Je me souviens que j’avais vu le tome 3 de La Lectrice : Le Conteur de Traci Chee en librairie. Le titre m’attirait, mais quand j’ai vu la couverture, j’ai cru qu’il s’agissait d’une romance tropicale, ce qui n’est pas mon style de lecture.
Je me suis finalement intéressée à ce livre durant le Readathon du Nouvel an Lunaire, qui encourageait à lire des auteurices asiatiques. J’ai lu le résumé… pour une fois, je le trouve super !
Après avoir consulté la quatrième de couverture, je brûlais d’envie de me plonger dans cette histoire. Le début a renforcé ma passion :
Certaines pages ressemblent à des feuilles volantes, d’autres semblent extraites d’un grimoire. Les passages raturés ne le sont pas juste pour décorer, ça a un sens. Un bon travail de l’édition… sauf pour la couverture. Je la trouve plutôt moche, mais surtout, j’ai découvert que la couverture originale ressemble à ça :
C’est encore un de ces effacements de personnage asiatique dont les maisons d’édition françaises semblent friandes.
On suit donc Sefia, une jeune fille qui traque la Garde, responsable de l’enlèvement de sa tante, avec pour seul indice un objet rectangulaire. On le devine : c’est un livre. Et le symbole sur la couverture est également celui des Estampeurs, un groupe qui enlève des jeunes garçons pour les transformer en machines à tuer. Sefia va secourir l’un d’entre eux, Archer, pour comprendre les liens entre les Estampeurs et la Garde.
Le roman était à la hauteur de mes espérances, très hautes depuis ma lecture du résumé. Le scénario et ses méandres qui m’ont vraiment plu. Sefia explore le livre qui a coûté la vie de ses parents, et on découvre avec elle les secrets de son univers. Les retournements de situation sont bien amenés, je voyais tous les indices qui avaient mené à la révélation, et pourtant j’étais surprise. Les histoires parallèles avec le Capitaine Reed, la Seconde et l’apprenti Bibliothécaire étaient prenantes et bien reliées à l’intrigue principale.
Mon seul regret est de ne pas avoir pu lire ce roman d’une traite. J’étais obligée de m’arrêter pour les cours, pour lire les romans de la bibliothèque à rendre d’urgence, et je perdais le fil à chaque fois.
En commençant le tome 2, L’Oracle, quelques mois après avoir terminé La Lectrice, je me suis rendue compte que mes souvenirs étaient très flous. Je me souvenais surtout des scènes qui m’avaient marquée, et du scénario, à peu près, mais de la personnalité des personnages, de leur but ? Pas du tout.
J’ai donc mis pas mal de temps à accrocher, surtout que le cœur du roman change : alors que dans le tome 1, Sefia était animée par son désir de vengeance, dans L’Oracle, elle est juste inquiète. Elle fuit la Garde avec Archer, et l’aide à libérer des garçons capturés par les Estampeurs. Elle ne fait rien d’actif. Même si elle ne pleurniche pas trop, elle est toujours en train de demander à Archer d’arrêter. Et elle a raison ! Mais c’est juste tellement cliché et réducteur, cette position de femme amoureuse d’un homme violent et qui passe un livre entier à le calmer…
Archer est donc le véritable personnage principal de ce livre, et son développement est captivant. Les garçons libérés forment un groupe nommé les saigneurs, bien décidés à traquer tous les Estampeurs. Je n’y connais rien au syndrome de stress post-traumatique, mais j’ai trouvé le traitement de la violence très intéressant : c’est montré comme une addiction. Archer est traumatisé par les meurtres que les Estampeurs l’ont forcé à commettre. Mais les seuls moments où il oublie cette douleur, c’est lorsqu’il se bat. Il commet donc de plus en plus de meurtres, qu’il regrette de plus en plus, et il n’arrive pas à arrêter…
En parallèle, on suit toujours un peu le capitaine Reed et Tanin, une méchante pour laquelle je ne peux pas m’empêcher d’avoir de la peine. Mais le méchant le plus intéressant, c’est Arcadimon.
J’avais déjà constaté avec Warcross et Nimona que j’adorais les romances tragiques secondaires. Secondaires car les romances principales me lassent, et tragiques parce que ça signifie que le passé des personnages est bien développé, que je vais souffrir avec eux, que je ne vais pas deviner comment ils vont s’en sortir et qu’à chaque pause je vais rêver de cette histoire, cherchant des solutions.
C’était tout à fait ça ici : l’assassin Arcadimon est amoureux du roi Edouard, son ami d’enfance, qu’il empoisonne à petit feu pour prendre sa couronne. Chaque chapitre de leur point de vue me torturait, car l’autrice ajoutait une couche de désespoir à leur situation. Je ne voyais pas la moindre échappatoire à cette tragédie ! J’y réfléchissais en marchant pour aller au travail, en mangeant, à chaque fois que je ne lisais pas. J’ai formulé une hypothèse… et j’avais raison ! Vous ne pouvez pas me voir me rengorger, mais je suis très fière de moi.
