Lorsqu’une de mes amies m’a conseillé Les Âmes Vagabondes, je l’ai emprunté, ravie de cette occasion de partager une lecture et d’en discuter. Puis j’ai découvert qu’il était de Stephenie Meyer ! J’ai quand même lu le résumé, qui a porté le coup fatal : « L’amour pourra-t-il la sauver ? » 700 pages là-dessus, non merci. J’ai rendu le livre.
Puis, alors que j’étais en seconde, la même amie m’a invitée à voir le film qui venait de sortir. Et… j’ai adoré ! Rien que l’intro m’a embarquée :
« La paix règne sur Terre. Il n’y a plus de famines. Il n’y a plus de guerres. L’atmosphère est purifiée. L’honnêteté, la courtoisie et la gentillesse sont pratiquées par tous. Notre monde n’a jamais été aussi… parfait.
Seulement, ce n’est plus notre monde. »
Dans cette histoire, la guerre contre les extraterrestres est terminée. De plus, ces envahisseur·ses sont très pacifiques et bienveillants ! C’est donc un univers très original que je découvrais là…
Vagabonde, une âme, est introduite dans le corps d’une humaine rebelle, Mélanie. Alors que d’ordinaire, les humain·es sont effacé·es par l’arrivée de l’âme, Mélanie est toujours présente ! Vagabonde a accès non seulement à ses souvenirs, mais dialogue avec elle, et à force, finit par aimer Jamie, le frère de Mélanie, et Jared, son amoureux. Comme ils sont traqués par les âmes, elle décide de les retrouver pour les aider. Elle tombe sur tout un groupe de résistant·es – pas des rebelles qui veulent renverser le pouvoir, ça, il est clair que c’est un espoir vain : juste des humain·es qui refusent de céder leur corps, et qui ne voient pas l’arrivée d’une âme d’un bon œil…
J’avais tellement aimé le film que je me suis jetée sur le livre. Sur les cent dernières pages, mes yeux piquaient de fatigue – il était trois heures du matin – mais je ne pouvais pas m’arrêter, c’était trop prenant ! J’ai lu en diagonale pour finir, et le lendemain, je l’ai relu en entier, plus posément. J’avais adoré le personnage de Vagabonde, la gentillesse incarnée. A l’époque, je lisais beaucoup de fantasy, et nombre de ces romans mettaient en valeur l’agressivité « virile » – qui permet de remporter les combats contre les méchants dragons – et dénigraient la compassion et la douceur « féminine », assimilées à de la faiblesse et de la naïveté. C’était donc génial de lire un livre où ces traits de caractère étaient mis en valeur. J’en ai même eu l’envie de créer un personnage similaire, qui chercherait des astuces non-violentes pour triompher d’adversaires agressif·ves.
De plus, Les Âmes Vagabondes était enfin un roman qui était plus que la somme de ses péripéties. Il y a plein d’actions, de bouleversements… mais tous s’agencent autour de plusieurs thèmes. L’amour et la haine, et pour une fois, il s’agit d’amour au sens large… l’amour de Vagabonde et Mélanie pour son frère est même élevée au-dessus de l’amour romantique ! Il y a aussi un discours autour de la dualité corps/esprit. Mélanie est attirée par Jared, et donc le corps de Vagabonde l’est aussi. Tous les souvenirs mélioratifs de Mélanie poussent Vagabonde à aimer Jared. Sauf qu’individuellement, spirituellement, elle aime Ian…
J’ai relu ce roman avec ma mère et mon frère, puis il a dormi sur mes étagères pendant plusieurs années. J’ai changé, mûri. J’éprouvais donc beaucoup d’appréhension à l’idée de le relire, huit ans plus tard… mais il m’a emportée une fois de plus.
D’une part, j’ai conscience de son contenu problématique. A l’époque déjà, la mise en valeur de la petitesse et jeunesse des femmes, comparée à la massivité et à l’âge des personnages masculins, m’avait mise mal à l’aise. La rhétorique de l’instinct maternel est bien ancrée dans le livre, il y a une psychophobie assez appuyée dans les insultes, et les âmes se débarrassent des corps « non-fonctionnels ».
Et maintenant, je suis aussi plus dubitative sur la compassion mise en avant. C’est intéressant, c’est sûr. Mais Vagabonde se fait attaquer à plusieurs reprises, et elle pardonne systématiquement, elle va même jusqu’à défendre l’un de ses agresseurs au tribunal. Dans le cadre du scénario, c’est un choix stratégique et sensé, mais ce n’est pas pour ça qu’elle le fait.
Ma relecture m’a aussi permis de comprendre pourquoi j’avais autant aimé la romance entre Vagabonde et Ian. Avant de m’y plonger j’avais aimé voir une relation amoureuse qui ne se basait pas du tout sur l’attirance sexuelle. C’est possible.
Mais en fait, Vagabonde ne tombe pas tout à fait amoureuse de Ian. Elle l’apprécie beaucoup, mais celui qu’elle aime romantiquement, passionnément, c’est Jared. Quand elle comprend que Ian est amoureux d’elle, elle est choquée. Troublée. Et, finalement, elle conclut qu’elle a envie de partager sa vie avec lui, qu’il est son compagnon même s’iels ne peuvent pas vivre ensemble. Je m’identifie beaucoup à la manière dont elle découvre et développe cette affection…
Alors bon, je comprends que des personnes détestent cette histoire, la trouvent sexiste, stéréotypée, et avec des romances pas forcément saines. Mais j’ai adoré l’univers, le personnage de Vagabonde m’a touchée et me touche encore, la cache des résistant·es me fait rêver, j’ai des larmes aux yeux dans les derniers chapitres, la fin est parfaitement ouverte, et c’est un des rares livres où la romance m’enthousiasme.
On peut aimer des œuvres problématiques. Et, dans l’autre sens, ce n’est pas parce qu’on aime une œuvre qu’il faut fermer les yeux sur ses défauts. Je ne peux pas vous promettre que vous allez adorer Les Âmes Vagabondes, mais en prenant tout ça en compte, je pense que vous pouvez lui donner sa chance.
Avertissements : utilisation de termes psychophobes/erronés : dingue, hystérique, attitude autistique
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