Ship It de Britta Lundin

J’avais prévu de lire Boy Erased de Garrard Conley, que je devais rendre à la bibliothèque. J’avais même lu la première page. Sauf que l’heure de manger est arrivée, et je galère à lire des romans papiers en mangeant. La liseuse, c’est beaucoup plus facile ! Ça faisait longtemps que je voulais lire Ship It de Bretta Lundin, alors j’ai lu les premières pages entre deux bouchées. Au bout d’un chapitre, j’étais si enthousiasmée que j’ai envoyé un message à un ami pour partager mon excitation. Claire est une jeune fille passionnée par la série DemonHeart, dont les personnages principaux, un chasseur et un démon, sont joués par les acteurs Forest et Rico. Claire écrit de nombreuses fanfics m/m sur eux. Les chapitres alternent avec le point de vue de Forest, qui, après le tournage de la dernière scène de DemonHeart, s’inquiète de trouver un nouveau rôle.

J’étais déjà surexcitée à ce moment-là, la passion de Claire étant communicative. Et le roman a cette ambiance de lecture facile, enthousiasmante, où je sentais qu’il était là pour me faire du bien.

Tout bascule lors d’une convention où Claire demande à Forest si le couple m/m sera validé par la série. Forest n’envisageait même pas cette hypothèse et la traite de folle. Pour rattraper ce faux pas médiatique, Claire est invitée à accompagner l’équipe aux conventions suivantes. Elle décide de convaincre le réalisateur, Jamie, d’écrire une fin où les deux personnages tombent amoureux. L’autrice a réussi le tour de force de donner deux points de vue : à la fois celui des personnes queer déçues qu’on les trompe, et également celui des femmes dont on rabaisse systématiquement les goûts, puisque Claire, qui se pense hétéro, va tomber amoureuse d’une autre fan, et son opinion va évoluer.

couverture de Ship It de Britta Lundin

Je l’ignorais, mais ce roman s’inspire de faits réels, et d’une convention de Supernatural – même moi, qui ne regarde pas, j’ai entendu parler du ship Dean/Castiel – où un acteur aurait remballé vertement une fan évoquant l’homoérotisme entre les deux personnages. Même sans connaître ce fait spécifique, j’avais conscience du queerbating à l’œuvre dans plusieurs séries : réalisateurices et acteurs s’arrangent pour créer une tension homoérotique, afin que les fans LGBTI+ regardent la série, attendant avec impatience que le couple soit réel… et il ne sera jamais confirmé. Jamais infirmé non plus : les réalisateurices veillent à ne pas dire que le personnage est hétéro, ou que les fans se trompent, pour continuer de faire de l’audience. Devinez quoi ? Je trouve ça horrible.

Ship It est donc une lecture très satisfaisante. L’histoire n’est pas du tout réaliste, mais quelle importance : j’étais là pour vivre une fantasie où une fan pouvait avoir un impact, et, au moins sur une série, arrêter ce procédé odieux.

D’ailleurs, je redoutais que le romans soit réaliste et se termine avec un échec de Claire… j’ai donc lu plein de commentaires Goodreads histoire de me spoiler la fin, et je suis repartie de plus belle.

J’ai hésité à ne pas me coucher pour terminer, mais même si l’anglais est simple, je lisais moins vite qu’en français, et j’ai préféré être raisonnable. Ce qui est intéressant, c’est que j’avais lu des commentaires négatifs et constructifs de Ship It, dont les arguments relevaient des éléments qui me dérangent d’ordinaire – relation toxique ou qui sort de nulle part, comportement abusif… – mais je n’ai pas du tout eu le même ressenti sur les passages évoqués. Les personnages font des erreurs, c’est sûr – Claire a 16 ans – mais les comprennent et s’excusent par la suite. Mon seul regret est d’avoir confondu, jusqu’à la fin, les personnages de Laura et Caty, et qu’une romance sorte de littéralement nulle part pour Forest.

J’ai lu pendant mes trajets et mes repas pendant le reste de la semaine. L’histoire n’est pas du tout réaliste, mais je n’étais pas là pour ça : c’est une lecture cathartique, qui comble un peu la frustration du queerbaiting. Et ce n’est pas pour autant une histoire sans la moindre profondeur : elle explore les nécessités de la représentation, que ce soit de personnes racisées ou LGBTI+, le questionnement de Claire et la pression à faire son coming out. J’étais surexcitée par cette lecture qui m’a fait beaucoup de bien.

Avertissements : outing, contenu sexuel


Crédits : fanart Nimona de Noëlle Stevenson, fanart Percy Jackson de Viria, fanart Harry Potter de UpTheHillArt

 

4 réflexions sur « Ship It de Britta Lundin »

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