Je tente encore une fois un article à thème ! Cette fois-ci, je vous présente deux bandes-dessinées autobiographiques qui parlent de neurodiversité : Goupil ou face de Lou Loubie et La Différence Invisible de Julie Dachez & Mlle Caroline. Je les trouve aussi assez similaires dans leur exécution : les deux comportent un jeu sur les couleurs, les deux ont pas mal d’humour, et je les ai aimées toutes les deux au-delà de leur aspect pédagogique.
Je n’étais pas une grande fan de BDs : déjà, je suis assez difficile question dessins – j’aime bien ceux des BDs pour enfants, doux et harmonieux, mais dès que je suis passée aux œuvres pour adultes, leur réalisme m’a déplu. Mais surtout, je trouvais les personnages moins approfondis que dans les romans, où les pensées sont beaucoup plus détaillées.
J’avais commencé à m’y intéresser davantage grâce à Assignée Garçon de Sophie Labelle, qui, ayant un aspect pédagogique, jouait dans une catégorie totalement différente de celle des romans d’aventure, et qui était donc incomparable à un livre.
Puis, durant mon stage à Paris, on m’a prêté de nombreuses BDs… et parmi elles, Goupil ou Face de Lou Lubie, qui a le même avantage qu’Assignée Garçon : même si elle raconte une histoire, le témoignage d’une jeune femme cyclothymique, elle explique aussi ce qu’est la cyclothymie.
J’ai tout de suite accroché : les dessins sont simples et dynamiques, ils emportent directement dans l’ambiance du récit ! On s’attache à la narratrice, à ses émotions, sa tristesse inexplicable, de plus en plus pesante. J’étais avec Lou Lubie dès les premières pages.
Malgré ce début qui relate sa première dépression, l’ambiance est légère : je n’étais pas triste moi-même. J’étais motivée pour qu’elle s’en sorte, et c’était un vrai bonheur de la voir retrouver un enthousiasme débordant.
Les dessins rendent à merveille les pics et les creux émotifs de la cyclothymie : postures vibrantes de dynamisme et couleurs pétantes pour ses moments d’enthousiasme, crayonné agressif pour son break down – mon dessin préféré : tellement d’émotions s’en dégagent ! J’ai envie de vous mettre plein de photos, mais je préfère que vous alliez lire Goupil ou Face.
J’ai relu cette BD trois fois depuis : l’histoire est prenante et les informations intéressantes. Elles déconstruisent vraiment les idées reçues sur la bipolarité, le renard est tellement attachant malgré les moments où il me terrifie…
Loin d’un drame, cette BD respire la motivation et la joie de vivre. Elle permet de comprendre les difficultés auxquelles font face les personnes cyclothymiques, sans tomber dans le « oh là, là, les pauvres ».
Je sais que je la relirai encore…
J’avais beaucoup entendu parler de cette BD autobiographique d’une femme autiste, et d’un côté, j’avais très envie de la lire, et d’un autre, je n’en ressentais pas l’urgence, car j’avais d’autres sources éducatives sur le spectre de l’autisme. De plus, La Différence Invisible a quelques années et je sais qu’entretemps, certains termes ne sont plus utilisés, d’autres façons de réfléchir et conceptualiser l’autisme ont émergé…
Mais elle était disponible à la bibliothèque et j’avais de la place sur ma carte, alors je l’ai empruntée en me disant que ça me permettrait de la conseiller à mon entourage.
L’histoire est racontée du point de vue de la dessinatrice, qui raconte la vie de Mathilde – le pseudonyme de Julie Dachez. A 27 ans, elle rencontre de nombreuses difficultés car son entourage ne comprend pas comment elle fonctionne. Son chef lui reproche de ne pas assez socialiser avec ses collègues, son copain veut qu’elle vienne à plus de soirées, et elle est débordée par le bruit, les imprévus, les réactions incompréhensibles. Le jeu des couleurs est très intéressant : la BD est en noir et blanc, mais le bruit et les paroles des autres personnages sont en rouge, et le fond devient de plus en plus rouge au fur et à mesure que les sens de Mathilde saturent.
Mathilde finit par comprendre qu’elle est sur le spectre de l’autisme, ce qu’elle vit comme une libération : elle sait qu’elle n’est pas anormale mais différente, qu’elle a le droit de respecter ses besoins, et elle peut rencontrer des personnes qui la comprennent.
C’était vraiment chouette à lire ! J’étais heureuse pour elle, inquiète de la réaction des autres, en colère contre le validisme. Le moment où elle comprend – le « mais c’est donc ça ! » − est vraiment cool, similaire à celui de Goupil ou Face : sans que ça porte sur la même identité, je sais ce que c’est que d’enfin comprendre pourquoi on est différent·e, de se reconnaître dans le témoignage de quelqu’un d’autre. C’est une telle libération !
La Différence Invisible est aussi une BD pédagogique, il y a d’ailleurs des explications illustrées à la fin. Et au début, l’introduction explique la démarche de l’œuvre : les hommes sont surreprésentés dans les études sur l’autisme, et par conséquent, les femmes sont très rarement diagnostiquées, car elles l’expriment d’une manière différente.
Je vous conseille d’ailleurs de regarder aussi les vidéos d’Alistair sur la chaîne H Paradoxae, qui sont détaillées et permettent d’avoir une autre perspective. Toutes les personnes autistes ne sont pas identiques, et ne satisfont pas tous les « critères » listés. Ce n’est pas pour rien qu’on parle de spectre !
Avertissement Goupil ou Face : Pensées Suicidaires
Avertissement La Différence Invisible : psychophobie (médicale aussi), sexisme
2 réflexions sur « Bandes-Dessinées Autobiographiques : Goupil ou Face et La Différence Invisible »