J’étais chez mes parents durant le premier confinement, ce qui m’a donné l’occasion de relire des livres que j’avais laissés là-bas. Je vous ai déjà parlé de trois romances relues à cette occasion, ainsi que de Love, Simon et Opération Pantalon.
Mais certaines relectures étaient plus stressantes que d’autres : on parle ici de livres que j’adorais ! Je savais que je le vivrais mal si je leur découvrais des défauts maintenant… J’avais déjà eu une grosse déception avec William Santrac : après avoir attendu 10 ans l’occasion de relire les deux premiers tomes et d’enchainer sur le trois que je n’avais jamais lu, j’ai abandonné à la fin du premier. Je n’aime plus du tout cette série qui m’avait tant fait rêver ! Et maintenant, difficile, de m’en souvenir avec affection, alors que j’ai en mémoire ma lecture plus récente. C’est vraiment dommage !
J’avais déjà expliqué dans l’article Les romans préférés de mon enfance que la trilogie Artémis Fowl était l’un de mes coups de cœur… et l’est resté, même quand j’ai grandi. Toutefois, ça faisait maintenant plusieurs années que je ne l’avais pas relu, et j’avais très envie de me faire ce plaisir. J’ai dévoré en deux jours les trois tomes, et à mon grand soulagement, c’était toujours aussi génial.
Le personnage éponyme, Artémis, est un génie du crime âgé de douze ans, accompagné de son garde du corps Butler. Pour rétablir la fortune familiale après la disparition de son père, il traque les Fées dont il a découvert l’existence, parvient à se procurer leur Livre et à le traduire. Grâce à ça, il enlève Holly Short, officier des FAR – la police du monde des fées, qui vit sous terre et possède une technologie surdéveloppée – pour réclamer une rançon.
Le scénario est très tendu, et on ne sait pas dans quel camp on est : celui des fées, dont tous les membres sont très attachants ? Celui d’Artémis, qu’on apprend à aimer même s’il est officiellement le méchant ?
Les péripéties sont nombreuses, et toujours intelligentes : Artémis est un génie, après tout, et en face, le centaure Foaly a du répondant côté technologie, et le commandant Root, lui, n’hésite pas à recourir à des méthodes peu orthodoxes – comme recruter Mulch Diggums, le nain cambrioleur qu’il est censé arrêter.
Les personnages sont hauts en couleur et hilarants, chacun à leur façon. Je regrette seulement qu’à part Holly, il n’y ait pas beaucoup de personnages féminins auxquels m’identifier. Le traitement de la maladie mentale d’Angéline est aussi plutôt maladroit, tout comme la dichotomie « intelligent »/« stupide », exagérée dans les deux sens. Ça aurait pourtant été une bonne occasion de parler des différentes formes d’intelligence ! Certaines formes d’humour sont un peu enfantines, mais après tout, Artémis Fowl est un livre à destination d’enfants.
Le tome 2, Mission Polaire, nous permet de découvrir ces personnages dans une nouvelle dynamique, car ils doivent s’allier : le père d’Artémis a été enlevé par la mafia, et les fées sont attaquées par un gang de gobelin. J’ai retrouvé tout ce que j’avais aimé dans le tome 1, avec en prime, pas mal d’émotion dans les relations entre Holly et Artémis, puisqu’iels vont peu à peu se prendre d’affection l’un pour l’autre. Les rapports entre le commandant Root et Holly sont toujours aussi prenants, puisqu’il est d’une sévérité extrême, mais qu’on sent qu’il veille sur elle.
Le tome 3, Code Eternité, était le dernier prévu – même si, par la suite, l’auteur a écrit cinq tomes de plus, et même un spin-of. Il change un peu des autres, car même si l’humour est toujours là, le scénario est bien plus sérieux. Dans le tome précédent, on ne se demandait pas si les héro·ines allaient réussir : on le savait, et la question, c’était « comment ? »
On se demande toujours comment, mais la nouveauté, c’est que la question « à quel prix ? » s’y ajoute. Car au début, une scène déchirante nous montre que la magie ne peut pas tout guérir… de plus, tout est en place pour que la fin, même victorieuse, soit douce-amère, puisqu’Artémis promet de se faire effacer la mémoire.
Au cours du roman, Artémis gagne en complexité et c’est très bienvenu. Ses aventures lui ont appris l’amitié et la compassion, mais il reste un personnage peu moral.
La trilogie Artémis Fowl compte parmi mes préférées, car elle contient tout ce que j’aime : un scénario complexe, des personnages attachants, de l’humour, de l’émotion à travers leurs relations. Et petit bonus : si vous traduisez les symboles en bas des pages, vous obtenez un message – simple dans les 1ers tomes, mais dans Code Eternité, il fait écho au scénario.
