Bilan Mois de la Fantasy : Le Château Hurle de Diana Wynne Jones

Je croyais être une adepte inconditionnelle de la fantasy. Mais je me suis en fait rendue compte que je faisais un amalgame éhonté entre fantasy et fantastique, et ce mois-ci, j’ai surtout lu du fantastique ! Entre autres parce que j’ai encore fait une overdose de fantasy adulte – pourquoi les auteurices de fantasy adulte s’acharnent-iels à retirer tout humour et légèreté de leurs œuvres ?

Je vous présente donc ici une trilogie de fantasy jeunesse – même si les personnages sont adultes − avec de l’humour, et surtout, de l’émerveillement : Le Château de Hurle de Diana Wynne Jones. Ce que j’adore dans la fantasy, c’est être transportée dans un univers qui fait rêver…

puzzle d'une personne en tenue des années 50 lisant Le Château Hurle de Diana Wynne Jones sur un banc
Le Château de Hurle de Diana Wynne Jones

J’avais lu et relu Le Château Hurle à la bibliothèque, lorsque j’étais encore au collège, et depuis, j’essayais désespérément de me le procurer… sauf qu’il n’est plus édité en français ! Finalement, mon frère me l’a offert en anglais à Noël, ce qui m’a donné l’occasion de le relire encore.

Dans un univers où la magie est quotidienne, la jeune Sophie Chapelier est transformée en vieille femme par la sorcière du désert. Alors qu’elle avait toujours redouté de partir à l’aventure – en tant qu’aînée de trois filles, elle est convaincue d’échouer car seules les benjamines réussissent dans les contes – elle se dit qu’elle n’a plus rien à perdre et se rend dans le château volant du maléfique sorcier Hurle. Là, pour retrouver sa jeunesse, elle fait un pacte avec le démon du feu Calcifer : elle doit briser le contrat qui le lie à Hurle. Sauf qu’il ne peut pas lui donner les termes de ce contrat…

Cette histoire m’avait beaucoup marquée, et est probablement à l’origine de ma passion pour les univers de contes – j’ai d’ailleurs écrit un roman avec des règles magiques semblables. C’est un univers merveilleux : même si les personnages sont parfois en danger, il me fait rêver ! Je l’imagine comme une prairie fleurie et ensoleillée, avec des chaumières dont s’échappe une odeur de gâteau…

Ma relecture m’a rappelé à quel point j’adorais Sophie : décidée, dynamique, acariâtre et pourtant très gentille, elle a tendance à se laisser exploiter au début, mais apprend à résister. C’est un personnage fort… qui passe la plupart du tome à faire le ménage ! Eh oui, le livre joue avec les clichés…

Le personnage d’Hurle est tout aussi complexe : il est superficiel, poltron, capricieux, une vraie drama-queen ! Il a tendance à me taper sur les nerfs, mais c’est aussi quelqu’un de très gentil − même s’il le cache bien. Son habitude de séduire les femmes est cependant un peu trop normalisée…

Le plus impressionnant reste le scénario : malgré l’ambiance de contes pour enfants, il est très complexe. Entre le prince et le magicien disparus et cachés sous diverses apparences, la sorcière du désert qui se déguise aussi, les deux sœurs qui échangent leurs identités, c’est le chaos ! La première fois que je l’avais lu, je n’avais pas vraiment compris qui était qui, sauf à la fin où tout est révélé. C’est ce qui rend la relecture d’autant plus agréable : on voit tous les éléments qui s’emboîtent, et chaque action est logique.

Après relecture, je peux confirmer que Le Château Hurle fait partie de mes livres préférés. Une vraie évasion ! Si vous connaissez le film qui s’en inspire, Le Château Ambulant, ne vous attendez pas à retrouver une histoire identique : seul le début est commun. L’animation capture l’aspect merveilleux du livre, mais pas la complexité du scénario…

personne en robe multicolore lisant Le Château des nuages de Diana Wynne Jones devant un coucher de soleil
Le Château des Nuages de Diana Wynne Jones

J’ai enchaîné avec la relecture du tome suivant : Le Château des Nuages. On suit l’aventure d’Abdullah, un jeune marchand de tapis qui, grâce à un tapis volant, rencontre la princesse Fleur-de-la-Nuit. Lorsqu’elle est enlevée par un Djinn, il part à sa rescousse.
L’ordre des tomes n’étant pas indiqué, c’est ce tome-là que j’avais lu en premier, à l’origine. Autant dire que j’ai été perdue à la fin, lorsqu’on révèle que tel personnage était en réalité Sophie, tel autre personnage Hurle…

L’aventure est beaucoup plus classique, ça se voit au résumé : coup de foudre, puis quête pour sauver la princesse. On retrouve cependant le talent de l’autrice pour les jeux de piste et les identités secrètes, toujours aussi passionnantes à découvrir.

