Éditions Kinaye : Pilu des Bois et Snapdragon

Les éditions Kinaye m’irritent : leur titre est imprimé à l’envers par rapport aux autres livres de ma bibliothèque, et, alors que toutes leurs bandes-dessinées ont un format similaire, leur hauteur est différente. C’est très très frustrant. Je suis irritée chaque fois que je regarde ma bibliothèque ! Heureusement, comme leurs œuvres sont géniales, je peux les prêter à tout mon entourage et ne pas les avoir trop souvent sous les yeux. Ici, je vais vous parler de mes deux récents coups de cœur, Pilu des Bois de Mai K. Nguyen et Snapdragon de Kat Leyh.

personne en salopette en jean lisant Pilu des Bois de Mai K. Nguyen devant des barrières en bois menant à une forêt
Pilu des Bois de Mai K. Nguyen

Même si j’aime le calme des forêts, je ne suis pas quelqu’un de spontanément porté sur la nature. Mais un nombre impressionnant de personnes de mon entourage est passionné de plantes ! A force de voir leur enthousiasme, et de penser à elles quand je me promène, mon affection pour les plantes a augmenté, et j’adore les bandes-dessinées qui en sont remplies, même quand ce n’est pas le sujet du livre – Le Cercle du Dragon-Thé était parfait pour ça, tout comme Les Fleurs de Grand-Frère ou Le Jardin. Au moment de sa sortie, la couverture de la bande-dessinée bande-dessinée Pilu des Bois de Mai K. Nguyen m’a donc fait très envie : elle déborde de feuilles, et le personnage est très mignon !

Mais lorsque je l’ai feuilletée en librairie, j’ai été déçue : le dessin est si chargé… Il y a des traits partout qui donnent une texture rugueuse aux illustrations, loin de la douceur lisse et lumineuse que j’affectionne. J’ai refermé Pilu des Bois et j’ai oublié son existence, jusqu’à ce que je retombe dessus dans le répertoire de Planète Diversité. Et… ça avait l’air chou !

J’ai bien fait de lui redonner une chance, parce que j’ai adoré. On s’attache vite à Willow, une petite fille dont la mère est morte et qui ne sait pas quoi faire de toute sa colère, s’énervant contre ses camarades de classes, criant sur sa sœur ; avant de s’enfuir dans la forêt. Elle y rencontre Pilu, un être-magnolia. Se sentant ignorée par sa mère, elle est partie et n’arrive plus à retrouver son chemin.

couverture de Pilu des Bois de Mai K. Nguyen

Pilu comme Willow sont adorables, et l’amitié qui se noue entre elles très touchante. Elles sont complémentaires : Willow a perdu sa mère et ne supporte pas que Pilu rejette la sienne ; Pilu se sent délaissée et déteste que Willow ignore ses émotions.

Pilu des Bois traite de santé mentale, et est loin d’avoir un message superficiel – « acceptez vos émotions, soyez bienveillant·es » – bien trop fréquent à mon goût dans la littérature jeunesse. Ce n’est pas parce que des lecteurices sont jeunes qu’iels ne peuvent pas saisir des nuances ! Le tout, c’est de bien amener, ce qui est le cas ici.

Le thème s’étend à travers toute la bande-dessinée, on peut le deviner dès le début dans certaines métaphores de la forêt – les champignons qui enflent discrètement sous le sol avant de jaillir, énormes, lorsqu’il pleut – et les personnages passent par diverses phases sans que leur progression soit linéaire. On comprend leur point de vue, et ça permet de ne pas voir cette histoire comme une leçon, mais un chemin. Les erreurs que font Pilu et Willow ne sont pas des fautes grossières qu’un·e lecteurice repèrerait immédiatement, c’est plus subtil.

Message ou non, l’histoire est chouette, à la fois prenante et émouvante. C’est très important pour moi, parce que c’est bien gentil d’aborder un thème intéressant correctement : si je m’ennuie, ça ne sert pas à grand-chose. Et puis, je pense que c’est bien qu’on puisse apprécier Pilu des Bois même si on passe à côté du message.

