Celle qui devint le Soleil de Shelley Parker-Chan

personne en tenue rouge lisant Celle qui devint le Soleil de Shelley Parker-Chan devant des arches antiques

Comme je déteste m’interrompre au milieu d’une série, j’attendais patiemment que le deuxième et dernier tome de Celle qui devint le Soleil de Shelley Parker-Chan sorte – en août. Mon club de lecture a ruiné mes plans, en choisissant de lire le tome 1 pour février. Comme de toute façon je serais spoilée par les discussions, autant le lire…

Celle qui devint le Soleil se déroule en 1345 en Chine, alors que les Mongols règnent face à des dissensions de plus en plus fortes. La préface explique le contexte historique réel, avec lequel le roman prend des libertés. On y suit Zhu, une jeune fille dont le frère est promis à une grande destinée. A elle, on a prédit que son avenir serait « rien » et cela l’effraye plus que tout. Lorsque son frère meurt, elle acquiert la capacité de voir les fantômes et se fait passer pour lui en espérant s’approprier sa destinée. Comme il devait devenir moine, elle suit le même chemin : convaincue qu’elle ne peut pas mourir puisque le ciel lui destine la grandeur, elle reste des journées entières sans boire et manger, et sa détermination convainc les moines de l’accueillir malgré la famine. Une fois adulte, elle continue de tout risquer et rejoint les rebelles.

J’ai dévoré cette première partie, passionnée, et ai ensuite été choquée de ne pas retrouver le point de vue de Zhu dont j’avais l’habitude. Toujours à la troisième personne, Celle qui devint le Soleil s’intéresse à Ouyang, général nanren aux ordres des mongols. Castré afin de ne pas être exécuté, il est rejeté par cette société qui méprise la féminité comme l’amputation.

Ses objectifs sont difficiles à deviner, car sa haine est dirigée sur tout le monde. Sur Zhu qui a mis en branle sa destinée, sur son compagnon d’armes Esen, qu’il aime et hait en même temps, sur le père d’Esen qui a tué sa famille…

On découvre également la vie de Ma, fiancée à un général rebelle. Elle est intriguée par Zhu et se doute que sa façade de moine cache autre chose. Et parfois, on retrouve le point de vue de Zhu !

Ces nouveaux personnages ont apporté de la variété, mais aussi de la frustration ! Je déteste quand les gens se montrent obtus en dépit du bon sens, et on en a plein d’exemples. Le fiancé de Ma qui court à sa perte, refusant d’écouter les conseils pertinents de Ma sous prétexte qu’elle est une femme. Esen, qui maltraite Ouyang sans même sans rendre compte, tellement il est imbu de sa vision du monde. Esen et son père, qui méprisent un autre personnage, parce qu’au lieu de se battre, il s’occupe de la comptabilité et veille à ce que leurs terres ne soient pas ruinés. J’avais beau espérer qu’un jour ces personnages reconnaitraient que la virilité n’était pas tout, que la ruse pouvait être utile et que fournir à manger à ses agriculteurs évite les révoltes… j’étais à peu près sûre que ça ne serait jamais le cas.

Celle qui Devint le Soleil est un récit violent et dur, avec des complots politiques, des meurtres, et des personnages qui ne reculent devant rien pour accomplir leur objectif. Le scénario est prenant, les personnages attachants, mais certaines relations m’ont un peu déçue.

J’ai été déroutée par le tour qu’a pris l’amitié entre Zhu et Xu Da, son frère de monastère : on les montre comme fusionnels, puis ils sont séparés, et à aucun moment Zhu ne pense à lui, ne s’inquiète pour lui. Comment croire, après ça, à la sincérité de leur attachement ? Cependant, dans toutes les scènes où iels sont ensemble, on sent leur complicité et leur affection, et c’est la relation que j’ai préférée.

La romance entre Zhu et Ma est une déception. Je n’arrive pas à penser que cet amour leur est bénéfique, ça me faisait surtout mal au cœur de les voir ensemble. Zhu n’est pas malveillante, mais Ma ne fait pas partie de ses priorités, alors qu’elle est tout pour Ma.

La relation entre Ouyang et Esen était intéressante, mais elle aussi très destructrice. Suivre cette évolution était une torture ! Attirance sexuelle, romantique, haine, sentiment fraternel, tout s’embrouille… C’était très bien fait, et pour le coup, j’ai vraiment aimé cette relation, bien qu’elle ne soit pas réconfortante du tout.

couverture de Celle qui devint le Soleil de Shelley Parker-Chan

J’ai beaucoup aimé la manière dont Celle qui devint le Soleil explore le travestissement. On ne connait pas son prénom à elle, car son nom est, justement, celui de son frère. Zhu n’est pas une fille qui se déguise en garçon, elle ne doit pas seulement faire croire aux humain·es qu’elle est un homme : elle doit incarner son frère aux yeux du Ciel, pour qu’il lui fasse bénéficier de la grandeur promise. Lorsqu’elle révèle la vérité à d’autres personnages, leur réaction n’est pas « c’était une femme en fait », c’est plus… ambigu.

Au fil du récit, Zhu se rend de plus en plus compte que ce qui lui permet de survivre et triompher, c’est sa connexion avec les femmes. Là où d’autres méprisent le féminin, Zhu parvient à deviner ce qui anime les femmes, à déjouer leurs complots et à s’allier à elles. Ça l’effraie : est-elle en train de s’écarter du destin de son frère, et de se diriger vers la médiocrité qui lui avait été promise à elle ?

Une des forces motrices au cœur de ce récit est le désir. Le désir de grandeur de Zhu, le désir de vengeance d’Ouyang, son antagoniste. La capacité de Zhu à deviner les désirs des autres. L’absence de désir de Ma, qui s’interdit de vouloir, car ce serait souffrir. Certains passages évoquent aussi le désir sexuel : Zhu ne désire pas directement, mais elle est émerveillée par le désir de sa partenaire, qui se communique à elle. Non seulement je peux me reconnaitre là-dedans, mais j’ai trouvé intéressant que le livre explore les désirs sous toutes leurs facettes.

Celle qui Devint le Soleil est un excellent premier tome, à la fois passionnant et intéressant. Nous avions de quoi discuter au club de lecture, et j’en ai parlé à plusieurs personnes en-dehors de cette rencontre ! J’ai hâte que la suite sorte, et de voir comment la suite de la vie de Zhu nous sera racontée.

Radar à Diversité : cast chinois, pp genderqueer ace handi, pp eunuque gay, couple queer

Avertissements : exécutions (dont écartèlement), meurtres, empoisonnement, incendie, amputation, scènes de sexe, sexisme, validisme

 

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