Cependant, les personnages sont loin d’être aussi riches. Abdullah est un héros classique, Fleur-de-la-nuit aussi. Dans le cas de Fleur-de-la-Nuit, j’avoue que je suis assez injuste de la considérer ainsi : on ne la voit que du point de vue d’Abdullah, qui a discuté deux heures avec elle. Forcément, tout ce qu’il sait d’elle, c’est qu’elle est jolie, cultivée et délicate.

Ça me parait volontaire de la part de l’autrice. Alors que dans le tome 1, il y avait plein de personnages féminins complexes et débrouillards – Sophie, ses sœurs Lettie et Martha, sa belle-mère, une sorcière, Mme Angorian… − dans le tome 2, elles sont uniquement décrites par leur apparence, et caractérisées selon l’attrait qu’Abdullah leur trouve. Grosse et bêtes, jolies et intelligentes…

Tout ça est très agaçant… puis, dans les derniers chapitres, il se rend compte que beaucoup de ce qu’il pensait sur Fleur-de-la-nuit était faux. Elle n’est pas si délicate ! Et, lorsqu’il rencontre Sophie, il la trouve « un peu trop énergique pour une jeune femme ». Moi qui avais lu le tome 1, ça m’a permis de mettre toutes ces descriptions en perspective et de comprendre que cette objectification n’était que le point de vue biaisé d’Abdullah.

N’empêche, une remise en question qui nécessite d’y réfléchir beaucoup pour la comprendre ne mérite pas de se farcir tout un roman de descriptions sexistes. Surtout que leur racisme et leur grossophobie ne sont, pour le coup, jamais contestées. D’ailleurs, je ne suis pas la seule à avoir relevé l’exotisme général de l’univers, et je peux vous conseiller cet article et surtout celui-ci, plus pertinents dans leur analyse.

Ça reste un bon roman, avec une aventure sympathique, mais les personnages ne sont pas aussi attrayants que dans le tome 1, et certaines descriptions me sont restées en travers de la gorge…

personne en robe du dix-huitième siècle lisant House of Many Ways de Diana Wynne Jones devant un drap à coquelicots
House of Many Ways de Diana Wynne Jones

Alors que je lisais cette série pour la première fois, j’avais découvert qu’il existait un tome 3 jamais traduit en français : House of Many Ways. Et à l’époque, impossible pour moi de me procurer le livre ou de le lire – je n’étais pas encore très au fait des commandes sur internet.

Mais maintenant, je sais faire, et j’ai donc pu le lire. L’histoire se passe dans un autre royaume encore, et on s’intéresse à la jeune Charmain Baker, un rat de bibliothèque chargée de garder la maison de son grand-oncle magicien.

Malheureusement, c’est le seul scénario de la première moitié du livre. On découvre la maison et le labyrinthe qui la constitue, on rencontre les gnomes qui s’en occupent, ou Peter, l’apprenti du magicien… Charmain va aussi travailler avec le roi pour ranger sa bibliothèque, ce qui permet de présenter d’autres personnages. Aucun d’entre eux n’a vraiment retenu mon attention : Peter est agaçant, Charmain est une enfant gâtée qui apprend à rendre service…

C’est vers les trois quarts, quand on comprend la menace qui pèse sur le royaume, que l’histoire démarre enfin. C’est très confus, avec des dizaines de personnages qui courent dans tous les sens. Et puis, il faut qu’on retrouve le prince héritier – qui n’a jamais été préparé à ce rôle – pour sauver le royaume, car il aurait été inenvisageable que la princesse formée règne. Oui, c’est écrit noir sur blanc !
D’un autre côté, pour une fois, l’autrice ne s’est pas arrangée pour que tout le monde, même les personnages insignifiants, finissent en couple, c’est un progrès certain…

En vrai, je me suis quand même bien amusée dans cette histoire. C’est facile à lire, l’univers est sympa et j’aimais bien en découvrir ses facettes. C’est loin du génie du tome 1, mais je n’ai pas vu le temps passer.

Le Château de Hurle fait sûrement partie de mes livres préférés, et il a eu une influence sur au moins deux de mes manuscrits. Je retrouve dans les suivants les éléments qui m’ont plu : l’univers merveilleux, les identités secrètes, les révélations amenées avec une logique implacable… mais les personnages sont moins bien, et la suite n’arrive pas du tout à la hauteur de ce premier tome que j’adore.

Avertissement : grossophobie, racisme, sexisme

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Lu pour le Challenge de l’imaginaire

 

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