Au fil de l’histoire, il y a de plus en plus de représentation LGBTI+, mais toujours secondaire. Alors que d’ordinaire ça m’agace, ici je n’ai pas eu l’impression que c’était pour cocher une case, et ça m’a fait plaisir.
Autre chose que je ne valorise pas et que j’ai aimé ici : un univers sans sexisme, homophobie ou transphobie. La plupart du temps, je trouve ces univers incohérents – un univers pas sexiste où les femmes sont offertes en mariage ? Ah bon ? – mais Traci Chee s’est vraiment bien débrouillée pour que tout soit logique.
Cet univers est creusé un peu plus durant le tome 2, et il me plait vraiment. Il réussit à être dur et à me faire rêver en même temps ! On en apprend plus sur le passé des pays, de la Garde, de la Lecture, et des parents de Sefia, mais il reste plein de mystère !
Je me suis efforcée de lire Le Conteur au plus vite pour rester dans l’ambiance. Il continue de s’attaquer à un thème que j’adore : la lutte contre le destin. C’est facile de gagner quand la prophétie vous désigne comme l’Elu·e. Mais quand elle vous désigne comme læ perdant·e ? Ou comme cellui qui détruit le monde ?
C’est une des raisons pour lesquelles j’avais adoré la série She-Ra, et j’étais ravie de retrouver ce thème, surtout que les questions posées sont différentes.
Cependant, le tome 3 m’a déçue et j’ai du mal à savoir pourquoi.
Je pense que c’est en partie lié au fait que Sefia n’est pas très intéressante. Dans le tome 1, je la trouvais correcte : rien ne m’enthousiasmait chez elle, mais je n’avais rien à lui reprocher non plus. Son désir de vengeance lui donnait un peu de relief, et on suivait aussi beaucoup le capitaine Reed, la Seconde et le bibliothécaire. Le tome 2 est centré sur Archer et on a beaucoup de passages avec Tanin, Edouard et Arcadimon.
Mais dans le tome 3, on a surtout Sefia…
Côté scénario, rien ne m’a surprise, et beaucoup d’éléments sont peu compréhensibles – les énigmes géographiques pour trouver le Butin, par exemple, car personnellement je n’ai pas appris la carte du royaume par cœur. C’est particulièrement dommage en ce qui concerne la magie. Sefia découvre un nouveau pouvoir qu’on pressentait depuis le tome 2, et la seule chose qui l’empêche de gagner directement, c’est que parfois, ça ne marche pas. Les règles sont très arbitraires – de type « est-ce qu’elle est concentrée » − et du coup je sentais qu’elle ne réussissait ou échouait que parce que c’était utile au scénario.
De même, alors qu’elle ne connait pas sa destinée, elle est convaincue qu’en faisant telle action, elle va à contre-courant du destin. Pourquoi ? Je n’arrivais pas à la suivre.
La fin… L’autrice s’est éloignée des clichés, et c’est vraiment cool, mais en faisant ça, elle donne aussi l’impression d’avoir choisi la solution de facilité. Ça gâche un peu mon plaisir de voir que la fin n’était pas ce à quoi je m’attendais. Et puis, les coïncidences s’enchainent, les personnages sont tués ou sauvés par des hasards, et certes, c’est très réaliste dans le cadre d’une guerre. Mais dans un livre qui parle de destin, je m’attendais à ce que les morts soient super satisfaisantes ! Un peu comme celle de mon personnage préféré dans Warbreaker, qui est déchirante et en même temps parfaite pour le personnage, comme s’il était né pour ça.
Là, ma seule réaction, c’était « oui, d’accord ». La mort la plus intéressante est celle d’un personnage qu’on a vu 3 pages – et elle était super. Trente minutes après avoir fini le livre, je n’arrivais déjà plus à me souvenir de ce qu’il était advenu de Tanin alors que c’est une méchante super intéressante.
Le Conteur était très bien. Mais j’en attendais tellement, tellement plus ! Je me rends bien compte que je suis injuste dans mes récriminations : l’univers est intéressant et original, la fin se détourne des clichés, il y a des tonnes de personnages et à aucun moment on a l’impression qu’il y en a trop…
Mes attentes étaient très élevées, et forcément, je suis déçue. Ça reste une excellente conclusion à cette série passionnante.
Avertissements : violence, enfants-soldats et enfants-gladiateurs, mort, torture, kidnapping, attaque de panique, PTSD, mention et tentatide de suicide, abus, manipulation, cannibalisme
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