Je me suis rendue compte récemment qu’il y a des livres lus il y a plus de trois ans dont je n’ai toujours pas publié la chronique… excusez ce manque de professionnalisme, après tout, ce n’est pas ma profession ! Voici, tirés de mes archives, mes avis sur Les Maux Bleus et Le Soleil est pour Toi !
En août 2019, j’ai découvert beaucoup de pépites en camping ! J’avais du temps, et j’ai dévoré Les Maux Bleus de Christine Féret-Fleury à chaque seconde disponible, en attendant que les pâtes cuisent ou que mon portable charge…
Le début… le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il était percutant : la première phrase, c’est « sale gouine ». On est directement dans l’ambiance d’un roman dur, mais centré sur la résistance intérieure, puisque la narratrice analyse les mots pour se détacher de la situation.
Lorsqu’Armelle est rejetée par la camarade de classe dont elle était amoureuse, le harcèlement commence. Mais si le premier chapitre se concentre sur le lycée, par la suite, Les Maux Bleus est centré sur la relation entre Armelle et sa famille : ses parents la forcent à l’accompagner à la manif pour tous. On y a d’ailleurs ma scène préférée : deux filles qui s’embrassent devant la manif, avec un panneau « trop tard » − la loi est passée.
On le devine, la famille ne va pas bien réagir du tout en découvrant qu’Armelle est lesbienne : elle se retrouve à la rue et doit alors se débrouiller. Je suis toujours assez sensible en ce qui concerne la famille : ce roman m’a donc beaucoup touchée. Ce qui est rassurant, c’est qu’en le lisant, ma mère était totalement dépassée. A ses yeux, ce roman n’était pas réaliste du tout : comment des parents pourraient-iels traiter leur enfant ainsi ? Impossible ! Malheureusement, en France, c’est une réalité confirmée par les demandes d’hébergement en refuges par des mineur·es ayant été chassé·es de chez leurs parents.
A ma grande surprise, Les Maux Bleus continue avec un trope que je croyais réservée à la fanfiction : le fake-dating, deux personnages qui sortent ensemble pour de faux. Dans les fanfic c’est mignon et drôle, et ça se finit souvent en romance. Là, c’est une stratégie de survie : sortir avec une fille très populaire pour endiguer le harcèlement qu’Armelle vit au lycée. Ce n’est pas mignon et ça ne se termine pas en romance, ce que j’ai apprécié, à vrai dire !
J’ai beaucoup aimé Armelle ! Le fait qu’elle ne soit pas la seule lesbienne – et j’exclus les intérêts amoureux – dans le livre est aussi très apprécié par mon âme solidaire.
Les Maux Bleus est un roman jeunesse qui s’attaque aux complexes sujets de l’homophobie familiale et des conséquences de la manif pour tous. Je l’ai lu passionnément et je pense qu’il est important de le conseiller.
Pour être honnête, je n’ai pas lu Le Soleil est Pour Toi dans des circonstances idéales. Mes vacances d’avril 2019 : je passais la nuit dehors, dans une ville inconnue, à veiller pendant qu’une amie dormait sur un banc. Pour la circonstance, j’aurais dû lire une petite pépite de bonheur et de sucre pur positivisme… et ce n’est pas du tout là-dessus que je suis tombée. Le Soleil est pour Toi est une boule de nerf.
Alors oui, c’est magnifique. C’est rare que je lise un roman aussi bien écrit, où chaque phrase est un poème. Noah est un artiste et nous peint des portraits merveilleux de son entourage, perdu dans des images qui, bien qu’elles paraissent absurdes au premier abord, nous permettent de saisir exactement ce qu’il pense et ressent. Magique. Sa sœur Jude, l’autre narratrice, est plus terre à terre – elle est sculptrice, après tout – mais les métaphores sont là aussi, dans un style tout à fait différent.
Mais ce n’est pas parce que chaque phrase me donne envie de la citer que le roman est empreint de bonheur. Noah raconte le passé, où il tombe amoureux de Brian ; le récit de Jude se situe deux ans plus tard : elle se reconstruit après un drame, commence à fréquenter Oscar. On alterne entre les deux, alors on sait, grâce à Jude, qu’ils ne se parlent plus. On sait que les rêves de Noah seront écrasés. C’est tellement, tellement désespérant ! J’étais accrochée, la situation empirait, empirait, empirait, sans le moindre espoir de salut. Je crois que je m’étais trop attachée aux personnages… Je devais faire des pauses, j’avais du mal à m’y remettre alors que je brûlais de savoir la suite, de comprendre ce qui s’était passé, et de voir que tout s’arrangeait – parce que oui, ça finit bien.
La romance entre Noah et Brian occupe la première moitié du roman et celle entre Jude et Oscar la seconde, mais je ne considère pas cet ouvrage comme une romance. Les sentiments amoureux sont très secondaires à côté de l’amour familial, que ce soit entre les enfants et leur mère ou entre le frère et la sœur. C’est… beau. Touchant. Ce roman a éveillé des sentiments que je n’ai pas l’habitude d’éprouver en lisant.
Le Soleil est pour Toi est un excellent roman. Accrochez-vous, vous êtes parti·es pour un grand huit dans un paysage d’une beauté poétique – eh oui, moi aussi, je peux faire des métaphores !
C’est un peu bizarre pour moi de publier ces chroniques alors que je me souviens mal des romans – ça fait longtemps. Mais je garde un bon souvenir de ces deux livres : je n’aurais pas eu envie de publier mon avis si l’indifférence avait gagné sur le long terme, comme ça arrive pour certains romans qui me paraissent moins bien avec la distance. Ça me donne envie de les relire…
Radar à diversité Les Maux Bleus : pp lesbienne, famille homoparentale f/f
Avertissements : homophobie, manif pour tous, harcèlement, parents qui mettent leur enfant dehors, violence familiale (incluant violence physique, il me semble)
Radar à diversité Le Soleil est pour Toi : pp gay
Avertissements : deuil (décès par accident de voiture), alcoolisme, harcèlement, divorce, homophobie, overdose, addiction, agression sexuelle/viol (mineur·e), idéation de suicide (sous-entendue)
Une réflexion sur « Le Soleil est Pour toi de Jandy Nelson & Les Maux Bleus de Christine Féret-Fleury »