J’avais résolu de lire tous les romans de T.J. Klune, dont j’adore la variété, et j’ai donc commencé Le Chant du Loup, un roman fantastique avec des loups-garous. Quelle n’a pas été m’a déception en constatant qu’au lieu d’une aventure magique et bourrée d’action, je me retrouvais à suivre le quotidien simple du narrateur, Ox, et de la mystérieuse famille Bennett. C’était long… et lent… Je sentais une romance se nouer avec Joe Bennett, qu’il rencontre alors qu’ils ont dix et seize ans, et je n’avais pas la moindre envie d’assister à ça.
J’ai fini par abandonner.
Deux ans plus tard, un ami m’a conseillé de lui redonner une chance. Je me suis donc replongée dedans, et… je ne sais pas ce qui a changé, peut-être que c’est juste parce que mes attentes étaient différentes, mais wow, c’était magnifique ! Belle et poétique, l’écriture crée une atmosphère de douceur et d’affection. Au fil des mots, on intègre la meute : on sent les liens intenses entre Ox et chacun des personnages. Moi qui n’étais pas fan de loups-garous, j’ai découvert leur intérêt, toute l’émotion qui peut se dégager de telles relations. Les dialogues sont magnifiques, avec un excellent équilibre entre sincérité, sentiments et humour. Même lorsque l’action démarre et qu’on craint pour la vie des personnages, ça reste doux, mélancolique et beau.
En effet : il n’y a finalement pas que du quotidien dans ce roman : le clan Bennett est pourchassé par le mage Livingstone et de nombreux·ses ennemis. Certains évènements m’ont juste brisé le cœur…
« C’était la vénération. C’était la grâce. C’était la beauté. Je me demandai si cela voulait enfin dire que je pouvais respirer. Comme si j’avais trouvé ma place dans ce monde que je ne comprenais pas.
Brodées. Rouges. Blanches. Bleues. Deux lettres, cousues à la perfection.
OX, disait la chemise de travail.
Comme si je comptais. Comme si je voulais dire quelque chose. Comme si j’étais important.
Les hommes ne pleurent pas. Mon père me l’avait appris. Les hommes ne pleurent pas parce qu’ils n’ont pas le temps de le faire.
Je ne devais pas encore être un homme alors, parce que je pleurai. Je baissai la tête et pleurai. »
Chaque tome est écrit d’un point de vue différent : Ox, Gordo, Robbie puis Carter, permettant de découvrir la suite avec un autre ressenti. Ox est celui qui m’a le plus touchée, il parle peu et beaucoup le considèrent comme stupide, mais malgré les enseignements toxiques de son père, c’est quelqu’un de très affectueux et foncièrement gentil. Le deuxième tome est celui dont j’ai préféré le scénario, mais le tome qui est le plus cher dans mon cœur est le 3 : Le Chant du Cœur, si bien nommé.
Durant ma première lecture de cette série, j’ai fait une erreur : malgré la révélation grandiose à la fin du tome 2, couplée à un cliffhanger haletant, j’ai décidé d’attendre que le tome 4 sorte pour me lancer dans le 3.
Mauvaise idée, très mauvaise idée.
Car lorsque j’ai enfin lu Le Chant du Cœur quelques mois plus tard, j’avais tout oublié. Les plots twist me laissaient perplexe, je n’étais plus attachée aux personnages… or, le cœur de cette série, ce sont les émotions venant de leurs relations. Je suis totalement passée à côté du livre.
Le début m’a déroutée. L’histoire est du point de vue de Robbie, un loup du clan de Michelle qui est envoyé surveiller les Bennett dans le tome 1 et finit par les aimer. J’adore les espion·nes qui changent de camp, alors j’avais hâte de découvrir son histoire.
On suit donc Robbie avec le clan de Michelle, et… l’ambiance ne collait pas. J’étais tellement stressée ! Je voyais chaque sourire comme torve et machiavélique – et pour certains personnages, je savais grâce au tome 2 que c’étaient des méchants.
En arrivant chez moi, j’y ai réfléchi et j’ai conclu que ce n’était pas le livre, c’était moi : je n’étais pas très bien ce jour-là, stressée par mon boulot et toutes les interactions sociales qu’il implique.
J’ai donc fait une pause, regardé des vidéos relax, fait des exercices de respiration. Puis j’ai repris ma lecture.
Ce n’était pas que moi : c’était le livre qui était hyper confus et flippant ! Et quand l’explication arrive… wow, je ne l’avais pas vue venir ! Le plot twist était intelligent et bien amené, même si ça me frustrait que le livre ne réponde pas à mes attentes.
Malgré tout, mes émotions n’avaient pas été aussi fortes qu’elles auraient pu l’être, alors j’ai résolu de relire l’intégrale d’une traite. Et à la relecture… ce tome est excellent, le meilleur de toute la série. Comme je savais à quoi m’attendre, je ne pouvais pas être déçue que certains points n’étaient pas abordés, et j’avais juste le plaisir de suivre le personnage en étant cette fois-ci totalement investie dans ses relations. Ce que Robbie traverse émotionnellement est si fort, les enjeux grimpent… C’est tout simplement génial. Le tome parfait.
De plus, Le Chant du Cœur résout enfin la frustration que j’éprouvais depuis le début en ce qui concerne les omégas.
En effet, dans cet univers, les omégas sont des loups ayant perdu ce qu’il y a de plus cher à leurs yeux. Dans le tome 1, on explique que cela les fait sombrer, ils deviennent monstrueux et la seule chose à faire est de les tuer. Ma réaction instantanée face à cette présentation a été la révolte. On exécute des personnes traumatisées ??
