Nous sommes la Poussière de Plume D. Serves

Personne en chemise asymétrique lisant Nous sommes la Poussière de Plume D. Serves allongée sous une table basse

Un·e ami·e a suggéré le roman Nous sommes la Poussière de Plume D. Serves au club de lecture en nous annonçant qu’iel l’avait acheté en 3 exemplaires : un pour ellui, un pour sa mère, un pour le club de lecture. C’est dire à quel point ça lui avait plu ! Iel nous l’a présenté comme un roman de science-fiction se déroulant dans une France en tous points semblable à la nôtre… à part qu’il existe des personnes magnétophiles qui attirent à elles les particules métalliques dans l’air.

On suit la vie d’Elias, qui, au début de l’histoire, galère dans ses études. Ses oreilles se bouchent souvent alors elle ne peut pas suivre, elle a des douleurs dans les jambes, elle s’essouffle vite. Ses visites médicales ne mènent à rien : d’après son médecin, elle exagère. Sa vie sociale se réduit à force d’épuisement… jusqu’à ce qu’un autre médecin lui offre une « solution » : elle est hypersensible aux particules. Ce sont ces particules accumulées qui brouillent sa vision et provoquent des migraines, qui bouchent ses oreilles, qui alourdissent ses jambes et emplissent ses poumons.

Nous sommes la Poussière parle d’autisme à travers la magnétophilie, et l’hypersensibilité aux particules est un équivalent du diagnostic HPI : uniquement reconnu en France et pas à l’international, il cherche surtout à empêcher les personnes autistes d’obtenir un vrai diagnostic et les aides qui vont avec. Elias n’est donc pas au bout de ses ennuis !

En parallèle, on a le point de vue d’un ingénieur qui trouve le sujet « intéressant » et met au point des chaines avec lesquelles on verrouille les chevilles des magnétophiles. Ces chaines absorbent les particules et les redirigent vers des centres de stockage, permettant aux magnétophiles de ne pas être entouré·es d’un nuage – et donc de ne pas être visibles des magnétosain·es que ça effraie. On a également les récits de multiples points de vue de magnétophiles, par exemple, sur les centres où iels étaient enfermé·es, sur les chaînes qui leur font mal aux chevilles et peuvent les empêcher de marcher, sur le fait qu’iels ne peuvent pas s’éloigner des centres de tri, très rares en France, et se retrouvent confiné·es à certains quartiers…

J’avais une boule au ventre en lisant, car le parallèle était très proche d’autres situations réelles de validisme odieux. J’étais obligée de faire des pauses régulières tellement ça me révoltait par sa réalité. J’ai même jeté un petit coup d’œil à la fin pour me rassurer : ouf, Nous sommes la Poussière ne finit pas tragiquement !

couverture de Nous sommes la Poussière de Plume D. Serves

Au-delà de cette métaphore vraiment réussie, les personnages sont aussi très bons, et nous permettent d’entrer dans ce récit. Elias est complexe, elle n’a pas toutes les clefs, on la voit changer au contact des autres, déconstruire ses propres biais. Sa copine Nadège et la meilleure amie de celle-ci ont leurs propres enjeux, qui ne tournent pas tous autour d’Elias. Notamment, même si on sait vaguement comment elles se connaissent, elles n’entrent jamais dans les détails. Ça donne l’impression que ces personnages existent pour de vrai, qu’ils ont tellement de facettes qu’on peut n’en voir qu’une partie. Pareil pour Léandre, l’amie d’enfance d’Elias, avec laquelle elle développe une relation vraiment chouette… bon, j’étais déçue que ça ne se termine pas en relation queerplatonique, car tout était là pour que ça soit le cas. Mais j’ai quand même beaucoup aimé la sensibilité avec laquelle Plume D. Serve aborde les amitiés, les romances et les liens familiaux.

Seule vraie déception : le propos caricatural sur les médecines alternatives, ce qui est d’autant plus dommage que le reste est très nuancé, et la médecine établie dénoncée pour ses abus. Il parait fort raisonnable d’explorer des alternatives, mais celles-ci sont toutes mises dans le même panier des dérives sectaires. Sans la moindre réflexion que ces alternatives sont peut-être présentées ainsi par la médecine générale car elle ne souffre pas la moindre concurrence.

Nous Sommes la Poussière était un roman incroyable, et nous avons pu en discuter en détail au club de lecture, chacun·e soulevent un autre aspect génial du livre. Le prof qui encourage Elias, l’errance médicale, la CPAM qui nous est si familière, la convergence des luttes qui permet de changer les choses… On en a discuté longtemps et je ne peux pas parler de tout ici ! Pour savoir, il vous faudra donc lire le livre vous-mêmes.

Radar à diversité : pp lesbienne et magnétophile (=autiste), ps magnétophiles, couple f/f, autrice queer et autiste

Avertissements : validisme (individuel, légal, systémique, scientifique, enfermement dans des centres spécialisés…)

 

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