« MON CHER NOUVEL ALLIE SI TU AS DECHIFFRE CE CODE ALORS TU AS UNE INTELLIGENCE SUFFISANTE POUR AIDER A MA MISSION. »
Au collège, je lisais tellement qu’il paraissait impossible qu’un jour cela cesse. J’ai relu certains romans – comme Artémis Fowl, d’ailleurs – une douzaine de fois ! Mais arrivée en prépa, j’avais abandonné la lecture des romans. Mes ami·es étaient toustes passé·es à la littérature adulte, j’avais essayé de les imiter, mais ils ne m’intéressaient pas : ils étaient identiques aux romans jeunesse, en rajoutant de la violence et du sexe, et en supprimant l’humour. Je me sentais un peu ridicule à retourner vers la littérature de fantasy jeunesse, et surtout, j’avais l’impression d’en avoir fait le tour. Un héros découvre un monde magique, affronte le méchant machiavélique qui le menace, et voilà…
Un ami m’avait vanté Warbreaker de Brandon Sanderson, et comme j’avais adoré Alcatraz contre les Infâmes Bibliothécaires du même auteur, j’avais décidé de tenter l’aventure.
Deux royaumes sont au bord de la guerre : d’un côté Hallandren, dirigée par les Rappelé·es, des personnes ressuscitées, d’un autre, Idris, dont la religion interdit la magie et l’ostentation. Siri, princesse d’Idris, est mariée au Dieu-Roi d’Hallandren pour éviter la guerre. Lorsque sa sœur Vivenna se rend compte qu’elle a peu de chance de s’en sortir vivante, elle part à sa rescousse.
Ce livre a été terrible pour mes révisions : dès que je prévoyais de m’arrêter à la fin du chapitre, il se terminait sur un cliffhanger – parfois artificiel, et résolu dès la 1e ligne du chapitre suivant – et je ne pouvais m’empêcher de continuer. Je l’ai lu d’une traite, découvrant que la littérature pour adulte pouvait apporter quelque chose par rapport à la littérature jeunesse : la profondeur.
Il y a plein de romans jeunesse qui m’ont fait réfléchir. Mais Warbreaker a pris un tour fascinant lorsque j’ai découvert qu’il n’y avait pas de méchant·e : juste des personnes avec des intérêts divergents. C’était passionnant de suivre les différents points de vue, de comprendre à la fois Hallandrènes et Idrien·nes.
Complots et intrigues de cour, système magique fascinant, univers cohérent et riche, les points de vue qui s’alternent entre les camps opposés, la mort de mon personnage préféré − je ne vous dit pas qui, donc ce n’est pas un spoiler, non ? − qui, loin de me briser le cœur, m’a laissé un sentiment de tristesse, d’admiration et de complétude mêlées : tout était là pour me redonner l’envie de lire. Grâce à Warbreaker, je me suis réconciliée avec la fantasy pour adultes.
Six ans plus tard, j’ai enfin eu l’occasion de le relire. L’univers était toujours aussi impressionnant dans sa complexité et sa cohérence – que ce soit la magie des couleurs, les différentes religions et nationalités, l’armée, la politique. Cependant, je connaissais à présent les objectifs cachés de chaque personnage, et l’aspect « jeu de piste » − essayer de deviner qui veut quoi – ayant disparu, j’ai trouvé le temps un peu long au milieu du roman.
Le temps − et des articles sur le sexisme en fantasy − m’a aussi ouvert les yeux sur certains passages plus dérangeants, comme les descriptions de Tissepourpre, qui consistent à répéter dix fois qu’elle est à moitié nue. Belle caractérisation d’un personnage…
Mais j’ai adoré les autres femmes ainsi que leur évolution, en particulier celle de Vivenna : très arrogante au début, elle finit par voir à quel point elle est biaisée et déconstruit ses privilèges… A travers ses yeux, on découvre différentes facettes de l’immigration, et le pays d’accueil est montré comme responsable de la pauvreté et de la criminalisation des individus. Comme Vivenna, on ressent de la haine et de la révolte contre la source de cette injustice. Je suis mal placée pour juger de la pertinence de ce portrait, mais j’ai trouvé ça super intéressant et prenant.
Il y a aussi beaucoup d’humour, en grande partie grâce à Chanteflamme, un dieu qui ne croit pas en sa propre religion et essaie de convaincre ses prêtres qu’ils ont tort de le vénérer.
Warbreaker est un excellent roman qui a marqué un tournant dans mes goûts pour la fantasy, et qui a ravivé ma passion pour la lecture. C’était donc un soulagement de constater que même si je lui trouve à présent des défauts, je peux garder ce livre en mémoire comme une pierre angulaire de mon approche de la lecture.
Avertissements Artémis Fowl : violence physique
Avertissements Warbreaker : violence, mort, torture animale, violence sexuelle médicale
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