J’avais emprunté la duologie Exo de Fonda Lee à la bibliothèque à l’occasion du NALReadathon – il fallait bien ça pour me motiver, car je trouve la couverture plutôt moche – mais je n’ai pas eu le temps de la lire durant le challenge. Je l’ai commencée quelques semaines plus tard avec un peu d’appréhension : je venais d’abandonner la duologie Le Trône des Etoiles, également empruntée pour le NALReadathon, et je redoutais que Exo me lasse de la même manière.
Mes craintes se sont envolées dès le premier chapitre, qui m’a tout simplement impressionnée. Mes sentiments balayent souvent toute analyse lorsque je lis, mais ici, je ne pouvais m’empêcher de noter la qualité de la structure narrative. J’ai tellement l’habitude des premiers chapitres de dystopies pour ado : qu’on soit du point de vue d’un·e rebelle ou d’un·e membre du gouvernement, on nous explique de but en blanc les règles oppressives de l’empire et l’existence de la résistance est évoquée.
Ici, l’information est la même, mais la manière de la présenter est très différente. On suit l’histoire du point de vue d’un membre des forces de l’ordre, Donovan, alors qu’il patrouille les rues. Il remarque qu’un enfant de dix ans le suit et se méfie tout de suite : les terroristes n’ont aucun scrupule à recruter jeune. Mais en fait, le gamin est là pour dénoncer son oncle, qui possède des tracts appelant à la révolte.
Le livre ne nous dit rien, il nous montre, à travers l’intransigeance de Donovan, à travers le fait qu’un gamin dénonce son oncle, que le gouvernement est oppressif, et qu’une résistance existe. Donovan soutient le gouvernement de tout son cœur : ce n’est pas la narration qui le remettra en question, au contraire ! Pas de résistant·es, mais des terroristes, pas d’abus policiers, mais des « précautions nécessaires ». Et pourtant, à chaque action, les lecteurices peuvent deviner ce qui se passe réellement. C’est génial.
Par la suite, j’avoue que j’ai un peu déchanté. En fait, Exo essaie d’être complexe et original : au lieu de passer le début à déconstruire la passion du héros pour le gouvernement – ce que je trouve prévisible et répétitif dans beaucoup de dystopies – on nous montre toute la cruauté des résistant·es et on questionne leurs méthodes. Bien sûr, j’adore les romans complexes, mais j’ai eu un peu peur : est-ce que cette série allait vraiment prendre le parti d’un gouvernement autoritaire sous le joug de colons extraterrestres racistes ?
Je vous rassure en vous spoilant un peu, car j’aurais pu abandonner pour cette raison : non. Heureusement, non. Par la suite, on consacre plus de temps au gouvernement, qui est alors dénoncé avec la même subtilité : on nous montre le racisme des extraterrestres envers les humains, que ce soit par pur mépris, ou encore par bienveillance. De nombreux extraterrestres aiment et soutiennent les humains… mais considèrent qu’ils savent mieux qu’eux et prennent les décisions à leur place « pour leur bien ».
Tout n’est pas parfait. L’argot utilisé en pointillé me faisait sortir de l’histoire, et une remarque sexiste absolument ridicule m’a fait complètement buguer en pleine lecture. Je regrette également que les extraterrestres n’aient pas de genre : non seulement ils sont décrits avec une insulte intersexophobe, mais en plus ça relègue les identités non-binaires et intersexes dans le domaine de l’irréel.
Et Donovan m’a déçue. Il n’a pas vraiment d’épiphanie, et la plupart de ses décisions sont très émotionnelles. C’était frustrant, parce qu’il a une réflexion stratégique peu poussée et que je le voyais aller à la catastrophe !
La fin d’Exo ouvre de nouvelles possibilités et fait basculer les enjeux. Dans le tome 2, S’allier ou Mourir, il ne s’agit plus de savoir s’il vaut mieux coopérer avec les colons ou les expulser : il faut défendre la Terre d’une nouvelle menace extraterrestre. J’étais un peu déçue de cette échappatoire facile aux questionnements du tome 1, mais finalement, ça offre un scénario plus solide et tendu, et Donovan fait des choix que je pouvais soutenir.
Le message du roman reste ambigu. Anya, la rebelle dont Donovan est amoureux – je ne l’ai pas évoquée plus tôt car leur relation est absolument insipide – dénonce à plusieurs reprises les privilèges de Donovan, mais comme c’est la guerre, il n’a pas vraiment l’occasion de se remettre en question. Tout son entourage est constitué de personnes privilégiées, et il se préoccupe d’elles en priorité, pas des humain·es qui meurent de l’injustice du gouvernement. Et certes, on nous montre des colons qui soutiennent les humain·es, mais on sent que ce n’est pas par conviction pour l’égalité : c’est parce qu’ils ne veulent pas quitter la Terre. Les humain·es qui collaborent avec les extraterrestres sont franchement méprisant·es envers les habitant·es moins privilégiés. Mais d’un autre côté, on nous montre des résistant·es qui pratiquent la désinformation – oui, ici c’est les militant·es qui font de la propagande et pas le gouvernement – et qui veulent détruire toutes les avancées technologiques. Plutôt que de les distribuer à toustes, iels préfèrent que personne ne les ait… Message complexe ou message confus ?
J’aurais honnêtement préféré qu’on suive plus de membres de la résistance, car les préoccupations de privilégié de Donovan étaient souvent frustrantes. Et, pour une fois – attention, annonce exceptionnelle – j’aurais aimé qu’il y ait un épilogue afin qu’on voie plus précisément quelle forme prendra le gouvernement de la Terre, ce qui m’aurait permis de trancher avec plus de conviction sur le message porté par ce roman.
Exo est une série qui soulève des questions très intéressantes, avec un message ambigu encourageant une réflexion poussée. Si le tome 1 était un peu faible au niveau du scénario et du personnage principal, le deuxième nous offre beaucoup de suspense ! Je suis curieuse de découvrir l’avis de personnes qui se sont davantage penchées sur la colonisation et ses conséquences…
Avertissements : mort, prise d’otage, guerre, colonisation