on peut le croire à certains moments, il ne s’agit pas de sauver le monde, mais pour les personnages de trouver leur place, d’être bien, d’être en sécurité… autant que faire se peut.

Dread Nation est une aventure prenante. Le décor des zombies est bien trouvé pour cette histoire centrée sur la psychologie des personnages, ce que le désespoir, la haine ou le pouvoir les amène à faire. Tous sont complexes, et les amitiés comme les inimités ne sont que plus fortes dans ce contexte désespéré. Le premier tome était une bonne introduction aux personnages et à l’univers, avec un message plus simple, tandis que le deuxième s’attaque en profondeur aux travers de l’humanité. Il souffre d’un rythme bancal mais n’en reste pas moins une excellente conclusion à cette duologie.

Avertissements : racisme, esclavage, violence, mort, insultes racistes, amputation, expériences médicales forcées, torture

4 réflexions sur « Duologie Dread Nation de Justina Ireland »

  1. J’espère que j’aurais l’occasion de découvrir un de ces jours cette duologie, malgré ces quelques défauts. Comme je ne savais pas combien de tomes il y aurait, ça me freinait, mais maintenant que je sais… Plus qu’à les trouver 😉

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