Genre Queer de Maia Kobabe

personne en chemise nouée et short bas résille lisant devant un canal bordé de verdure

Une amie m’a prêté la bande-dessinée autobiographique Genre Queer de Maia Kobabe : on y suit son parcours concernant le genre − comme le laissait supposer le sous-titre Une Autobiographie Non-Binaire − mais aussi la romance et la sexualité. Ça commence dans son enfance et se termine au moment de ses études, durant lesquelles ille rédige cette BD. Je l’ai dévorée d’une traite, soufflée. Je ne m’attendais pas à connecter autant au narrateurice ! Je m’y suis beaucoup retrouvée, en particulier sur des éléments que je n’avais lus nulle part ailleurs.

Ça a un double effet un peu absurde. Il y a, d’une part, la réaction de plaisir « oh, je ne suis pas seule, quelqu’un d’autre a ressenti la même chose que moi par rapport à cet élément ! »

Mais aussi « bah, si quelqu’un d’autre vit ça, alors, c’est un vécu classique, je me monte la tête en me disant que c’est une particularité queer… si ça se trouve, je ne suis pas queer en fait ». Oui oui, je pense ça alors même que Maia Kobabe est queer, ne cherchez pas la logique.

Pour autant, je n’ai pas tout apprécié. Déjà, comme les chapitres sont indépendants, allant d’anecdote en anecdote, on peut passer d’un récit amusant à un jour traumatisant en tournant une page, ce qui est assez désagréable.

Il y a un passage en particulier que je n’ai pas du tout aimé : la conférence de Churchland, qui explique la transidentité « biologiquement ». Les discours qui biologisent les identités queer me mettent systématiquement mal à l’aise, parce que le but est soit de corriger – si on trouve la cause, on peut trouver le remède – soit de détecter avant la naissance pour éviter notre existence, soit de justifier notre existence, ce qui sous-entend qu’elle n’est pas acceptable sans cette justification. Ça m’horripile, et même si je comprenais que Maia y ait trouvé du réconfort – une explication à qui ille est – j’ai plus ou moins rayé ce passage de ma mémoire.

Ce qui est plutôt bien, c’est que d’autres personnes de mon entourage l’ont lu et comme on en a discuté, j’ai à présent un avis plus construit que « beurk je ne veux pas y penser ». Les explications biologiques s’appuient sur l’existence de l’intersexuation, sans pour autant reconnaitre la légitimité de celle-ci. Une raison de plus de ne pas aimer ce passage…

couverture de Genre Queer de Maia Kobabe

Étonnamment, Maia n’a que peu de recul sur son récit. J’ai l’impression que quand j’écris mes journaux, ou quand j’utilise une anecdote de ma vie pour un roman, ça me donne de la distance, ça me permet d’analyser ce qui s’est passé, d’ouvrir les yeux sur des choses que j’avais mises de côté.

Mais Maia nous présente les évènements tels quels. Par exemple, c’est quelqu’un qui a vécu des violences gynécologiques, et qui est retourné chez des gynéco ensuite, pour vivre encore d’autres violences. Que sur le moment, ille n’ait pas constaté qu’il y avait des alternatives – ne pas y aller, ou utiliser les listes de gynéco safe des queer-féministes – est tout à fait compréhensible, mais au moment d’écrire le récit, il y aurait pu au moins y avoir constatation que c’était violent et injuste. Là, les scènes sont présentées comme si c’était normal, comme si c’était un mal nécessaire qu’il fallait accepter sans protester, comme s’il n’y avait rien à changer. C’est vraiment dommage, et j’avoue que ça ne me donne pas envie de mettre cette bande-dessinée entre les mains de quelqu’un qui pourrait y trouver une normalisation de certains abus. En ce moment, je lis l’autobiographie d’un mec trans, ce qui me montre bien que la voix narrative d’une autobiographie permet de signaler les moments où il était victime de discrimination, alors qu’à l’époque, il pensait que c’était de sa faute. Genre Queer présente juste la version « c’est de ma faute car je suis trans ».

Ma conclusion est que Genre Queer est ce qu’elle est : une tranche d’autobiographie. Ce n’est pas une présentation de la transidentité, de l’aromantisme ou de l’asexualité, c’est un témoignage très biaisé. Maia a vécu ce qu’ille a vécu, et on découvre ce parcours. A nous d’y réfléchir, de nous y reconnaitre, ou pas, et d’en tirer des conclusions – il faut vraiment revoir tout le système médical, c’est pas possible, là.

Avertissement : violences gynécologiques, transphobie

 

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