Les omégas qu’on croise au début sont certes méchant·es, mais iels le sont au même titre que n’importe quel·le antagoniste, sans être monstrueux·ses. Dans le tome 2, les personnages principaux les tuent simplement pour leur nature, alors qu’iels n’ont rien fait. Les omégas sont présenté·es comme des monstres, attaquant toutes les personnes qui les entourent sans pouvoir se contrôler. N’empêche, l’idée de les abattre me révoltait.
Le tome 3 offre un portrait bien plus nuancé, et le tome 4 continue dans cette veine. De manière assez discrète et d’autant plus stylée à mes yeux, les meurtres commis auparavant sont dénoncés puisqu’on se rend compte qu’un des personnages principaux aurait pu en être la victime.
Non seulement j’ai passé un excellent moment à le lire, mais c’est un tome auquel on peut penser encore et encore, s’interroger… Après cette relecture enthousiasmante, j’ai enchainé avec le tome 4.
Le Chant des Bennett ressemble à une correction des tomes précédents, comme si l’auteur avait entendu tous les reproches que je lui adressais et avait modifié quelques passages en catastrophe.
Par exemple, j’étais mitigée quant au traitement des compagne·ons, sortes d’âmes sœurs. T.J. Klune essaie d’introduire la notion de choix, sans pour autant le montrer. Le tome 4 évoque le polyamour et l’aromantisme, mais dans les faits, et tout le monde finit avec le premier compagnon rencontré.
Ça se termine avec sept couples, donc le message est que le compagnonnage est le lien ultime… Même pour le personnage aro : s’il est en couple queerplatonique, c’est parce que le lien de couple est « supérieur » et le rend plus fort. On précise quand même que le sexe n’est pas nécessaire, ajout bienvenu après le tome 3 dont le traitement de l’asexualité m’avait frustrée.
N’empêche, c’est trop peu, trop tard, et ce n’est pas mon seul reproche. Même si T.J. Klune nous présente des virilités douces, dénonce la masculinité toxique dans Le Chant du Loup et conteste certains stéréotypes de genre dans Le Chant des Bennett, au bout de quatre tomes, j’en ai assez de la non-mixité masculine. Les très rares femmes sont des stéréotypes…
Je trouve aussi le traitement des humain·es frustrant. Les moments où iels se font une place dans la meute sans être des loups étaient tellement prometteurs ! Seulement, iels sont souvent utilisé·es comme une technique cheap de suspense. « Oh non, l’humain meurt ! Pas grave, on le transforme et il guérit. » Est-ce que le livre peut vraiment affirmer que les humain·es sont aussi fort·es alors qu’au fil des tomes, iels deviennent des loups comme une sorte d’upgrade pour les sauver ?
Cependant, le tome 4 poursuit dans la lignée des précédents en complexifiant des personnages idéalisés dans le tome 1, notamment Thomas Bennett. Si Ox l’adorait, Gordo le déteste, et on comprend bien pourquoi. Son ambiguïté est développée au fil des tomes, et à la fin, je ne l’aimais plus du tout. C’est progressif et très bien amené !
« — Dis donc ! coupa Kelly. Ce n’est pas une meute que tu as créée. C’est un harem.
— Kelly ! jappa Carter. Maman est dans son harem !
Kelly pâlit. »
Le scénario de cette série, d’une complexité que je peux difficilement révéler ici sans spoiler, traverse des hauts incroyables et des bas abyssaux : la fin du tome 1, par exemple, a été une immense déception. J’étais tellement occupée à râler contre l’attitude inconséquente d’Ox que je suis totalement sortie de l’histoire. Les retournements de situation qui s’ensuivent sont magistraux, mais j’étais agacée par les incohérences du personnage, et non émue.
Le tome 2 est celui qui a le scénario le plus complexe et passionnant. Les trahisons sont profondes et intelligentes, et les révélations sur l’univers sont à la fois étonnantes, logiques, et bien ancrées dans les évènements d’avant. C’est implacable, et on ne voit pas de solution facile ! Le suspense est là, l’émotion aussi, je ne pouvais pas m’arrêter de lire.
Malheureusement, le scénario du tome 4 retombe. Le début se traine tellement… Sérieusement, il est redondant. Oui, les questions de sacrifice, de choix entre individu ou groupe, c’est intéressant, mais on a déjà eu ces problématiques quatre fois, ça suffit un peu ! Et ensuite, tous les éléments de résolution sont mal amenés. Cette série aurait vraiment pu se terminer dans le troisième tome, surtout que la toute fin sort de nulle part.
Chaque fois que je vois un univers aux règles strictes, je souhaite en questionner les limites : que se passe-t-il si des âmes sœurs souhaitent rompre ? Un lien avec trois personnes est-il possible ? T.J. Klune les titille sans aller assez loin à mon goût, alors je veux explorer tout ça !
De plus, cette série m’a montré toute la beauté et la poésie qu’on pouvait trouver dans ce genre d’univers. J’adore quand on met en avant la puissance de l’affection en général, et la description des liens de meute me remplissait d’émotions.
J’ai déjà noté plein d’idées, et je compte à présent lire d’autres romans de loups-garous pour mieux connaître les règles du genre. N’hésitez pas à m’en conseiller !
Avertissements : parents abusifs, violence générale (sang, mort, combats, perte d’un membre), manipulation, mention de torture, différence d’âge
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