Pilu des Bois est une bande-dessinée avec une belle histoire, et qui parle avec subtilité d’un thème difficile. Elle pourra remuer enfants comme adultes – certaines personnes de mon entourage ont boudé après lecture, parce que ça les touchait d’un peu trop près !

personne en long manteau noir lisant Snapdragon de Kat Leyh dans une forêt pleine de feuilles mortes
Snapdragon de Kat Leyh

Août 2022 : ça fait un an et demi que je ne suis pas allée dans les Book Off parisiens. La dernière fois, j’avais acheté 13 livres que je ne connaissais pas, et depuis… j’en avais lu deux seulement. Était-ce raisonnable d’y retourner ? Sans doute pas, mais j’en avais très envie, et j’ai pris la sévère résolution de n’acheter pas plus de cinq livres inconnus. L’un d’entre eux était la bande-dessinée Snapdragon de Kat Leyh… et elle n’aura pas trainé ! Je l’ai lue le lendemain de mon achat.

On y suit Snap, une ado qui s’enfonce dans la forêt vers la retraite d’une soi-disant sorcière dévorant des animaux domestiques. Snap ne croit pas les rumeurs, mais… son chien a disparu depuis des jours. Elle s’avance courageusement dans la maison, retrouve son chien avec une patte en moins, et s’enfuit lorsque la « sorcière » surgit.

J’étais totalement emportée par le récit, à fond avec Snap ! Comprenant que la vieille dame a soigné son chien blessé par une voiture, Snap retourne la voir pour prendre soin de bébés opossums. A l’école, elle devient amie avec Lu et lui confie tout ce qu’elle apprend.

J’adore les aventures, et celle-ci correspond à tout ce que j’aime. Un poil de magie et de mystère, de l’amitié, beaucoup d’affection, des relations intergénérationnelles, de la nature… l’histoire se dévore avec passion ! Snap est un personnage survolté qui déborde d’énergie, ce qui a grandement contribué à mon enthousiasme.

couverture de Snapdragon de Kat Leyh

J’ai eu un moment d’incompréhension, car Lu n’a pas fait de coming out mais soudain, tout le monde savait qu’elle était une fille trans. Est-ce que j’ai manqué quelque chose ? A part ça, j’ai adoré la bienveillance des personnages. Cette famille est super ! Toutes les relations de Snapdragon sont tendres, douces et touchantes, je me suis sentie tellement réconfortée…

Lorsque j’ai pris la photo illustrant l’article, j’ai dû attendre que des ramasseurs de châtaignes sortent du champ : j’en ai profité pour relire Snapdragon. Et c’était encore mieux que ce que j’avais en souvenir… il se passe plein de choses, en fait, et chaque nouvel élément invite à la réflexion tout en étant prenant et émouvant. Je rajoute ce paragraphe en espérant transmettre tout l’émerveillement que j’éprouve envers cette bande-dessinée, car l’article rédigé initialement me parait insuffisant. Mais il n’y a pas mille manières de dire que j’ai adoré… juste, j’ai adoré. Vraiment. Meilleure lecture de l’année ?

Fun fact – non – la nuit après ma première lecture, j’ai rêvé que je vivais une des scènes du livre, une agression violente : Snap est harcelée à l’école. J’étais horrifiée en me réveillant : j’avais recommandé la bande-dessinée à des ami·es sans les prévenir qu’elle contenait une scène aussi brutale. Est-ce que, toute à mon enthousiasme de la fin, j’avais remisé ce passage dans un coin de ma mémoire ? C’était quelque chose qui m’était arrivé pour la BD Genre Queer… J’ai relu frénétiquement Snapdragon : en fait, mon rêve avait construit la scène de bout en bout. Il y a du harcèlement, mais rien d’aussi violent que dans mon rêve, ouf !

Je peux donc conseiller Snapdragon sans réserve : cette bande-dessinée a été un coup de cœur bouleversant, et j’y repense avec beaucoup d’émotion. J’y ai trouvé de la passion, du réconfort, de l’enthousiasme, de l’affection, de la douceur…

J’ai cru comprendre que beaucoup d’autres étaient frustré·es par ce genre d’incohérences

Ecrire cet article me donne envie de découvrir d’autres bandes-dessinées des Editions Kinaye : je vais regarder ce que ma bibliothèque a en stock. En espérant que le format soit moins frustrant !

Avertissements Pilu des Bois : deuil

Avertissements Snapdragon : harcèlement, mort d’animaux, sexisme

 

2 réflexions sur « Éditions Kinaye : Pilu des Bois et Snapdragon »

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